À quelques semaines de l'élection présidentielle en Turquie, dans laquelle les enjeux sont forts pour le Président Erdogan, le général Hervé Rameau propose pour la RDN un retour sur le positionnement diplomatique, culturel et militaire de la Turquie depuis près d'un siècle. Dans cette première partie, la lumière est faite sur les origines de la puissance régionale turque.
La Turquie d’Erdogan : une puissance qui s’affirme au-delà de son Président (1/2) – Les fondations de la Turquie moderne (T 1485)
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La Turquie moderne est née du dépeçage de l’Empire ottoman qui a suivi la défaite de l’Allemagne en 1918, dont il était un allié. L’empire était néanmoins en net déclin depuis longtemps et ce démembrement ne fut que l’achèvement d’un processus déjà largement entamé. Dès la signature du traité de Moudros du 30 octobre 1918 par lequel le sultan Mehmed VI dépose les armes, un mouvement de résistance à la défaite s’organise sous la direction de Mustafa Kemal, officier général au sein de l’armée impériale. Entre 1918 et 1920, le mouvement se structure sans s’imposer, combattu par le sultan qui privilégie la pérennité de ses fonctions par la collaboration avec les forces occupantes. Dans cette période, celui-ci bénéficie encore d’une certaine bienveillance de la population turque, attachée au rôle et à l’image du sultan.
En 1920, le traité de Sèvres arrête les frontières du nouvel État turc. Amputé du tiers de sa superficie actuelle au profit d’une Arménie redessinée et d’un hypothétique Kurdistan, il est également privé de la région de Smyrne (Izmir) et de la Thrace orientale (l’Ouest du détroit du Bosphore) au profit de la Grèce. Les îles de la mer Égée sont également confiées à la Grèce, et celles du Dodécanèse, plus au sud, à l’Italie. Chypre est confiée à la Grande-Bretagne, et de vastes parties de ce nouvel état turc sont placées sous influence française, italienne ou britannique. Enfin, l’espace situé autour du passage entre la mer Égée et la mer Noire acquiert un statut de zone internationale, démilitarisée.
La population turque prend alors conscience des effets de la défaite, et un phénomène massif d’adhésion au gouvernement provisoire de Mustafa Kemal se produit, y compris parmi les armées et administrations. Les forces kémalistes ainsi renforcées et libérées d’ennemi intérieur concentrent dès lors leur action sur les forces arméniennes qu’elles repoussent rapidement, finalisant cette phase au travers du traité d’Alexandropol, signé avec l’Arménie le 2 décembre 1920, puis le traité de Kars du 13 octobre 1921, signé avec les Soviétiques après l’intégration de l’Arménie au sein de l’URSS. Le combat victorieux se poursuit contre les nationalistes kurdes, et les kémalistes obtiennent le départ des forces françaises, italiennes, puis britanniques.
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