Ancien fonctionnaire international à l'OSCE, le colonel de gendarmerie Guy Vinet analyse, dans un article en deux parties, les tenants et les aboutissants historiques et socio-politiques de la création d'une nouvelle architecture de sécurité en Europe.
L’Europe en quête d’un mythe : une architecture de sécurité (1/2) – La sécurité européenne : une problématique à l’épreuve du temps (T 1478)
Le 24 février 2022, l’agression de l’Ukraine par la Russie a porté un coup sérieux à l’équilibre sécuritaire qui prévalait sur le continent européen depuis la fin de Seconde Guerre mondiale. En effet, le temps de la guerre froide (1946-1989) et les deux décennies qui l’ont suivi (1989-2008) ont été caractérisés en Europe par une situation de paix à peine troublée par quelques crises (Berlin, Cuba, Budapest, Prague, Varsovie…) et les guerres balkaniques des années 1990. Cette paix entraînait une prospérité économique et cette combinaison gagnante semblait acquise. À l’été 2008, la brève guerre de la Russie contre la Géorgie a constitué un réveil brutal, sans toutefois créer d’onde de choc durable : c’était le Caucase et le conflit n’avait duré que quelques jours. Un accord de cessez-le-feu avait été trouvé rapidement, sous l’égide de l’Union européenne (UE) et la menace terroriste retenait une large attention. En réalité, il s’agissait d’un signal qui n’avait pas été interprété à sa juste mesure. En 2014, la Russie passait à la vitesse supérieure en Ukraine avec l’annexion de la Crimée et son soutien militaire et politique aux séparatistes du Donbass, sa région orientale et russophone. La rupture entre la Russie et l’UE était alors, de facto, prononcée. Finalement, depuis un an, c’est une guerre ouverte que la Russie mène contre l’Ukraine, démontrant ainsi que « l’Ouest a clairement échoué à arrêter Poutine de considérer et de lancer l’invasion » (1).
Ce conflit armé aux limites orientales de l’Europe et dans une zone charnière de l’espace euro-atlantique et eurasiatique jette une lumière glaçante sur une évolution dramatique de sa situation sécuritaire. Comme le souligne le directeur de l’Institut français des relations internationales (Ifri), Thomas Gomart, « le retour de la guerre de haute intensité sur le continent européen fait perdre à l’Europe son avantage comparatif sur la scène mondiale » (2) et la place face à son destin.
L’effondrement de l’ordre de sécurité et de stabilité en place depuis plus de sept décennies pose la question de ce qu’il est convenu d’appeler l’« architecture européenne de sécurité », concept ou notion que cet article propose d’aborder.
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