Cette semaine, le général Pellistrandi s'attarde sur le contexte entourant l'ouverture du salon Euronaval, qui aura lieu du 4 au 7 novembre prochains à Paris, en pleine élection présidentielle américaine.
Éditorial – Euronaval 2024 : Un salon historique (T 1647)
Le salon Euronaval 2024 va s’ouvrir le 4 novembre à un moment historique pour le monde, avec l’incertitude stratégique de l’élection américaine et sur fond de guerre en Ukraine, donc en Europe, et au Proche et Moyen-Orient, sans oublier les tensions croissantes en mer de Chine avec l’attitude agressive de Pékin. Jamais, depuis la fin de la guerre froide, l’échiquier international n’aura été aussi crisogène avec de véritables ruptures géopolitiques et technologiques avec l’émergence des drones, de l’intelligence artificielle et des enjeux autour des fonds marins. Ce salon va donc être une plateforme majeure d’échanges, de discussions et de confrontations où les rivalités industrielles et politiques vont être exacerbées par l’inconnue américaine.
La France n’est pas en mauvaise position avec notamment la première phase d’essais à la mer de la Frégate de défense et d’intervention (FDI) Amiral Ronarc’h, tête de série et qui a été un vrai succès, après des mois d’attente et donc de retard pour le programme. Déjà la tenue à la mer avec l’étrave inversée a montré tout son intérêt, l’Atlantique étant ballotée par la tempête Kirk. Cette réussite vient, en outre, récompenser le travail fastidieux mené jusqu’à présent. La FDI pourrait et devrait être un vrai « Game Changer », et avec de vraies potentialités à l’exportation, la Grèce étant déjà partie prenante.
Les sous-marins sont aussi un véritable atout, tiré par les exigences nécessaires de la Force océanique stratégique (Fost) mettant en œuvre les Sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE), permettant d’apporter aux Sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) et autres sous-marins, des technologies exceptionnelles dont la discrétion acoustique. Cherbourg et tout le tissu industriel vont bénéficier durant au moins deux décennies de la qualité du sous-marin « Made in France » et vendu à l’exportation.
Le Porte-avions nouvelle génération (PANG) sera aussi une des vedettes du salon. Si le projet est déjà très engagé conceptuellement, baisser ses spécifications sous prétexte d’économies à court terme serait une faute stratégique et donc politique. Ainsi, la Chine prépare un quatrième porte-avions de type 004, apportant à chaque fois des perfectionnements majeurs dont les catapultes sur le type 003, actuellement aux essais. Avec un objectif de trois à quatre porte-avions à catapultes d’ici 2030. La Turquie vient aussi de lancer un programme de porte-avions de 80 000 tonnes, s’appuyant sur l’expérience du TCG Anadolu, un porte-aéronefs de 232 m, de conception espagnole et mettant en œuvre des drones, ouvrant de nouvelles perspectives dans le combat naval. Le porte-avions, avec son groupe aéronaval, constitue encore pour des décennies l’outil de la suprématie navale. Y renoncer ou réduire ses capacités serait donc un renoncement irréversible pour la France ; un déclassement stratégique définitif.
Il sera aussi intéressant de voir les réponses des industriels sur l’innovation. Là encore, la France dispose d’un tissu de PME et d’ETI de très grande qualité, à condition qu’il y ait des financements et des perspectives de commandes qui soient crédibles. Une remise en cause, même partielle, de la Loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030 serait plus qu’une erreur : une acceptation tacite d’une défaite inéluctable.
Pour la première fois depuis des décennies, jamais l’horizon stratégique n’aura été aussi bouché. Vague scélérate ? Pot au noir ? Courants contraires ? Une certitude, la navigation risque d’être à l’estime dans les semaines à venir. ♦