Billet – Ce que la France doit aux deux Napoléon
L’année 2021 a marqué le bicentenaire de la mort de Napoléon Ier, 2023 le cent-cinquantième anniversaire de celle de Napoléon III. La récente sortie du film Napoléon de Ridley Scott a redonné une envergure planétaire au souvenir de l’Empire. Dans une société où le choc des mémoires devient parfois le carburant des compétitions victimaires, faire le bilan des héritages napoléoniens permet de revenir sur une période qui a façonné, non seulement la France, mais l’Europe et même le monde, modernes. Je ne vais pas m’attarder sur les polémiques attachées à nos Empires, elles ont suffisamment fourni d’audience aux requins de plateaux télévisés : en ce qui concerne Napoléon Ier nous les connaissons : l’esclavage, les « boucheries » militaires et la misogynie. Je me permets de renvoyer aux excellentes réponses à ces points fournies par les historiens et notamment par le remarquable Pour Napoléon de Thierry Lentz (1).
En substance, en ce qui concerne les tueries militaires, les guerres de la Révolution et de l’Empire ont fait 1 million de morts français et 1,5 million de morts étrangers, cela en vingt ans de guerre. Pour clore, le débat rappelons que la France de 1815 compte 1,5 million d’habitants de plus qu’en 1790. Il y a plus de Français après qu’avant l’Empire. Les chiffres de la démographie sont incontestables : les guerres de la Révolution, du Consulat et de l’Empire n’ont pas été une saignée pour la France. En ce qui concerne l’esclavage, Napoléon Bonaparte le rétablit en 1802. Il décide de ne pas appliquer l’abolition (décidée par décret en 1794) sur un territoire d’outre-mer fraîchement repris aux Anglais (qui eux pratiquent l’esclavage comme tout le reste du monde en cette année 1802). Ving mille personnes furent victimes d’esclavage durant le premier Empire. C’est bien sûr épouvantable mais c’est Napoléon qui abolira la traite des Noirs en 1815. Quant à la misogynie plaçant la femme en situation de mineure aux yeux de la loi, rappelons que c’est le Code Napoléon qui donne aux femmes un égal accès à l’héritage et le statut de chef de famille en cas de veuvage. Ce qui, à l’époque, est quasi le seul exemple au monde.
Les polémiques associées à Napoléon III alimentent depuis 1870 un discours d’autodéfense républicain s’appuyant sur la malhonnêteté intellectuelle de Victor Hugo et le cynisme de la IIIe République. Le nouveau régime doit diaboliser l’héritage de Louis-Napoléon Bonaparte, premier président de la République élu au suffrage universel et dernier souverain ayant régné sur notre pays.
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