De son environnement régional à l'Alliance atlantique, en passant par ses relations avec Moscou et Kiev, quelle sera la politique internationale du président turc réélu Recep Tayyip Erdogan ? Éléments de réponse par l'Ambassadeur Bertrand Besancenot.
Erdogan réélu confortablement, quelle sera sa politique étrangère ? (T 1494)
En Europe, aux États-Unis, en Russie, en Syrie, dans le Golfe… la Turquie n’était pas la seule à être suspendue à l’inconnue du second tour de son élection présidentielle, dimanche 28 mai 2023. Certes, peu de suspense entourait le nom du vainqueur, puisque le Président sortant, Recep Tayyip Erdogan, avait déjoué les pronostics au premier tour en remportant 49,52 % des voix, contre 44,88 pour son rival social-démocrate Kemal Kiliçdaroglu.
Au-delà de la réélection attendue du Reïs, l’enjeu de connaître l’avance qu’il obtiendrait sur son adversaire s’avérait important. À l’échelle intérieure, mais aussi en matière de politique étrangère. Car un Erdogan affaibli ou enhardi pouvait infléchir différemment les relations extérieures de la Turquie, sortie début 2021 de l’isolement que lui avaient valu ses velléités expansionnistes en Syrie, en Libye, en Méditerranée orientale, dans le Caucase ou encore en Asie centrale, provoquant notamment l’ire de ses alliés de l’Otan. Désormais, le pays peut se targuer d’avoir noué des alliances stratégiques avec diverses puissances, jouant l’équilibriste dans le conflit entre Moscou et les Occidentaux, ainsi que d’avoir rétabli ses relations avec l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis (EAU), Israël ou encore l’Égypte, guidé avant tout par une vision pragmatique. Arrivé sans surprise en tête du scrutin, le Président sortant a obtenu 52,16 % des suffrages contre 47,84 pour Kemal Kiliçdaroglu, selon des résultats quasi définitifs du second tour de l’élection présidentielle turque. Il semble que le vote pour Erdogan n’ait pas beaucoup changé par rapport aux élections précédentes. Dans ce contexte, on peut s’attendre à ce qu’il poursuive sa politique étrangère actuelle, notent la plupart des observateurs.
Entre Moscou et les Occidentaux
En réalité, si M. Erdogan poursuit probablement sur sa lancée, les nécessités économiques du pays joueront certainement un rôle dans ses choix de politique étrangère. Le 25 mai dernier, il avait déclaré que les États du Golfe avaient récemment envoyé des fonds à la Turquie pour soulager la banque centrale et les marchés, à l’heure où le pays est plongé dans une spirale inflationniste dont le Président tente de sortir en ordonnant régulièrement de baisser les taux d’intérêt. « Après les élections de dimanche, vous verrez comment ces dirigeants viendront ici et comment je leur rendrai visite pour leur montrer ma gratitude », avait-il déclaré lors d’une interview à CNN, fort des rapprochements des derniers mois. Premier leader du Golfe à avoir félicité M. Erdogan après sa victoire, l’émir du Qatar, le cheikh Tamim ben Hamad al-Thani, a été suivi par le Président émirati, Mohammed ben Zayed Al Nahyane, dit MBZ, ainsi que par le roi d’Arabie saoudite et le prince héritier Mohammed ben Salmane (MBS).
Il reste 66 % de l'article à lire