Pour ce premier éditorial hebdomadaire, le rédacteur en chef de la RDN revient sur l'été géopolitique tumultueux que nous venons de passer. De l'Ukraine, où la guerre se poursuit 18 mois après le début de l'invasion russe, au Sahel où le Niger est en proie à un coup d'État sur lequel plane l'ombre de Moscou, l'été a été glacial pour les relations internationales.
Éditorial – Un été glacial (T 1512)
Même si la météo, avec son dôme de chaleur caniculaire au-dessus de la Méditerranée a, à juste titre, au regard des conséquences du réchauffement climatique, monopolisé notre attention au cours de ce mois d’août, force est de constater que l’été a été glacial sur le plan géopolitique, traduisant le durcissement des relations internationales accéléré depuis le 24 février 2022.
La guerre d’Ukraine a désormais dépassé 18 mois de souffrances et de destructions, pour une opération spéciale militaire qui devait durer à peine 3 semaines. Même si la contre-offensive ukrainienne entamée début juin n’obtient pas les résultats escomptés, les forces de Kiev ont cependant mis une pression très forte sur les troupes russes. Cependant, la percée décisive semble encore loin, voire peut-être impossible au regard de la ligne de front fortifiée mise en place depuis des mois par Moscou. Une Ligne Maginot, un Mur de l’Atlantique ou encore une ligne Siegfried, il n’en demeure pas moins que ce système de fortifications de campagne renforcées par des champs de mines et des barrages d’artillerie nous replonge dans les pires heures de la Première Guerre mondiale, où chaque gain de terrain se payait par des pertes immenses. Selon certaines estimations occidentales, environ 40 000 civils auraient perdu la vie – quasi exclusivement ukrainiens – tandis que 120 000 soldats russes auraient été tués, ainsi que 70 000 Ukrainiens, sans compter environ 300 000 blessés au total. Des chiffres équivalents à ceux de la Seconde Guerre mondiale.
Certes, la disparition brutale d’Evgueni Prigojine, patron de Wagner marque une rupture avec la mise sous tutelle de la Société militaire privée (SMP), mais cela traduit davantage la violence interne du système russe plutôt qu’un changement de stratégie militaire. Moscou pense pouvoir gagner la bataille d’attrition, ayant la profondeur stratégique et une ressource humaine quasi sans limite, comme en 1941-1945.
Et rien ne permet de penser – voire d’espérer – que le conflit pourrait cesser d’ici quelques semaines. Tout porte à croire que celui-ci se poursuivra tout l’automne et, vraisemblablement, en 2024.
Au Sahel, là encore, l’été a été difficile avec le putsch au Niger, et l’alignement de la nouvelle junte sur celles du Mali et du Burkina Faso. Un des paradoxes de ce putsch est de voir la jeunesse de ces pays brandir le drapeau russe, symbole d’un État totalitaire et dédaignant les principes de l’État de droit et de la démocratie. De fait, ces deux conceptions de l’État sont désormais largement remises en cause, non seulement en Afrique, mais également dans d’autres parties du monde. Y compris aux États-Unis, avec la négation par l’ancien Président Donald Trump du résultat des urnes en 2020 et alors même que la course pour la Maison Blanche en 2024 est désormais engagée.
Décidément, un été meurtrier… avant l’hiver glacial. ♦