Cette semaine, le général Pellistrandi fait part de sa solidarité avec le peuple espagnole, frappé, dans la région de Valence, par des inondations historiques, ayant provoqué de nombreux morts. Alors que les victimes n'ont pas encore toutes été identifiées, des comptes sont demandés, tant à l'État central espagnol qu'au Régions, dont le pouvoir est supérieur à celui de l'État à l'échelon local. Quelles ont été les failles ? Celles d'un système politique qui montre certaines limites.
Éditorial – Solidarité avec l’Espagne (T 1650)
La catastrophe qui a endeuillé la région de Valence dépasse, hélas, le cadre habituel des dernières tempêtes et inondations par son caractère exceptionnel et brutal. Dans les travaux d’anticipation, il est fréquent de parler de l’inondation décennale, de l’inondation centennale.
C’est bien ce qui s’est passé la semaine dernière chez nos voisins et cousins espagnols. La violence et la soudaineté du drame ont laissé, outre des centaines de victimes et des milliers de sans-abri, les autorités abasourdies devant l’ampleur de la tâche à accomplir : sauver, protéger, réparer puis reconstruire et enfin tirer les leçons.
Or, il y a eu faillite du système ; non pas des individus : très vite, les pompiers, les secouristes, la Policia municipal, la Policia nacional, la Guardia civil se sont déployés pour porter secours face au danger. La faille est venue des niveaux politiques spécifiques à l’Espagne. Un État où les Régions agissent quasiment de façon fédérale et où, en fonction des majorités politiques, les gouvernants régionaux s’efforcent de limiter le rôle de l’État central. Contrairement à la France où, en cas de catastrophe ou d’événement notoire, c’est le Préfet qui assume la direction, en Espagne, ce sont les autorités locales qui décident, le Delegado du gouvernement (l’équivalent du préfet) n’étant qu’un parmi les autres autour de la table.
Cela explique en partie la cacophonie qui a régné ces derniers jours, malgré l’engagement total des sauveteurs et des bénévoles, empêchant la mise sur pied immédiate d’une coordination efficace permettant de mobiliser des moyens venant de toute l’Espagne.
Il en est ainsi pour la force militaire, les Fuerzas armadas, qui ne peuvent être déployées sur le territoire espagnol qu’après de multiples discussions et précautions juridiques là encore à l’inverse du système français où l’Officier général de zone de défense (OGZD) relevant du Chef d’état-major des Armées peut très vite activer des moyens militaires en appuie du préfet de région.
Par ailleurs, l’Ejercito espagnol a, depuis des décennies, subi de nombreuses réformes et réductions d’effectifs pour atteindre aujourd’hui à peine 80 000 hommes et femmes (tandis que l’Armée de terre française est dotée de 112 000 militaires) et de ce fait ne peut projeter que des moyens limités permettant cependant de participer pleinement, notamment, au déblaiement et au rétablissement des principales artères.
Il faut cependant souligner que dès le début de la crise, l’Unidad Militar de Emergencia (UME), équivalente de nos Unités d’instruction et d’intervention de la sécurité civile (UIISC), a déployé 1 100 soldats avec leurs équipements.
La Guardia civil, équivalente à notre Gendarmerie, est, elle aussi, entrée directement en action aux côtés des différentes polices nationales, régionale et municipale. Très bien entraînés et encadrés, les Guardia ont agi avec efficacité, sachant que, comme la Gendarmerie, leurs équipements sont du type « temps de paix ».
La visite du roi Felipe VI et de la reine Laetizia ce dimanche dans un des villages les plus touchés a été très difficile et le roi n’a pas hésité à aller au contact des sinistrés. Le paradoxe est que, derrière les images de violence, c’était moins le roi qui était visé que les autorités politiques, le président du gouvernement espagnol et le président de la région de Valence qui, eux, n’ont pas su surmonter leurs divergences politiques pour répondre à l’urgence et qui ont été très vite exfiltrés, contrairement au roi, resté auprès des victimes.
Alors même que la boue n’a pas encore séché, cette catastrophe d’ampleur majeure va peser sur la vie politique espagnole, sans parler des drames pour les familles endeuillées, pour revoir une tentation de fédéralisme centrifuge incapable de répondre à ces nouveaux défis.
C’est aussi, pour nous-mêmes, l’occasion d’en tirer des retours d’expérience, au cas où… ♦