Dans cette nouvelle chronique Cinéma & Séries de la RDN, Johann Lempereur analyse le film Civil War qui met en avant le photojournalisme de guerre. Entre fiction et réalité, le film montre, avant tout, la nécessité de toujours témoigner des conflits, civils ou internationaux ; mais quelle limite les reporters doivent-ils s'appliquer, entre devoir d'informer et sensationnalisme ?
Cinéma & Séries – Civil War, le journalisme de guerre sur la pellicule du grand écran (T 1611)
Très attendu, Civil War (2024), le nouveau film d’Alex Garland (Ex Machina [2015] et Annihilation [2018]), est un « road movie » apocalyptique prenant pour personnages principaux des grands reporters. Le synopsis est simple : dans un pays divisé par la guerre civile, trois journalistes chevronnés accompagnés d’une débutante prennent la route pour espérer obtenir le dernier entretien avec le président des États-Unis. Par essence, ces héros essaient de n’être que les témoins de ce conflit, jusqu’à ce qu’ils soient rattrapés par la réalité de la guerre. Ainsi, dans ce film, il ne s’agit pas de prendre parti ; si le président peut avoir des airs de Donald Trump – notamment lors de la scène d’introduction – le spectateur n’en apprendra que très peu sur les événements qui ont mené les Étatsuniens à imploser. D’ailleurs, le réalisateur a affirmé que la genèse du film était antérieure à l’assaut du Capitole (1). Plus encore, l’on ne sait pas pourquoi le Texas, un État acquis aux Républicains, et la Californie, un État démocrate, se sont retrouvés alliés. Le propos du film est tout autre.
Loin d’imposer un discours politique, ce film semble plutôt être un hommage au métier de journaliste de guerre, tout en étant une mise en garde contre la romancisation de celui-ci et, par extension, de la guerre. Lee Smith (Kirsten Dunst), reporter de guerre renommée, est accompagnée de son collègue Joel (Wagner Moura). Ensemble, ils ont pour objectif de rallier la capitale, Washington DC. Ils sont accompagnés de la jeune Jessie (Cailee Spaeny), qui a pris Lee pour modèle et qui rêve de devenir elle-même une journaliste reconnue. Pendant ce voyage initiatique, Jessie comme le spectateur vont découvrir la réalité du métier en exhumant les horreurs de la guerre. Cette brutalité va la changer, la rendant comme son modèle : traumatisée mais déterminée.
Le besoin d’informer
Alors que l’équipe traverse les champs de bataille parsemant les États-Unis, il est utile de se rendre compte du besoin de témoigner du déroulement d’une guerre. Avec le retour de la guerre sur le Vieux Continent, le grand public français a été très demandeur d’informations sur l’avancée de l’invasion russe. En février 2022, les chaînes françaises d’information en continu ont enregistré un score d’audimat mensuel à 8 %, score qui n’avait encore jamais été atteint (2). Pour répondre à cette demande, BFM TV – avec la plus forte hausse de téléspectateurs (+ 7,4 % en moyenne) – avait envoyé, dès le 22 février 2022, trois équipes de journalistes en Ukraine. En mai, soit quelques mois plus tard, c’était huit équipes qui étaient sur place (3). Malheureusement, ce métier comporte de très grands risques. Au moins onze journalistes ont été tués sur le front, dont trois Français : Frédéric Leclerc-Imhoff (32 ans), Pierre Zakrzewski (55 ans) (4) ainsi qu’Arman Soldin (32 ans) (5).
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