La question des viols comme arme de guerre est généralement analysée au prisme des blessures psychologiques des victimes. L’auteur en fait ici une approche spatiale et montre que les viols de masse sont des modalités de combat et d’ancrage de la guerre par-delà les combats. Les viols systématisés participent de la « purification » des territoires et sont un enjeu du processus de pacification et de (ré)conciliation des populations.
Le viol comme arme de guerre et la « géographie de la peur » (T 249)
Les viols de masse, une géographie de l’inhumain
Dans les conflits armés actuels, les viols sont de plus en plus utilisés comme une arme de guerre. Il ne s’agit plus seulement d’un « défouloir » pour les belligérants mais de violences orchestrées par leurs chefs, à des fins politiques. Ces violences sexuelles sont utilisées comme des moyens de combattre « l’Autre » par la peur et de provoquer des flux massifs de déplacement de groupes communautaires jugés comme « indésirables » sur le territoire disputé. Elles créent une géographie de l’inhumain qui repose sur de profondes inégalités spatiales face aux violences sexuelles : la géographie des viols de guerre coïncide fortement avec la géographie des combats, créant ainsi des « espaces-refuges » et des « espaces-cibles » à l’intérieur du pays en guerre.
Cette pratique du viol comme arme de guerre n’a pas que des répercussions dans le seul temps de la guerre, elle s’inscrit dans les pratiques des victimes par-delà le temps des violences. En effet, les viols construisent une géographie de la peur qui s’affirme dans l’immédiat après-guerre ; la peur devient le moteur d’immobilités quotidiennes (enfermement dans l’espace domestique ou dans le quartier) et de mobilités résidentielles (les victimes comme les personnes déplacées/réfugiées d’après-guerre fuient le lieu du viol par peur de vivre à proximité de leur violeur ou par rejet social des sociétés qui stigmatisent les femmes victimes de ce type de violences). De telles conséquences affectent les pratiques spatiales des victimes après le viol qui se construisent également dans le cas des violences sexuelles hors du contexte d’une guerre.
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