Alors que l’activité maritime est plutôt au creux de la vague aujourd’hui, les pirates sont de retour dans des zones où l’on croyait les avoir éradiqués récemment. C’est le cas en océan Indien ouest du côté de l’Afrique, mais aussi dans le golfe de Guinée.
Les pirates sont de retour (T 885)
The pirates are back
While the maritime activity is rather at the trough of the wave today, pirates are recently back in areas where they were believed to have been eradicated. This is the case in the West Indian Ocean on the African side, but also in the Gulf of Guinea.
De tout temps les activités maritimes ont été bercées par la houle ou les marées ; elles sont invariablement cycliques même si la fréquence de répétition et l’ampleur des phénomènes restent des variables temporelles bien difficiles à prévoir. Tout l’art des armateurs et autres acteurs de ces filières maritimes consiste d’ailleurs à imaginer sinon prévoir quand et jusqu’à quel niveau la courbe de leur activité va s’inverser, dans un sens comme dans l’autre. C’est dire s’il faut des nerfs solides compte tenu des enjeux financiers que nécessite la moindre activité maritime.
Le montant des investissements nécessaires en matière maritime est en effet considérable, justifiant des coopérations le plus souvent internationales ainsi que la conjugaison indispensable des efforts publics et privés. Depuis toujours l’expédition maritime est une opération lourde, complexe et risquée. C’est pour commanditer ces expéditions que nos ancêtres ont inventé la banque, l’assurance, le concept de risque mesuré au travers des sociétés de classification des navires (Lloyd’s, Bureau Veritas, etc.), le droit international, des règles et processus universels adaptés à ces activités fondamentalement mondialisées.
Quelques chiffres pour préciser les ordres de grandeur. L’exploitation d’un navire de recherche sismique pour la recherche de champs d’hydrocarbures sous la mer pouvait encore coûter, il y a peu de temps, 250 000 $/jour, sachant qu’il opère 365 j/an. Le coût des marchandises transportées par un seul grand porte-conteneurs peut atteindre un milliard de dollars. Un FLNG (Floating Liquefied Natural Gas) coûte plusieurs milliards. Et ce qui est vrai en matière commerciale maritime l’est a fortiori dans le domaine naval militaire.
Il en va donc ainsi conjoncturellement de la construction navale, de l’offshore, du transport de marchandises, du tourisme de croisière. Certains secteurs sont aujourd’hui en grande forme comme les navires à passagers en Europe, alors qu’une crise aigüe menace gravement de nombreux chantiers asiatiques de construction de navires de charge très florissants jusqu’à ces dernières années. Les activités offshore souffrent de leur côté d’un cours du baril désespérément bas. Le transport de conteneurs connaît de profonds remaniements à cause d’une surcapacité récurrente vis-à-vis d’une croissance économique mondiale faible. Il en va de même pour le transport du minerais, du pétrole et autres denrées en vrac.
Et curieusement, alors même que l’activité maritime est plutôt au creux de la vague aujourd’hui, les pirates sont de retour dans des zones où l’on croyait les avoir éradiqués récemment. C’est le cas en océan Indien ouest du côté de l’Afrique, mais aussi dans le golfe de Guinée.
Au large des exploitations de pétrole offshore dans le golfe de Guinée, notamment du Nigeria et de l’Angola, les pirates maritimes agissent comme des bandits de grand chemin ou des preneurs d’otages à terre. Ils arraisonnent des navires petits ou peu rapides qui desservent en général leurs côtes et réclament des rançons. Le 19 avril par exemple, des pirates ont arraisonné dans les eaux territoriales nigérianes un remorqueur de travail offshore ; huit membres d’équi-page ont été kidnappés et le navire abandonné avec un blessé à bord, rapidement secouru par la marine locale. Le même jour, à environ 60 milles des côtes, un skiff armé de 9 pirates tentait d’attaquer un pétrolier en route. L’équipage a eu le temps de déclencher l’alerte et de riposter en mettant en œuvre ses pompes à incendie, en accélérant l’allure, en manœuvrant énergiquement le navire et en mettant en sécurité l’essentiel de l’équipage dans la citadelle prévue à cet effet. Ces mesures dissuasives ont permis de décourager les assaillants avant intervention des forces navales.
De l’autre côté de l’Afrique, en océan Indien, on observe le retour des pirates somaliens qui avaient défrayé la chronique maritime il y a quelques années et avaient été l’objet de lourdes mesures de répression de la part des marines alliées jusqu’à leur quasi-éradication en 2012. Depuis un mois environ, au moins six attaques ont été perpétrées au large de la Somalie à la fois du côté du Puntand et aux alentours de l’île yéménite de Socotra, sur l’une des routes maritimes les plus fréquentées du monde. Les cibles sont des navires de petite taille, armés en général par des équipages indiens, sri-lankais et philippins. Des forces navales de divers pays sont toujours présentes dans cette zone à risques, mais alors que les flottes occidentales étaient majoritaires jusqu’à ces dernières années, on observe aujourd’hui une forte présence indienne mais aussi chinoise dans cette zone sensible.
Une opération conjointe et énergique de plusieurs navires de ces deux pays a permis de libérer le 9 avril un vraquier battant pavillon de Tuvalu piraté la veille. Le 15 avril, la marine chinoise menait encore une opération sur un pétrolier panaméen dans le golfe d’Aden. Cette recrudescence de la piraterie est motivée à la fois par l’insécurité qui règne actuellement sur les côtes yéménites (y compris Socotra) mais aussi par la poursuite du pillage des ressources halieutiques de la ZEE au large de la Somalie, elle-même divisée en factions. Il est patent que les pêcheurs traditionnels de la côte somalienne ont beaucoup de difficultés à survivre économiquement et qu’ils sont assez facilement recrutés pour ces opérations de piratage au caractère financier mafieux. ♦