L'Arabie saoudite se lance dans une nouvelle forme de diplomatie en mettant en avant ses intérêts nationaux et, partant, mettant en place des relations bilatérales entre Occident et « Sud global ». L'ambassadeur Bertrand Besancenot analyse cette nouvelle realpolitik saoudienne.
Jusqu’où peut aller la nouvelle realpolitik saoudienne ? (T 1487)
L’accumulation de gestes de défi à l’égard de Washington – réduction de la production pétrolière, neutralité dans le conflit russo-ukrainien, rétablissement des relations diplomatiques avec l’Iran, dialogue avec le régime syrien, développement des rapports avec la Chine, utilisation du yuan pour le règlement des fournitures de pétrole à Pékin… – amène les observateurs à s’interroger sur l’ampleur de l’autonomisation de la politique saoudienne par rapport à son allié stratégique traditionnel, les États-Unis.
On connaît effectivement l’antipathie réciproque du président Biden et du prince Mohammed Ben Salmane (MBS) ; on sait que l’Arabie saoudite – comme la plupart des pays du Sud – n’apprécie pas les pressions occidentales sur les droits humains et critique le « deux poids deux mesures » de la politique occidentale (Palestine, Libye, Kosovo) ; et la politique anti-carbone des pays de l’Ouest diminue l’intérêt de l’Arabie saoudite pour cette partie du monde, alors que l’Asie est devenue le principal client de son pétrole.
En revanche, la Chine est le premier partenaire commercial du royaume et sa technologie intéresse. En outre, son positionnement actuel de courtier international pour apaiser les tensions, en dialoguant avec tout le monde, est jugé utile à Riyad. De même, la coopération pétrolière avec la Russie dans le cadre de l’Opep + permet aux Saoudiens de contrôler le prix du brut à un niveau suffisant pour financer les grands projets de la « Vision 2030 ». L’Arabie saoudite prend acte du fait que Moscou s’est réengagé au Moyen-Orient et n’hésite pas à soutenir militairement ses amis dans la région. Ces éléments expliquent la nouvelle diplomatie saoudienne, focalisée sur ses intérêts nationaux, « en regardant à l’Ouest comme à l’Est » pour reprendre la formule de son ministre des Affaires étrangères.
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