Pour rendre hommage à Robert Hébras, dernier survivant du massacre d'Oradour-sur-Glane, décédé le 11 février 2023, le général Pellistrandi et le colonel Claude Franc reviennent, dans deux tribunes pour la RDN, sur différents aspects de ce tragique événement de la Seconde Guerre mondiale. Ici, le général Pellistrandi se penche sur les aspects mémoriels du tragique 10 juin 1944.
Robert Hébras et la mémoire d’Oradour (T 1471)
Robert Hébras devant les auditeurs de la 225e session régionale de l'IHEDN, le 2 février 2022
Le 11 février 2023, avec la disparition de Robert Hébras à 97 ans, c’est une page définitive de la mémoire du massacre d’Oradour-sur-Glane qui disparaît. C’est donc l’occasion de revenir sur une histoire douloureuse et infamante qui vit 643 hommes, femmes et enfants être massacrés par une unité appartenant à la Division SS Das Reich qui, jusqu’alors stationnée dans le Sud-Ouest depuis le printemps 1944 tant au camp de Souges, près de Bordeaux, qu’à Montauban, remontait vers le théâtre normand suite au D-Day, le 6 juin.
Cette remontée fut un long périple, marqué par la barbarie et l’exécution sauvage de dizaines de Français comme à Tulle, où 99 d’entre eux furent pendus dans le centre-ville, le 9 juin.
Le lendemain, ce fut le tour d’Oradour, ce bourg rural et commerçant situé à environ 25 kilomètres au nord-ouest de Limoges et relié à celle-ci via un tramway électrique entre la grande ville du Limousin à Saint-Junien et qui avait été inaugurée en 1911. Cette ligne permettait aux Radounauds (les habitants d’Oradour) d’aller à la préfecture, y compris pour y travailler.
Le massacre perpétré à Tulle n’avait pas encore été annoncé au début de l’après-midi du 10 juin, lorsque les soldats allemands arrivèrent dans le village, d’où l’absence de méfiance des habitants ne comprenant pas ce qui allait se passer. Ceux-ci furent rassemblés et séparés, les hommes dans des granges, les femmes et les enfants enfermés dans l’église. L’objectif nazi était on ne peut plus simple : massacrer la population pour faire un exemple, et ce fut le cas. L’église fut incendiée : 350 victimes dont 260 mineurs et parmi eux 68 ayant moins de 6 ans. Les hommes furent fusillés et les bâtiments systématiquement incendiés. Seuls quelques miraculés purent s’échapper des brasiers et se cacher dans les bois environnants. Parmi eux Robert Hébras (1925-2023), un apprenti mécanicien de 18 ans et qui, après le drame, gagna le maquis puis s’engagea sous l’uniforme pour participer à la Libération de la France.
Le drame fut très vite connu et dès le 13, le préfet du département, dépendant de Vichy, et l’évêque de Limoges se rendirent sur place.
Dès le 28 novembre 1944, les ruines du village martyr furent classées pour préserver ce lieu, et en mars 1945, le général de Gaulle vint rendre hommage aux victimes. Pourtant, les épreuves ont perduré avec le procès de Bordeaux du 12 janvier au 12 février 1953 avec d’anciens soldats ayant participé au massacre dont plusieurs Alsaciens « malgré nous ». Le jugement modéré pour des questions d’unité nationale fit que le Limousin se montra hostile à l’Alsace, autour de ce contentieux durable.
Le 2 février 2022, j’ai eu l’opportunité, à l’occasion de la 225e Session régionale de l’IHEDN en Occitanie de rencontrer avec les auditeurs Robert Hébras qui vint témoigner inlassablement de ce qu’il avait vécu. Parmi les anecdotes, il raconta que, comme la plupart des habitants du village, en ce 10 juin, il ne se méfiait pas des Allemands. Le sentiment général était que la guerre était finie, puisque les Alliés avaient débarqué quatre jours plus tôt en Normandie et que donc les Allemands rentraient chez eux. Et pourtant, la haine fut au rendez-vous. Tout au long de sa longue vie, Robert Hébras, après avoir repris son travail de garagiste, n’a cessé d’œuvrer à perpétuer le souvenir de ceux qui étaient morts de la barbarie nazie, mais aussi à participer à la réconciliation franco-allemande. Témoin et acteur, il a permis cette reconstruction tout en préservant la mémoire.
Ultime paradoxe de cette rencontre en février 2022, le passage émouvant au milieu des ruines d’un village si ordinaire sans savoir que 22 jours après, le continent européen allait connaître une nouvelle guerre avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie et que de nouveaux massacres allaient y être commis.
Pour en savoir plus sur la dimension militaire du massacre d’Oradour-sur-Glane, retrouvez la tribune (n° 1470) de Claude Franc : « La réalité de l’implication de la division SS Das Reich dans le massacre d’Oradour ». ♦