La contrainte budgétaire actuelle affecte la formation des officiers au management de haut niveau. Un renoncement, notamment aux Executive-MBA, est paradoxal quand l’heure est à investir dans le management des hommes et des organisations. Des solutions existent pour desserrer la contrainte financière en valorisant des biens immatériels de haute valeur, nos savoir-faire et nos savoir-être.
Réinvestir les formations de management ? (T 289)
En cette période de forte tension budgétaire, les armées et les services éprouvent bien des difficultés à continuer à investir dans les formations de haut niveau au profit de leurs officiers. Chaque année, elles sont plus délaissées quand elles ne sont pas purement et simplement abandonnées par nécessité de faire des économies. Ce constat doit-il pour autant être considéré comme un mal, une perte « incommensurable » pour notre institution ou tout au plus comme un divorce à l’amiable au vu du faible retour sur investissement pour les armées, peu enclines à sauter le pas (de géant) du management privé, de ses méthodes, de son jargon, de ses objectifs immédiats ? Il semble que si les investissements réalisés pendant plusieurs années, par exemple dans les Executive-MBA (Master of business administration, E-MBA) au profit de quelques officiers, se sont révélés peu rentables pour les armées (ces derniers étant rarement employés à long terme dans des fonctions où la plus-value de leur formation pouvait se révéler déterminante), les armées ont néanmoins continué, par habitude (ou par standing ?) à envoyer quelques officiers dans des E-MBA, chaque année. Cela ne servait pas de façon décisive l’institution mais « on y était ».
Or, c’est aujourd’hui que nous devons y être présent, c’est maintenant que nous devons former des officiers aptes à conduire le changement, à faire preuve d’audace, d’innovation (la devise de l’École des Hautes études commerciales (HEC) – « apprendre à oser » – est au cœur de notre volontarisme face aux économies à réaliser, aux transformations à conduire, aux organisations à rationaliser). Le « pourquoi ? » est déterminant, nous ne pouvons plus dépenser nos crédits pour « faire bien », pour mettre en avant un partenariat avec telle grande école, pour y assurer un rayonnement sans « retour sur investissement » véritable. Les raisons du besoin de renouveau de notre présence, à HEC par exemple, sont profondément liées au contexte actuel : c’est la réduction des budgets que nous devons conduire qui doit nous inciter à former des officiers à cette (nouvelle ?) mission. Mais par quel moyen réussir à battre en brèche ce paradoxe du « dépenser plus aujourd’hui pour dépenser moins demain » ? Nous voilà au « comment ? » : en substituant au matériel – le capital financier – qui nous fait défaut, de l’immatériel, c’est-à-dire de l’intelligence, du savoir-faire et du savoir-être, bref du capital humain.
Les mondes respectifs des armées et de l’entreprise apparaissent comme particulièrement antinomiques tant tout semble les opposer. En effet, il y aurait comme une incongruité dans la collaboration de militaires « étroits d’esprit, rigides et dénués de tout sens managérial » avec des commerciaux « épiciers aux dents longues sans grand sens de la moralité » au sein d’une même formation longue de type E-MBA : tels sont les a priori et images d’Épinal que chacun véhicule sans vraiment s’en rendre compte. La liste est longue des incompatibilités entre les deux mondes : il en va d’abord des objectifs de chacun (défendre une nation vs défendre un taux de profit), aussi des valeurs (valeur collective vs valeur individuelle), des profils (officiers vs entrepreneurs), enfin des vocations (ne rien créer / défendre vs créer / attaquer). Ainsi au premier abord les mondes civil et militaire semblent-ils bien étanches quant aux buts poursuivis, aux résultats attendus et à leurs réalisations. Ces images clichés collent à la peau de chacun et présument de mondes cloisonnés voire qui se méprisent.
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