2024 sera une année marquée par de nombreuses commémorations. Le général Pellistrandi revient sur ces cérémonies qui écumeront l'année et leur sens, plus que jamais important, dans une époque de tournant, où les derniers survivants de certains événements majeurs du XXe siècle nous ont quittés en 2023.
Éditorial – 2024 : une année de commémorations pour mieux préparer l’avenir (T 1561)
Statue en hommage au maréchal Foch à Londres (© Jérôme Pellistrandi / RDN)
Oublier son passé, c’est assurément être sûr d’échouer dans le futur. Ne regarder que la nostalgie du passé, c’est également être incapable d’affronter les épreuves et d’être rapidement dépassé par les menaces de demain. D’où l’importance de la lucidité et d’être capable d’aborder son histoire avec courage, modestie et honnêteté.
Et pourtant commémorer devient essentiel à l’heure où les témoins des grandes déchirures du XXe siècle disparaissent. Le dernier Poilu, Lazare Ponticelli, est décédé en 2008, tandis que le dernier Compagnon de la Libération, Hubert Germain, s’est éteint en 2021 et que l’année 2023 a vu Léon Gautier, dernier du Commando Kieffer, rejoindre ses compagnons d’arme.
Le 6 juin prochain sera donc le 80e anniversaire du D-Day et du début de la Libération de la France mais également de l’Europe – sans oublier la Corse dès 1943 – du joug nazi.
À partir du 6 juin et nonobstant les Jeux olympiques et paralympiques de Paris, nombreuses seront les commémorations nationales mais aussi locales, à la fois célébrant les libérateurs et rappelant les souffrances endurées depuis l’armistice de juin 1940.
La liste sera longue car elle témoignera de ce que fut la guerre, entre Vercors, Normandie, Paris, mais aussi Strasbourg, sans oublier le dernier train de déportés vers les camps de la mort, le 17 août.
Il sera essentiel que ces cérémonies et temps de mémoire soient l’occasion d’y associer notre jeunesse dans toute sa diversité. Car le sacrifice de nos anciens a permis de construire une paix durable, mais aujourd’hui menacée y compris sur le territoire européen avec bientôt les deux ans d’une guerre totale voulue par le Maître du Kremlin et qui, lui, réécrit l’histoire à des fins idéologiques, s’inscrivant au final dans la lignée de Staline.
Célébrer la victoire tout en étant acteur de la défense de l’Europe, y compris en Méditerranée orientale, en mer Rouge ou en Indo-Pacifique. Le paradoxe de ces commémorations est qu’il nous oblige à regarder la réalité géopolitique en face. Les fractures sont plus nombreuses et plus graves, même par rapport au temps de la guerre froide. Et remonter en puissance prend du temps. Ce fut d’ailleurs l’expérience douloureuse de l’automne-hiver 1914, où la dimension industrielle est devenue essentielle alors que nos soldats devaient s’enterrer dans les tranchées pour plus de trois ans. Produire plus de munitions, plus d’obus, plus de canons…
À la différence qu’aujourd’hui, cela est plus complexe et plus coûteux. Nos industriels de la base industrielle et technologique de défense (BITD) ne sont plus les maîtres de forges du début du XXe siècle. Il faut compter autant sur les contraintes imposées par les réglementations du type RSE (responsabilité sociale des entreprises) que sur la dure loi de la compétition économique ou que de la pénurie de main-d’œuvre qualifiée. Fabriquer un avion Rafale engage environ 400 entreprises et implique 7 000 emplois directs…
Commémorer en 2024, c’est aussi partager avec nos Alliés, et en particulier les États-Unis et le Royaume-Uni. Sans eux, l’Europe serait restée sous l’oppression nazie, d’autant plus que Hitler et Staline avaient validé un pacte d’infamie ayant permis notamment de dépecer la Pologne. Sans l’énergie d’un Winston Churchill, que se serait-il passé ?
Plaque commémorative sur le bâtiment où le général de Gaulle installa son quartier général à Londres en 1940
(© Jérôme Pellistrandi / RDN)
Cette relation franco-britannique sera d’ailleurs à l’honneur avec les 120 ans de l’Entente cordiale, certes amorcée depuis Louis-Philippe Ier et la reine Victoria, qui vint en villégiature et en visites officielles en France dès 1843, mais qui fut scellée le 8 avril 1904. La relation entre les souverains britanniques et notre pays reste un marqueur fort, de Victoria à Charles III, sans oublier le profond attachement de la reine Elizabeth II au pays des frog eaters. Les statues du Maréchal Foch, lui-même honoré par la distinction de Field marshall le 19 juin 1919 et du général de Gaulle à Londres témoignent de ce lien privilégié.
Oui, 2024 sera une année de mémoire et donc profondément ancrée dans les ruptures géopolitiques actuelles. En comprenant mieux notre passé et les épreuves traversées par nos anciens, nous serons mieux à même d’affronter notre futur.