À l'occasion de la date anniversaire des attaques du 7 octobre qui ont entamé une dynamique d'embrasement du Moyen-Orient, le général Pellistrandi s'intéresse aux diverses conséquences de cette tragique attaque, un an après, pour la région ainsi que pour l'Europe et le monde.
Éditorial – Samedi 7 octobre 2023, 6 h 29… (T 1640)
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En ce début d’automne 2023, la guerre en Ukraine se poursuit sans que se dessine une issue. Les opinions publiques semblent déjà lassées d’un conflit, certes, de haute intensité, mais dont les conséquences notamment économiques ont été à peu près absorbées. Et puis en cette période d’été indien, c’est le choc de ce samedi matin avec des informations parcellaires faisant état d’une attaque terroriste dans le sud d’Israël venant de la bande de Gaza. Au fil des heures, l’indicible devient une réalité dramatique : plusieurs centaines de morts abattus sauvagement, vieillards, femmes, enfants, nourrissons… massacrés parce que juifs et environ deux cents otages envoyés dans le piège des souterrains du Hamas à Gaza.
L’ampleur du drame ébranle la planète. C’est la plus grande exécution systématique de juifs depuis Nacht und Nebel et les camps nazis. Dès lors, tout bascule. Ce Proche-Orient toujours à la limite de la rupture s’enfonce dans une guerre de haute intensité et ce, depuis un an, sans aucun répit et sans réelle perspective au minimum d’une trêve humanitaire.
Il y a, bien sûr, la surprise stratégique pour Israël et la défaillance du système d’alerte et de prise de décision. Certes, en quelques heures, Tsahal a su se remobiliser pour aller délivrer notamment les kibboutz attaqués, mais il était trop tard pour sauver les jeunes du festival de musique Nova, les premiers attaqués en cette matinée du 7 octobre.
Si, dès le lendemain, des premières frappes aériennes touchent les infrastructures du Hamas dans la bande de Gaza, il a fallu attendre le 27 octobre pour le déclenchement d’une offensive terrestre destinée à éliminer la branche militaire du Hamas et à libérer les otages – une tâche qui s’est révélée quasi impossible.
Entretemps, au nord d’Israël, le Hezbollah libanais est rentré dans le conflit avec une tactique de harcèlement fondé sur des tirs de roquettes et de missiles ciblant le nord israélien, entraînant le départ d’environ 60 000 à 80 000 habitants vers le sud pour être à l’abri de ces frappes. Cette stratégie alternative du Hezbollah a fini par tant peser que Tsahal a engagé depuis la mi-septembre le bras de fer avec l’organisation terroriste soutenue par l’Iran. Avec une opération s’appuyant sur le renseignement et qui a permis avec une première phase spectaculaire l’élimination des cadres dirigeants du « parti de Dieu » en piégeant les systèmes de communication individuels – les fameux bipers et les talkies-walkies –, avant la frappe décimant la direction du mouvement et Hassan Nasrallah, le dirigeant absolu de l’organisation.
Les proxies de l’Iran ont connu des fortunes diverses depuis un an. Si le Hamas semble très amoindri après un an de guerre, la population gazaouie a payé un très lourd tribut à cette guerre, étant à la fois victime et bourreau, sans qu’elle puisse faire un vrai choix. Le Hamas, comme le Hezbollah sont des organisations terroristes assumant la quasi-totalité du fonctionnement des territoires qu’ils contrôlent, de l’aide sociale à l’éducation tout en recrutant les combattants nécessaires pour mener la guerre contre l’ennemi sioniste.
Au Yémen, les rebelles Houthis, qui maîtrisent la partie ouest du pays exercent une menace permanente contre le trafic maritime transitant par la mer Rouge et le canal de Suez. Plus d’une centaine d’attaques sophistiquées ont touché de nombreux navires, obligeant à accroître une présence de marines militaires s’efforçant de protéger les bâtiments de commerce, quitte à ouvrir le feu comme l’ont fait plusieurs frégates françaises avec succès.
Depuis un an, Téhéran s’est engagé directement dans la confrontation avec l’État hébreu, frappant une première fois en avril, sans grand succès, et une deuxième plus conséquente le 1er octobre, avec l’utilisation massive de missiles balistiques dont certains ont traversé le système du Dôme de fer. Le régime des Mollahs a toujours nié à Israël le droit d’exister et cet engagement direct – après des années de stratégie indirecte utilisant des proxies et des mouvements terroristes – constitue un tournant majeur commencé depuis le 7 octobre. Jusqu’où ira cet affrontement direct ? Tout en sachant que la situation politique interne de l’Iran est fragile avec, d’une part, un Guide suprême vieillissant et dont la succession approche et, d’autre part, une partie de la population – essentiellement urbaine et féminine – rejetant le régime. Les luttes de pouvoir à Téhéran sont ainsi une des nombreuses inconnues de l’équation ouverte il y a un an. Et pour compliquer un échiquier aux acteurs multiples, il y a l’échéance électorale américaine du 5 novembre. Les uns misent sur une victoire de Donald Trump, comme le premier ministre israélien, tandis que d’autres espèrent un succès démocrate avec Kamala Harris, sachant de toute façon que le soutien américain à Israël est une constante à Washington depuis 1948.
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Ce 7 octobre marque donc une rupture historique, non seulement pour Israël au regard du traumatisme causé par le Hamas, mais aussi pour toute la région dont la recomposition est en cours. Les conséquences concernent aussi l’Europe à la fois voisine et directement concernée. Ainsi, la hausse brutale de l’antisémitisme est un véritable défi pour nos sociétés démocratiques d’autant plus que certains partis politiques dans plusieurs États de l’Union européenne instrumentalisent celui-ci à des fins populistes et électoralistes.
Le 7 octobre n’a pas fini de hanter nos mémoires et de nous concerner quant aux suites de la guerre qui en a découlé. ♦