Il y a 80 ans se déroulait la campagne de Sicile sous commandement interallié. En dépit de ses imperfections et de ses choix discutables, la campagne de Sicile constitue un parfait exemple du succès à attendre d'une manœuvre indirecte : sur le plan stratégico-politique, c'est la menace exercée par les Alliés sur Palerme qui a conduit à l'effondrement du régime fasciste mussolinien, premier échec majeur de l'Axe au niveau stratégique.
La campagne de Sicile : le triomphe de la stratégie indirecte – Juillet-août 1943 (T 1510)
George Patton en Sicile (© Library of Congress via Picryl.com)
Conduite au cours de l’été 1943, la campagne de Sicile n’a pas laissé beaucoup de souvenirs dans l’inconscient collectif, si ce n’est l’opération d’intoxication qui a accompagné sa préparation et qui a donné lieu, dernièrement, à un film à succès (1). Néanmoins, ses aspects stratégiques furent importants, non seulement dans les raisons qui ont motivé cette campagne, mais également dans ses conséquences.
Les motivations de cette campagne relevaient de deux ordres. En premier lieu, il s’agissait, par une action alliée bien visible en Europe, de « rassurer Staline sur l’existence réelle d’un “second front européen” ». En effet, un éventuel désistement soviétique amenant un puissant balancement de l’effort militaire allemand en Europe occidentale se serait révélé catastrophique pour la cause alliée, le rapport de force s’inversant alors très en faveur de l’Allemagne, du moins pour les forces terrestres. Cette hypothèse ne correspondait d’ailleurs pas à une chimère puisque, à la fin de l’hiver 1943, une rencontre ultrasecrète eut lieu entre Ribbentrop et Molotov – les deux ministres étant dûment accrédités par leurs chefs d’État respectifs – en vue de définir si une « paix blanche », honorable pour les deux parties, pouvait être trouvée. Les deux points de vue étaient néanmoins trop inconciliables pour pouvoir envisager l’ouverture de négociations sérieuses en vue de cette paix blanche germano-soviétique, renouvelant ainsi le coup de théâtre du pacte germano-soviétique de 1939 (2).
La seconde raison, indirectement liée à la première, est la résignation des généraux Marshall, King et Eisenhower à poursuivre des opérations en Méditerranée, puisqu’il était dès lors admis que l’opération majeure en Europe, Sledgehammer, ne pourrait pas avoir lieu avant l’année 1944. De la sorte, Alan Brooke, le chef d’État-major britannique obtenait satisfaction, dans la mesure où il souhaitait vivement achever la campagne méditerranéenne par le contrôle complet de cet espace maritime, c’est-à-dire la conquête de la Sicile. Alan Brooke était toujours très méfiant vis-à-vis de Marshall qu’il soupçonnait, à tort, de vouloir revenir sur le concept stratégique américain, Germany first.
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