Christophe Mommessin analyse la place du transport de marchandise maritime dans le droit de la guerre navale. Du XVIe siècle à la guerre en Ukraine ou encore les attaques ciblées des Houtis, retour sur plusieurs siècles où les corridors maritimes ont joué un rôle crucial dans les stratégies de guerre.
Le navire marchand, la guerre et le droit (T 1622)
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Le 14 août 2023, le Sukru-Okan, cargo battant pavillon Palau, a été arraisonné par la marine russe alors qu’il naviguait en mer Noire, vers le port ukrainien d’Izmaïl. Après les tirs de semonce du patrouilleur Vassilli-Bykov, une équipe de visite a embarqué à bord afin de contrôler sa cargaison. Cet événement rappelle que la haute mer reste un théâtre légitime des hostilités sur mer, impliquant de fait des interactions entre les opérations des belligérants et le trafic maritime des neutres non parties au conflit.
La friction inévitable des libertés de navigation et de commerce avec la logique de nécessité militaire a été à l’origine de la structuration progressive du droit de la guerre navale jusqu’au début du XXe siècle. En effet, le milieu marin est un espace à la fois physiquement ouvert et segmenté juridiquement, entre des eaux soumises à la souveraineté des États côtiers (mer territoriale) et la haute mer libre de toute emprise étatique. Cette branche du droit des conflits armés est venue préciser les droits et obligations des belligérants et des neutres afin de limiter le risque d’escalade dans les hostilités navales.
Ce droit spécifique participe donc à la régulation des relations entre les États, tout en conférant un statut protecteur aux individus (civils, naufragés, prisonniers de guerre) et aux biens qui, catégorisés non-combattants, devraient ne pas être touchés par la guerre navale. Parmi ces biens civils, le navire marchand occupe une place indispensable. Toutefois, le croisement des tactiques avec d’autres variables technologiques, politiques, stratégiques ou économiques en ont fait un objet juridique moins simple à aborder qu’il n’y paraît.
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