Dans cette dernière partie du triptyque « Le tournant de la guerre à l'est, été 1943 », le colonel Claude Franc analyse l'exploitation vers l'Ukraine du front de l'est. L'été 1943 marque la fin des espérances stratégiques de l'Allemagne hitlérienne pendant la Seconde Guerre mondiale.
Le tournant de la guerre à l’Est, été 1943 (3/3) – L’exploitation vers l’Ukraine (T 1521)
« The Eastern Front in Photographs », John Erickson, Public domain, via Wikimedia Commons
Lorsque l’Armée rouge reprit l’initiative immédiatement après Koursk, ce fut pour mettre en application l’organisation du commandement décrite précédemment et, surtout, appliquer à l’échelle de l’ensemble du théâtre soviétique les principes de l’art opératif, sous la forme d’une succession d’offensives, s’emboîtant les unes dans les autres, et visant, par leur effet répétitif et généralisé, à l’usure des réserves allemandes, déjà fortement étrillées à Koursk.
Pour gêner, voire empêcher, les réactions allemandes au niveau tactique, ces offensives prirent souvent, après la rupture du dispositif allemand, la forme de puissants raids blindés, voire montés, le long des axes ferrés, en vue de la saisie successive des nœuds ferroviaires pour couper les rocades ferrées l’une après l’autre. C’est dans le sud du théâtre, en Ukraine, où ce mode d’action a donné les meilleurs résultats, le réseau ferré y étant particulièrement bien maillé : d’une part, les anciennes voies ferrées dirigées d’est en ouest, issues de l’empire tsariste, lorsque les emprunts contractés à l’étranger – notamment en France – ont permis de construire un réseau visant à concentrer les armées face à l’Ouest ; d’autre part, les plans quinquennaux staliniens d’avant-guerre visant à la création d’une industrie lourde dans l’est de l’Ukraine, ont abouti à la création d’un second réseau ferroviaire, orienté nord-sud, et visant aux débouchés des produits miniers et sidérurgiques.
L’Armée rouge en 1943
C’est dans la seconde partie de l’année 1943 que l’Armée rouge parvint à sa pleine puissance offensive, grâce aux capacités de manœuvre fournies par la masse de ses moyens. En dépit des chiffres effrayants de ses pertes dans les deux premières années de la guerre, l’Union soviétique a pu constituer l’armée la plus puissante que la Russie n’ait jamais mise sur pied en termes d’effectifs : près de 400 divisions de fusiliers (divisions d’infanterie) et 80 divisions blindées, en y incluant les brigades et régiments de chars autonomes que l’on retrouvait à chacun des échelons, de la division au front. Aux quatre millions d’hommes que la Wehrmacht engageait sur le front de l’est, l’Armée rouge opposait un rapport de force plus de trois fois supérieur. En même temps que la transformation de la Stawka en véritable état-major central, l’Armée rouge fut articulée en huit fronts permanents : du nord au sud, les premier, deuxième, troisième et quatrième fronts d’Ukraine, les premier et second fronts de Biélorussie, les premier et second fronts de la Baltique. L’effort était manifestement porté sur le sud du théâtre.
Il reste 73 % de l'article à lire