La concertation, l’écoute et le dialogue sont nécessaires pour le bon exercice du commandement, plus encore en cette période compliquée pour les militaires (disette budgétaire, recrudescence et variété des missions, multiples réorganisations…). Les associations professionnelles nationales militaires (APNM) qui se mettent progressivement en place sont une chance pour l’institution, en œuvrant de manière très différente par rapport au syndicalisme traditionnel.
Les APNM : une intrusion déguisée des syndicats dans les armées ? (T 907)
The APNMs: a disguised intrusion of the unions into the armies?
The consultation, the listening and the dialogue are necessary for the good exercise of the command, even more in this complicated period for the military (budgetary scarcity, recrudescence and variety of the missions, multiple reorganizations ...). The national military professional associations (APNM) that are gradually being put in place are an opportunity for the institution, working in a very different way from traditional unionism.
« Ayez pour les anciens (…) des égards marqués, consultez-les fréquemment, témoignez-leur de l’amitié et de la confiance. Soyez le soutien, l’ami, le père des jeunes officiers, (…) aimez (…) les anciens soldats ; parlez-leur souvent et toujours avec bonté, consultez les mêmes quelquefois, un chef se trouve souvent bien de cette popularité. (…) Étudiez et connaissez à fond tous les (militaires) de votre régiment ». Non, ces quelques lignes citées ne figurent pas dans un récent Code du soldat ou autre Charte du gendarme. Il s’agit d’un extrait de la magnifique lettre du Maréchal de Belle-Isle (1) à son fils au moment où ce dernier prenait le commandement de son régiment. La hauteur de vue du Maréchal, dans un style clair et si nuancé qui fait la grandeur de la France d’alors, souligne à quel point l’autorité n’est pas dissociable de l’écoute, du dialogue et de la concertation. Cette conception si idéale du commandement puisait tout son sens au sein d’une armée puissante, soutenue et dimensionnée pour défendre les intérêts vitaux de la nation. Mais depuis vingt-cinq ans, la redéfinition des missions, les multiples vagues de coupes budgétaires, l’arrêt de la conscription, ont eu des conséquences sur l’organisation, la composition mais aussi la symbolique de nos armées.
Dans ces conditions, nos armées pouvaient-elles encore se taire ? Pouvaient-elles occulter la réalité de toutes ces mutations sans y associer les hommes et les femmes qui la façonnent ? Conscient de ce malaise, le pouvoir politique s’est essayé aux exercices de la concertation, à condition toutefois de tout contrôler, avec en bruit de fond un courant idéologique radical et suranné clamant haut et fort que toute concertation fragilisait le principe même de l’autorité militaire en introduisant de la cogestion. Cette exclusion a vite buté sur le malaise du corps social militaire, relayé par les réseaux sociaux et alimenté par les nombreux blogs de retraités et de conjoints.
C’est le refus probable de cette évolution qu’est venu sanctionner la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) par deux arrêts du 2 octobre 2014, en indiquant que « l’interdiction absolue des syndicats au sein de l’armée française est contraire à l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme ». La loi du 28 juillet 2015 en tira les conséquences, instaurant des Associations professionnelles nationales militaires (APNM) ayant pour vocation de défendre la condition militaire. Pourtant, en l’absence de représentation syndicale dans les armées, le ministère de la Défense avait mis progressivement en place, dès 1969, un dispositif de concertation reposant à l’échelon central sur le Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) puis, à partir de 1990, au sein des principales forces armées ou formations rattachées, sur des Conseils de la fonction militaire (CFM).
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