Le conflit dans le Haut-Karabakh a marqué l'actualité ces derniers jours. Le général Pellistrandi, rédacteur en chef de la RDN analyse ces événements au spectre de la chute des empires.
Éditorial – L’URSS n’en finit pas de mourir (T 1528)
(© Niko_Dali / Adobe Stock)
Le paradoxe des empires est que leur agonie et longue et douloureuse avec des soubresauts s’étalant sur des décennies au moins. Il en a été de l’Empire Ottoman avec un Proche et Moyen-Orient où les tensions demeurent. L’Empire austro-hongrois, bien qu’englouti à la fin de la Première Guerre mondiale, voit ses héritiers se diviser tant sur des questions de nationalités que de langues avec le problème non résolu des minorités dont la tutelle est revendiquée par les uns et les autres. Sans parler, bien sûr, de l’effondrement du Reich allemand en 1945 et de son projet millénariste.
Il en est cependant de même avec l’ex-URSS. Certes, celle-ci était déjà bien ébranlée par des divisions internes habilement masquées par le Kremlin, mais la chute du mur de Berlin, le 9 novembre 1989, ne fit qu’accélérer sa décomposition définitivement entérinée le 26 décembre 1991, lorsque le drapeau à la faucille et au marteau fut descendu au-dessus de la Place Rouge et remplacé par la bannière de la Russie.
Si la guerre imposée par Moscou à l’Ukraine est, hélas, l’illustration la plus brutale de l’échec de l’URSS, l’exode actuel et définitif des Arméniens fuyant le Haut-Karabakh pour se réfugier en Arménie en est la plus récente actualité. D’un côté, une Arménie chrétienne depuis deux millénaires et, de l’autre, un Azerbaïdjan, riche de son gaz et de ses connexions avec la Turquie dans une zone, le Caucase, où l’instabilité a toujours existé entre les peuples, les entités nationales et les cultures locales, accentuée par les découpages administratifs imposés par Staline. À cela s’ajoute la longue pratique des déportations massives de populations, de transferts brutaux aggravés par des nettoyages ethniques avec l’objectif politique de communautariser les territoires, au prix de massacres, voire de génocides comme les Arméniens l’ont subi à partir de 1915 de la part de l’Empire Ottoman. Le « vivre ensemble » est bien hors de portée pour des générations, et les murs adossés à la haine toujours une réalité séparant les peuples.
Le contraste est bien sûr saisissant avec l’Union européenne où l’espace Schengen est une réalité, un bien précieux résultant des guerres ayant amené au « suicide de l’Europe » pour reprendre l’expression de Romain Rolland dès 1914, sans oublier la barbarie nazie et la division imposée par Staline avec le Rideau de fer, séparant les peuples. Il y a également un devoir de responsabilité et de lucidité face à ces transferts massifs de populations qui nous semblent, pour nous, Français, d’un autre temps ; d’autant plus que nous raisonnons en État-Nation, si cher à Ernest Renan, dont nous fêtons le bicentenaire de la naissance à Tréguier (22). Nos identités régionales participent à la construction de la France et à sa diversité et non à sa division. Cette richesse est également un bien précieux méritant d’être soutenu et rappelé, quand les orages noirs divisent les nations, les peuples et les familles comme actuellement dans les montagnes du Caucase. ♦