Dans cette deuxième livraison, l’auteur poursuit sa chronique de la tension au Nord Mali et expose les nouvelles connexions entre Touaregs qui se créent en 2011 à la faveur de la révolte libyenne.
La question touarègue (2/3) (T 240)
Février 2011, c’est le début de la révolte en Libye. Les Touaregs qui sont intégrés dans un bataillon spécial, appelé « les Commandos courageux » en référence à Tariq Ibn Ziyad (conquérant berbère en Espagne), combattent aux côtés de Kadhafi. Certains sont des Touaregs de souche d’autres sont originaires du Mali et du Niger. « Les officiers touarègues du Nord du Mali ont commencé à échanger avec ceux qui étaient en Libye et qui combattaient avec Kadhafi à partir de mars. On tentait de les convaincre de revenir au Mali, qu’il fallait saisir cette occasion pour former un front commun et régler le compte du pouvoir malien puisqu’ils avaient des armes », explique une source malienne.
Le même mois, Kadhafi enregistre ses premières défections. C’est le cas de Mossa El Koni, grand chef touareg nommé Consul général libyen à Kidal pour résoudre le problème des Touaregs au Nord du Mali. Kadhafi à l’époque voulait empêcher les Touaregs de rejoindre Al-Qaïda. Dès 2005, le Guide avait en effet promis un développement dans cette région. « Il a réussi à convaincre les Touaregs de l’Awazad de laisser tomber les armes mais il n’a pas tenu ses promesses », explique El Koni. « Kadhafi m’a dit, à l’époque, que l’Algérie mettait des obstacles, s’opposait à tout projet libyen de développement de cette région. Je pense que cela est faux… », poursuit-il en reconnaissant quand même que « l’Algérie s’est opposée à l’ouverture d’un consulat à Kidal » et a tout fait pour le faire fermer. Et pour cause, l’Algérie craignait une mainmise de la Libye sur cette partie du Mali et la concrétisation de l’autonomie tellement désirée par les Touaregs, ce qui aurait eu des conséquences importantes sur son Sud qui compte aussi des Touaregs. « J’ai donc quitté Kadhafi lors de la révolution libyenne ». Les mauvaises langues prétendent que Mossa El Koni cherchait surtout à préserver ses affaires en tout genre grassement développées sous Kadhafi comme beaucoup d’autres Libyens. L’ancien consul se range donc auprès des rebelles. En juillet 2011, d’autres Touaregs décident, eux, de rejoindre le Mali, leur pays d’origine comme Mohamed Najim qui, après avoir pris les armes au Mali dans l’Azawad, est revenu en Libye en réincorporant son armée. Durant la révolte, ce haut gradé combat au côté du Guide mais décide en juillet de déserter. Il repart au Mali avec 100 hommes et de nombreuses armes.
En août 2011, un événement inattendu se produit qui va jouer au bénéfice du MNLA. Un des Touaregs les plus radicaux, Ibrahim Ag Bahanga, meurt dans un véritable accident de voiture, au Nord-Est du Mali. On se souvient qu’en 2006, un groupe de Touaregs, avec ce même Ibrahim Ag Bahanga, avait repris les armes, pillé des dépôts de munitions de l’armée dans une caserne située à Kidal avant de se retirer dans le Thegharghar, le sanctuaire de presque toutes les rebellions au Nord du Mali. Contrairement à ses comparses, Yyad Galli ou Najim son cousin, il n’avait jamais totalement voulu déposer les armes en 2006, lors des accords d’Alger. En 2008, deux ans après la signature des accords d’Alger, il avait repris les armes et fait enlever des dizaines de militaires qu’il avait fini par relâcher après des opérations de l’armée malienne. À partir de février 2009, il s’était exilé en Libye pendant près de deux ans. En contrepartie de son recueil, le Guide lui demande de se tenir tranquille. L’avait-il convaincu de faire la paix ? C’est fort possible. En janvier 2010, il revient au Mali, les poches pleines de dollars, pour cette fois-ci réintégrer le processus de paix. La révolte en Libye, a été une occasion pour lui de revenir dans le jeu et à cette occasion, il reprend du service. Il fait les allers-retours, avec des caisses, remplies, cette fois, d’armes en direction du Mali. Son objectif est d’alimenter son propre groupe, le Mouvement des Touaregs du Nord du Mali.
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