Dans son nouveau Parmi les livres, Eugène Berg analyse, à la lumière de l'actualité, les notions de guerre économique et d'économie de guerre. Complémentaires, contemporains, ces phénomènes géopolitiques transforment complètement la manière d'envisager le monde, la géopolitique et les relations internationales.
Parmi les livres – Guerre économique et économie de guerre (T 1635)
Après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le monde, en proie à une série de crises et de chocs majeurs tant au Proche-Orient qu’en Asie orientale ou dans la Corne de l’Afrique est entré de plain-pied dans la période de l’après-guerre froide. On le constate notamment avec les réarmements en cours opérés par les principales puissances, comme avec l’accentuation de la guerre économique sino-américaine que Trump avait déclenchée en 2017. C’est à une nouvelle triade appelée vraisemblablement à durer que nous sommes balancés avec cette chaîne ininterrompue de guerres, de guerres économiques et d’économies de guerre.
Bienvenue en économie de guerre
Ainsi titre David Baverez (1), investisseur et essayiste qui, installé à Hong Kong, est bien placé pour observer les dernières évolutions de la confrontation géopolitique et géoéconomique entre les États-Unis et la Chine qui prend chaque mois plus d’ampleur : Washington ayant imposé des droits de douane de 100 % aux voitures électriques chinoises. Ne nous trompons pas cependant, il s’agit là d’une guerre économique et non d’une économie de guerre, à moins que l’on considère que toute mesure de restriction ou de souveraineté économique relève de l’économie de guerre, ce qui n’apparaît pas être le cas.
En fait il convient d’agrandir la focale de ce qui est précisément l’objet du livre plus systématique, rédigé par les experts et chercheurs de l’École de guerre économique (EGE), réunis par le fondateur de cette dernière Christian Harbulot (2). Ils distinguent pour leur part, la guerre militaire, l’économie de guerre et la guerre économique en temps de paix – une approche plus large qui, à leurs yeux, devrait se traduire par une stratégie globale au niveau national. En effet, ces différents aspects sont trop souvent traités en silos, constitués par le Quai d’Orsay (qui a récupéré la diplomatie économique de Bercy), la Défense, le Secrétariat général pour la défense et la sécurité nationale (SGDSN), et la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). Leur autre apport important est d’appréhender ces trois notions non en séquences chronologiques – la guerre économique précédant ou faisant suite à la guerre militaire et à l’économie de guerre (vision qui fut celle des Britanniques lors de l’adoption de leur doctrine de défense en 2015). Actuellement, c’est l’arme informationnelle qui est au cœur de la nouvelle guerre économique. À mon sens ce triptyque guerre militaire–économie de guerre–guerre économique en temps de paix est plus fécond que le fameux concept de guerre hybride, dont son « inventeur », Mark Galeotti a admis qu’elle n’avait jamais existé.
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