Dans son éditorial de la semaine, le général Pellistrandi salue l'abnégation et le courage dont ont fait preuve nos forces armées durant tout l'été. Entre la sécurisation réussie des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris 2024, sur l'ensemble du territoire national, les violences en Nouvelle-Calédonie, les actions en mer Rouge et la lutte contre la délinquance, menant, comme on l'a vu cet été, à des drames, le contexte actuel démontre, plus que jamais, que les missions demandées sont de plus en plus exigeantes et nécessitent des moyens grandissants.
Éditorial – Des forces en action, au risque permanent (T 1630)
Les militaires de l’opération Sentinelle se familiarisent avec les sites des JOP 2024. © EMA
Même dans la torpeur estivale de cette année, les forces armées françaises n’ont jamais été aussi employées. Certes, le théâtre africain que constituait Barkhane n’est plus, mais la réalité opérationnelle a été intense pour l’ensemble de nos militaires, sans oublier la gendarmerie.
Le plus spectaculaire aux yeux de nos concitoyens a été, bien sûr, la sécurisation des Jeux olympiques de Paris suivis des Jeux paralympiques. C’est un effort majeur préparé depuis de nombreux mois qui a vu l’ensemble des composantes du ministère des Armées engagé d’une façon ou d’une autre. Il y avait, évidemment, les soldats déployés sur le pavé parisien, mais pas seulement ; d’autres sites en province ont été concernés par le déploiement des unités des trois armées et des services : la défense sol-air, notamment contre les menaces que peuvent constituer les drones, la sécurisation des plans d’eau, tant à Marseille qu’en Polynésie, le besoin de capacité en défense nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC), au cas où, la protection de la Seine avec la parade nautique sur plusieurs kilomètres… Autant d’exemples d’un engagement massif réussi, résultant à la fois d’une planification rigoureuse et d’une professionnalisation exemplaire, tout en y adjoignant les réservistes, absolument indispensables au bon fonctionnement d’un tel dispositif. Nul doute que de nombreux retours d’expérience sont attendus, confortant les choix faits et proposant de nouvelles pistes pour être encore plus efficace demain.
Cependant, si les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris 2024 ont retenu l’attention médiatique, nos forces ont également conduit d’autres engagements tout aussi utiles et nécessaires. Ainsi, l’Armée de l’air et de l’Espace a réalisé la mission Pégase 2024 permettant de projeter une force aérienne aux antipodes de la planète, c’est-à-dire jusqu’en Australie et Nouvelle-Zélande, tout en travaillant l’interopérabilité avec nos alliés nord-américains, européens et indo-pacifiques. Ce type de projection devient une nécessité opérationnelle s’appuyant sur le triptyque Rafale-A330 MRTT-A400M, servi par des équipages entraînés.
Ce fut, hélas, le drame du 14 août lorsque deux Rafale en mission d’entraînement dans l’Est de la France entrèrent en collision, provoquant la mort du capitaine Sébastien Mabire (instructeur) et du lieutenant Matthis Laurens (élève) qui retint l’attention cet été. Ce terrible accident, bien que de plus en plus rare, témoigne de l’exigence que représente la préparation au combat aérien et du besoin de celle-ci, alors même que la maîtrise du ciel – qui avait été plus ou moins la règle depuis plusieurs décennies en opération – n’est plus désormais acquise, comme le montre la guerre en Ukraine ou au Proche-Orient.
La Marine nationale, quant à elle, n’est pas en reste. Ainsi, une frégate de défense anti-aérienne, déployée en mer Rouge, a ouvert le feu pour venir en appui à un pétrolier en perdition après une attaque des Houthis. Dans un contexte de menace permanente, les équipages doivent être prêts à réagir en quelques secondes pour contrer le danger venant des airs et des mers. Là encore, le niveau d’exigence opérationnelle s’est accru, impliquant tout le personnel dès le largage des amarres. Moins médiatique mais tout aussi important, le Sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) Tourville, troisième de la classe Barracuda, vient de quitter son berceau de Cherbourg pour entamer sa deuxième phase d’essai à la mer en allant à Brest. L’avancée du programme se poursuit, permettant la modernisation indispensable de la flotte sous-marine.
Il ne faut pas ici oublier la Gendarmerie nationale, engagée sur les JOP ainsi que sur l’ensemble du territoire national. En Nouvelle-Calédonie, les escadrons de gendarmerie mobile sont soumis à un harcèlement régulier de militants violents, sans objectifs politiques clairs, si ce n’est accroître le désordre au détriment de la population. Les gendarmes y assument une mission difficile, faisant preuve de retenue et d’abnégation pour permettre le retour à une vie plus calme. Et hélas, sur le territoire métropolitain, l’inconscience d’un conducteur délinquant multirécidiviste a coûté la vie à l’adjudant Éric Comyn du peloton motorisé de Mandelieu-la-Napoule. Père de deux enfants, le gendarme a été violemment fauché sans même que le chauffard ne daigne s’arrêter. Ce drame rappelle que notre société est malheureusement porteuse de violences accompagnées d’une délinquance multiforme. À ce jour, quatre gendarmes sont morts en mission et cinq sont décédés en service, traduisant, là aussi, cette exigence du quotidien de nos militaires. Quatre-vingt-seize gendarmes ont été blessés, rien que sur des refus d’obtempérer au cours du premier semestre 2024.
Nos deux gendarmes morts en Nouvelle-Calédonie, nos deux pilotes morts à la suite d’un accident aérien et notre motard tué lors d’un banal contrôle routier, sans parler de nos blessés en mission, en service ou à l’entraînement, démontrent l’exigence du métier de soldat et son engagement total au service de notre pays et de notre sécurité.
À l’heure où les discussions budgétaires pour le Projet de loi de finances (PLF) 2025 devraient débuter, il faut souhaiter que nos forces armées et que nos forces de sécurité intérieure puissent disposer des moyens pour accomplir des missions de plus en plus exigeantes. C’est ce que la France doit à ses militaires. ♦