Dans cette dernière livraison, l’auteur nous montre comment les dissensions se sont développées entre les partis qui ont investi le Nord-Mali et en ont chassé l’armée malienne. C’est de leurs rapports complexes que dépend la stabilité de cette zone grise et la capacité des acteurs extérieurs d’y prendre pied.
La question touarègue (3/3) (T 240)
Fort de ses nouvelles recrues touarègues venues de Libye et d’un arsenal d’armes inespéré, le MNLA commence, en janvier, ses premières attaques contre l’armée malienne laquelle est stationnée dans différentes villes. Leur objectif : la partition du pays. La première à tomber est Ménaka. Aguelhok tombe le 19, où l’armée, mal équipée, se retrouve très vite, selon des observateurs, à court de munitions. Pour cette ville, le MNLA est aidé par un groupe, Ensar Eddine, créé en janvier 2012, dont le chef n’est autre que Yyad Ag Ghaly, qui a été un des leaders de la rébellion Touareg en 1990, on l’a vu. Ce dernier, n’a pas été consulté pour la création du MNLA. Du coup, il a décidé de créer son propre mouvement composé de Touaregs, dont le nom aurait été usurpé à une association des Maliens du Sud située à Bamako, dont il est membre et qui prône un islam tolérant. Le président de cette association n’est autre qu’El Hadj Mahmoud Dicko, responsable du Haut conseil islamique (HCI).
Mais Yyad Ag Ghaly a d’autres raisons plus profondes de ne pas s’associer au MNLA : il rejette la présence des Touaregs venus de Libye et cette nouvelle génération de Touaregs maliens qui les a pris en mains et qui de tente de s’imposer. En outre, le MNLA manquerait selon lui, d’expérience politique et militaire. L’avenir lui donnera raison. Dans son soutien au MNLA pour la prise d’Aguelhok, il préfère donc de loin faire appel au soutien logistique d’AQMI et du Mujao, lesquels ne participent aucunement à la conquête du Nord. L’armée est encore leur allié contre les Touaregs, même si le rapport de force tourne à l’avantage de ces derniers. Et puis « AQMI cherche surtout à ramasser les armes laissées par les soldats en déroute », explique une source.
Alors que le MNLA continue sa progression : Léré tombe le 26, tout comme Anderboukan et Tinzouaten le 7 février. Ensar Eddine, désormais redevable à AQMI et au Mujao, annonce, en février, son intention d’appliquer la charia à l’ensemble du territoire afin de continuer de bénéficier du soutien du groupe terroriste. Au mois de mars, on ne compte plus les villes qui tombent aux mains du MNLA, ni la débandade de l’armée malienne qui part se réfugier au Niger dans des campements de fortune. On note la désertion de Touaregs intégrés dans l’armée régulière, comme celle du colonel-major El Hadj Ag Gamou, qui changera, il est vrai, plusieurs fois de camp avant d’aller se réfugier au Niger avec ses hommes fin mars 2012. La conquête du Nord provoque une fuite massive de la population vers d’autres pays, le Burkina Faso, l’Algérie, la Mauritanie. Ce sont des milliers de personnes qui affluent. C’est un vrai désastre humanitaire.
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