Comment mesurer l’effet de la décision de Vladimir Poutine de suspendre sa participation récente au traité New Start, dispositif bilatéral américano-russe de contrôle et de limitation des armes nucléaires stratégiques ? Faisant écho à une situation stratégique durablement dégradée, une tendance s’affirme : l’atmosphère n’est vraiment plus au désarmement.
Suspension du traité New Start : le désarmement nucléaire peut attendre (T 1511)
Les présidents Barack Obama et Dmitri Medvedev le 8 avril 2010 à Prague lors de la signature du traité New Start. (Photo : © Présidence de la Fédération de Russie / via Wikimedia Commons)
Le président Vladimir Poutine a annoncé son retrait du traité Strategic Arms Reduction Talks (New Start) à l’occasion du discours sur l’état de la nation, prononcé le 21 février 2023 à Moscou. Signé à Prague le 8 avril 2010, par les présidents Barack Obama et Dmitri Medvedev, l’accord devait inaugurer une ère de confiance limitant le nombre de missiles nucléaires intercontinentaux. Plus encore, le président Poutine a ajouté que son dispositif militaire se tenait « prêt à des tests d’armes nucléaires » si les États-Unis prenaient l’initiative d’en effectuer en premier. Retour sur la portée de l’événement, alors que la guerre se poursuit en Ukraine.
Difficile d’espérer autre chose, considérant le soutien massif de Washington à Kiev en réponse à l’agression déclenchée le 24 février 2022 sur l’Ukraine. En résumé, New Start impose aux deux grandes puissances de la guerre froide un plafond à leurs forces nucléaires, soit 700 vecteurs et 1 550 ogives. Fort heureusement, ce nouveau coup porté à la diplomatie nucléaire ne change rien à la grammaire si particulière de l’atome, et la nouvelle orientation reste sans effet sur les trois autres États dotés reconnus par le traité de non-prolifération, à savoir le Royaume-Uni, la Chine et la France. Idem pour les pays nucléaires de fait, l’Inde, le Pakistan, la Corée du Nord, et bien évidemment Israël, qui sanctuarise son étroit territoire par une stratégie d’ambiguïté qui n’invite personne à prendre le moindre risque à son endroit. Quand bien même, le processus d’Arms control se serait poursuivi dans un dialogue idéalisé entre Washington et Moscou, quand bien même la guerre en Ukraine n’aurait pas eu lieu, New Start ne concerne que les armes stratégiques, et non les armes classées comme « tactiques », selon le vocabulaire des deux capitales. Il y en a des milliers. De quoi relativiser la portée de New Start. Vladimir Poutine reste dans l’espace politique et le combat médiatique.
L’effeuillage de l’Arms control : un processus enclenché de longue date
Voici plus de deux décennies que Russes et Américains ont entrepris un travail méticuleux de sape de tous les accords d’Arms control destinés à encadrer d’abord, puis à clôturer la guerre froide, contribuant de la sorte à la dégradation continue, globale, voire structurée, de leurs relations. Si l’on regarde l’histoire de la diplomatie nucléaire, la séquence de désarmement fut particulièrement courte, puisqu’elle débute vraiment en décembre 1987 avec la signature du traité sur les Euromissiles. Il ne faut pas attendre très longtemps pour doucher les espoirs d’un monde dénucléarisé. Dès 2002, Washington annonce son retrait du traité antimissiles ABM, une demande du président George W. Bush motivée par les événements du 11 septembre 2001. Il est vrai qu’il fallait tenir compte de la menace nouvelle venue de Pyongyang. La communauté internationale prend acte également du développement d’un arsenal nucléaire en Inde et au Pakistan, deux États qui avaient refusé de rejoindre le Traité de non-prolifération. Autre victime du processus : l’abandon en août 2019 du traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI) en Europe, traité de désarmement qui avait imposé puis conduit au démantèlement des missiles de croisière « Cruise », Pershing II et SS20 côté soviétique. Ce traité fut signé par Mikhaïl Gorbatchev et Ronald Reagan lors d’une cérémonie dont on retient l’image d’un espoir de paix pour le monde. Plus près de nous, il y eut le Royaume-Uni qui, sous l’égide de Boris Johnson – alors Premier ministre –, soutient en mars 2021 l’augmentation de 40 % de son arsenal nucléaire.
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