Cette semaine, le général Pellistrandi revient sur la puissance maritime de la France, à l'occasion des 18es Assises économie de la mer, qui se tiendront les 28 et 29 novembre à Nantes. Modernisation croissante, élément de notre dissuasion nucléaire et de notre puissance économique et militaire, la mer est un champ de confrontation majeur au XXIe siècle.
Éditorial – Nantes, capitale maritime de la semaine (T 1547)
(© Vincent Desjardins / Pxhere)
La ville de Nantes, qui vit la naissance de Jules Verne dont l’œuvre maritime est immense, accueille cette semaine les 18es Assises de l’économie de la mer, en partenariat, notamment, avec le quotidien Ouest-France, l’hebdomadaire Le Marin et le cluster Maritime français. Pour la troisième fois, après 2019 et 2021, le président Emmanuel Macron inaugurera ces Assises, juste après avoir visité le Musée de la Marine à Paris, qui vient de rouvrir ses portes après six ans de travaux, projetant celui-ci vers le XXIe siècle, tout en mettant en valeur notre si riche, mais méconnue, histoire maritime.
On oublie effectivement trop souvent que la France est une puissance maritime depuis le Cardinal de Richelieu. Certes, celle-ci a connu des hauts et des bas, et a longtemps été négligée par méconnaissance et par un jacobinisme centralisateur très ignorant de la chose marine.
Aujourd’hui, la France dispose de la deuxième Zone économique exclusive (ZEE) au monde, avec toute la richesse et la diversité que nous apportent nos outre-mer. Plus de 80 % de notre commerce extérieur transite par les océans, tandis que 90 % de notre trafic Internet parcourt les câbles sous-marins. Le secteur d’activité (allant de la construction navale aux loisirs nautiques) représente déjà plus de 500 000 emplois et devrait atteindre le million d’ici 2030. Après des années de marasme, nos ports ont su retrouver un dynamisme, ne se contentant plus de friches industrielles provoquées par la désindustrialisation massive des années 2000, mais travaillant sur la chaîne logistique.
Par ailleurs, l’armateur CMA-CGM, dont la tour conçue par l’architecte Zaha Hadid domine Marseille, est un compétiteur mondial de premier rang, participant directement à notre souveraineté nationale, tandis que les Chantiers de l’Atlantique de Saint-Nazaire développent de nouveaux paquebots propulsés au gaz naturel liquéfié (GNL), en attendant d’engager la construction du futur porte-avions PANG (Porte-avions nouvelle génération) qui succédera au Charles-de-Gaulle. Les premiers approvisionnements pour le PANG seront lancés dès l’année prochaine.
Au-delà du porte-avions nouvelle génération, c’est également la Marine nationale qui voit ses moyens renouvelés. Les Frégates multi-missions (Fremm) sont désormais toutes opérationnelles, tandis que la nouvelle génération des Frégates de défense et d’intervention (FDI) devient une réalité, avec les premiers essais à la mer de la FDI Amiral Ronarc’h, d’ici quelques mois à partir de Lorient. Les sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) de la classe Suffren ont entamé leurs cycles de projection, remplaçant les vénérables Rubis. Les premiers patrouilleurs outre-mer (POM), succédant avantageusement aux antiques P400, prennent la relève outre-mer, en attendant désormais la réalisation des patrouilleurs océaniques (PO) dont la notification a été lancée la semaine dernière. Les PO sont attendus avec impatience, tant les Patrouilleurs de haute mer (PHM, les anciens avisos A69) vieillissent après quatre décennies de service actif. Les efforts portent également sur nos outre-mer encore trop vulnérables à l’heure où les compétiteurs internationaux affichent cyniquement leurs ambitions, comme la Chine en Indopacifique.
Modernisation de la Marine nationale, investissements dans nos ports, amélioration des supply chains indispensables à une économie moderne, mais aussi, enfin, la mise en service des premières éoliennes offshore, après des années de discussions parfois chaotiques entre les différents acteurs du monde maritime. En baie de Saint-Brieuc, les premières machines commencent à fournir du courant électrique depuis cet été et contribueront à produire 9 % de l’électricité consommée en Bretagne. Les difficultés restent cependant importantes notamment avec les pêcheurs dont les nerfs sont mis à rude épreuve entre les conséquences encore palpables du Brexit, les normes et restrictions demandées par la Commission européenne pour préserver la ressource halieutique et les prix erratiques du gasoil.
Pour autant, si le dynamisme du monde maritime français est une réalité avec cette prise de conscience de son importance, il reste encore beaucoup d’obstacles à surmonter pour que notre pays se considère vraiment comme une puissance maritime. Il en est ainsi des infrastructures logistiques, souvent refusées ou contestées alors qu’elles sont indispensables pour fluidifier les échanges, réduire la part du tout-camion et donc contribuer à la décarbonation de nos modes de vie. Le transport fluvial, indispensable pour nos grands ports maritimes, ne parvient que difficilement à se frayer une voie. Ainsi, les contestations se succèdent contre la chatière du Havre, qui permettra aux péniches d’accéder en toute sécurité à Port 2000 et ainsi contribuer à l’intermodalité de la logistique. Ce projet est absolument indispensable et peine, pourtant, à progresser.
Le chantier du canal Seine-Nord-Europe, enfin en phase de réalisation, sera également un outil stratégique au service de notre économie, mais certains veulent encore arrêter le projet souvent au nom de la protection de la biodiversité locale, préférant, de fait, les murs de camions vers les Hauts-de-France…
Sur le plan ferroviaire, le carrefour de Lyon constitue désormais un étranglement majeur tant que le contournement ferroviaire de l’agglomération lyonnaise (CFAL) ne sera pas réalisé. De ce fait, les industriels de l’est de la France préfèrent regarder vers les ports d’Anvers et de Rotterdam plutôt que vers Marseille, pourtant débouché naturel vers la Méditerranée.
Verre à moitié plein ou à moitié vide ? Notre puissance maritime est une réalité, comme le démontre cette nouvelle édition des Assises de l’économie de la mer à Nantes. Il reste à poursuivre et à accroître cette dynamique à l’image du Musée de la Marine entièrement rénové et qui est résolument tourné vers notre planète bleue. ♦