Cette semaine, le général Pellistrandi insiste sur les défis urgents qui attendent le gouvernement en formation, alors que la liesse olympique est bel et bien terminée. Il revient notamment sur le sujet du budget de défense qu'il serait irresponsable de revoir à la baisse, alors même que nos adversaires stratégiques se renforcent dans un contexte de déséquilibre permanent.
Éditorial – Et après ! (T 1632)
© Yann Caradec, CC BY-SA 2.0 <https://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.0>, via Wikimedia Commons
La flamme olympique s’est définitivement éteinte sous des trombes d’eau comme lors de son allumage il y a plus d’un mois et, pourtant, à l’image du globe doré flottant au-dessus du Ciel de Paris, jamais la parenthèse de sérénité et d’émotions n’a été aussi forte dans notre pays, dépassant les clivages sociétaux, la complexe relation Paris-Territoires ou encore la place des sportifs et du sport dans notre quotidien. De plus, les jeux paralympiques ont été une formidable leçon de vie donnée à tous.
Maintenant, alors même que la rentrée scolaire est déjà passée, retour aux affaires courantes, en pensant désormais à l’après.
Formation d’un nouveau gouvernement dans un climat politique redevenu totalement hystérique, certains politiques ayant mal supporté la diète médiatique imposée par les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris 2024, avec l’urgence de préparer le budget 2025, alors même que le mur du déficit est là, obligeant à des choix douloureux. Et là, hélas, la petite musique considérant que la défense doit aussi participer à l’effort de réduction des dépenses est réapparue après environ dix ans de redressement absolument nécessaire pour effacer les décennies des « dividendes de la paix », dont on voit qu’ils n’ont servi à rien, si ce n’est à mettre en confiance les nouveaux empires aux ambitions de puissance comme la Russie ou la Chine. Toutefois, ici, pas un mot de nos représentants politiques depuis des mois sur les guerres à nos frontières et le durcissement de nos engagements face à l’agressivité russe, aux tirs des Houthis contre la navigation en mer Rouge ou encore la désinformation et la manipulation des opinions publiques comme le fait l’Azerbaïdjan en Nouvelle-Calédonie. Ils sont trop occupés à se marginaliser les uns et les autres, pensant que Paris reste le nombril du monde et que les affaires extérieures n’ont aucun impact sur notre quotidien.
Penser que baisser le budget 2025 de la défense, malgré la Loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030, est une des pistes pour réduire le déficit traduit bien l’ignorance crasse de ceux qui expriment cette opinion. Ils n’ont rien compris aux enjeux actuels de défense et à la nécessité du temps stratégique, par nature long et donc peu compréhensible pour ceux qui sont à la chasse au tweet pour prouver qu’ils existent médiatiquement.
Malgré les efforts conséquents engagés depuis une décennie et confortés par la LPM 2024-2030, il reste encore beaucoup à faire pour que notre défense puisse assumer ses missions dans un contexte stratégique bouleversé depuis le 24 février 2022. À ceux qui disent que l’on pourrait s’interroger sur le Porte-avions de nouvelle génération (PANG) ou que la dissuasion pourrait être revue à la baisse avec trois Sous-marins nucléaires lanceurs d’engins 3e génération (SNLE 3G) au lieu de quatre, que les parachutistes sont des dinosaures issus d’un passé glorieux mais dépassé, que nos partenaires européens pourraient se suppléer à nos propres engagements, ou que maintenir une Base industrielle et technologique de défense (BITD) n’est pas forcément nécessaire et que les industriels se gavent sur le dos du contribuable, c’est bien faire preuve de naïveté et d’incompétence notoire.
La Chine accélère ses programmes de porte-avions et devrait disposer d’ici 2030 de navires à propulsion nucléaire, tandis qu’elle prospecte pour installer une base navale en Afrique donnant sur l’Atlantique. Par ailleurs, elle est en train de multiplier par 3 ses capacités nucléaires. Plus paradoxalement, la retenue de l’Iran dans son bras de fer avec Israël et l’Occident est due en grande partie à la volonté de Téhéran d’accéder au seuil atomique d’ici peu. La Turquie, de plus en plus impériale, accroît sa pénétration dans de nombreux pays africains, y compris dans le domaine de la coopération militaire et durcit sa relation avec l’Europe et en particulier la France, en instrumentalisant l’éducation et ses établissements scolaires. Bien sûr, la Russie, malgré son incapacité à gagner la guerre en Ukraine, ne cesse d’étendre son influence, notamment en Afrique, envahissant feu le « pré carré » français, sans aucun souci, d’ailleurs, du développement économique des pays concernés dont les juntes sont devenues dépendantes des mercenaires russes.
Bien au contraire, dépenser pour notre défense reste le meilleur investissement possible d’autant plus que cela contribue directement à soutenir notre industrie et donc l’économie. L’exemple du Rafale est emblématique, tant il fut décrié par bon nombre de politiques dans les années 2000 et dont maintenant, chaque exemplaire vendu à l’exportation se traduit en emplois et en création de richesses. Il en est de même du canon Caesar, symbole majeur de notre soutien à l’Ukraine et dont les qualités à la guerre en font un succès économique.
D’ici quelques semaines, nos politiques auront à choisir les grandes orientations pour notre pays. Assumer sa propre défense est plus que jamais essentiel dans le contexte actuel. Il ne faudrait pas que dans le confort des lambris rouges de l’Assemblée nationale, la démagogie ne l’emporte sur le réalisme. ♦