Comment expliquer un phénomène géopolitique par une carte, sans entrer dans de grands discours ? En prenant l'exemple de la création de la Communauté politique européenne (CPE), la cartographe Blanche Lambert, fondatrice d'AB Pictoris, en partenariat avec Diploweb, analyse les prises de décisions du cartographe pour synthétiser en une figure de nombreuses données.
La cartographie, un art appliqué à la géopolitique (T 1477)
La mappemonde d'Henricus Hondius (1630)
Note préliminaire : vous pouvez retrouver ce texte en intégralité sur le site Diploweb (https://www.diploweb.com/).
Après un long tabou en France autour du terme « géopolitique » à la suite de la Seconde Guerre mondiale, il revient depuis le début des années 1980 et suscite aujourd’hui un réel engouement. Alors que le politologue américain Francis Fukuyama soutenait, dès 1989 (1) que la progression de l’histoire humaine touchait à sa fin avec la victoire de l’idéologie libérale sur l’idéologie communiste, le retour en force des rivalités de pouvoir à l’échelle globale engendre un réel besoin de compréhension de ces mécanismes qui façonnent le monde. La multiplication des acteurs, la transformation de leur nature, mais aussi l’arrivée de nouvelles logiques et de nouveaux moyens de confrontation, transforment notre monde et ses représentations. C’est en cela que l’analyse géopolitique est nécessaire, et en son cœur, la carte. Outre son aspect « pratique » et synthétique, la carte, et plus précisément lorsqu’elle est appliquée à la géopolitique, suscite le même engouement auprès du public depuis quelques années. La désormais célèbre émission d’Arte Le Dessous des Cartes, mais aussi la multiplication des atlas géopolitiques et stratégiques, ou encore la popularité croissante des réalisations du service cartographie du Monde témoignent de l’essor de la cartographie géopolitique. Seulement, la carte, bien qu’étant un outil précieux pour l’analyse géographique et géopolitique, est souvent perçue, à tort, comme un visuel qui ne fait que retranscrire des faits. De la réflexion du système de projection à la réalisation de la légende, en passant par la collecte de données et le travail sur la sémiologie graphique, la carte n’est finalement que le fruit de décisions prises par le cartographe.
La carte, jamais « objective » ?
Depuis l’Antiquité, les cartes sont perçues comme des outils indispensables pour représenter la surface terrestre et les phénomènes qui s’y déroulent. Elles le sont d’autant plus aujourd’hui pour illustrer, spatialiser ou encore synthétiser des données dans un contexte de croissance de la sphère informationnelle à l’ère du web 2.0 (2). Les productions visuelles sont alors souvent privilégiées, étant perçues (à tort ?) comme une façon de « gagner du temps ». La carte, dont la volonté est d’« englobe[r] [le monde] en une vision plus ou moins synthétique » (3), semble alors devenir une solution idéale pour comprendre un phénomène sans effectuer un « tri » dantesque dans cette surcharge de données.
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