Alors que les menaces d'emploi de l'arme nucléaire se multiplient de la part de Vladimir Poutine dans le cadre notamment de la guerre en Ukraine, le film Oppenheimer de Christopher Nolan, sorti cet été, revient sur la vie du créateur de la première bombe atomique. L'auteur analyse, pour la RDN, la part du fictionnel et du réel de ce film porté par l'acteur irlandais Cillian Murphy. Quel est son impact dans le contexte stratégique actuel ?
Cinéma & Séries - Oppenheimer et la peur de la bombe atomique (T 1507)
Einstein et Oppenheimer en 1947 (© Alfred Eisenstaedt / Life via James Vaughan / Flickr)
C’est dans une réalité étrangement actuelle que s’inscrit le nouveau film de Christopher Nolan, Oppenheimer, un film biographique du savant américain et « père de la bombe atomique » Robert J. Oppenheimer. Alors que le président russe Vladimir Poutine multiplie les menaces d’emploi de l’arme nucléaire dans le cadre du conflit en Ukraine, ce dernier a annoncé, le 21 février 2023, une potentielle reprise des essais atomiques de la Fédération de Russie (1) et la suspension de la participation russe aux accords du « New Deal » (2). Dernier vestige de la volonté de contrôle des armements de la guerre froide, cet accord permettait aussi 18 contrôles annuels afin de vérifier la bonne tenue des restrictions, contrôle auquel la Russie contrevenait par ailleurs un an auparavant. Or, la disparition de ce cordon sécuritaire, aggravée par les menaces répétées de Vladimir Poutine ainsi que par les démonstrations théoriques de force sur les plateaux de télévisions russes des capacités destructrices d’une bombe sur les villes de Paris ou de Berlin, a fait réapparaître dans le cœur des Occidentaux la peur disparue d’un conflit nucléaire et de son pendant apocalyptique : l’utilisation de la bombe atomique.
Par ce film, le réalisateur à succès Christopher Nolan (Dunkirk, Interstellar, Memento…) retrace la vie de Robert J. Oppenheimer (Cillian Murphy) en commençant quelque temps avant sa bouleversante invention pour s’arrêter quelques années après. Par-là, il ne s’intéresse donc pas uniquement au processus de création de la bombe durant le projet Manhattan (qui tient une place tout de même très importante), mais aussi à sa vie privée et son intérêt personnel pour le communisme, qui lui vaudra par la suite d’être accusé de traître à sa nation durant la « chasse aux sorcières » qu’a été le maccarthysme.
Le mythe prométhéen de la bombe atomique
Pour écrire son scénario, Nolan s’est inspiré du livre biographique de l’auteur américain Kai Bird et de son compatriote l’historien Martin J. Sherwin intitulé American Prometheus (3), terme que le réalisateur s’approprie notamment dans le film en qualifiant Oppenheimer de « Prométhée américain ». Prométhée est le titan qui, dans la mythologie grecque, offre le feu symbole de savoir et la technique de la forge aux humains, provoquant alors la colère de Zeus. Or, c’est bien un déluge de feu qu’Oppenheimer a réussi à théoriser et à créer dans son laboratoire à Los Alamos.
Il reste 89 % de l'article à lire