Cette année électorale a été l’occasion de plusieurs publications d’intérêt sur la diplomatie française et sa relation avec la politique. Ce lien est d’autant plus fort qu’il s’inscrit pleinement dans la pratique de la Ve République où le politique a pris le pas de façon irréversible sur le diplomate, au risque de certaines ambiguïtés.
Parmi les livres - Diplomatie et intérêt national de la France en 2017 (T 915)
Among the books - Diplomacy and National Interest of France in 2017
This election year was the occasion of several publications of interest on French diplomacy and its relationship with politics. This link is all the stronger because it is fully in keeping with the practice of the Fifth Republic where politics has irreversibly taken precedence over the diplomat, at the risk of certain ambiguities.
Dans l’introduction de Notre intérêt national. Quelle politique étrangère pour la France ?, sous la direction de Thierry de Montbrial et Thomas Gomart, Hubert Védrine, Jean-Pierre Chevènement, Jean-Pierre Raffarin, en passant par les deux maîtres d’œuvre de l’Ifri (Institut français des relations internationales) – Hervé Gaymard et Elisabeth Guigou –, tous des plumes expérimentées, se sont livrés à une réflexion sur ce que devraient être les objectifs et les fondements de la politique étrangère de la France. Ils partent du constat, que la France ne met plus avant dans la conduite de ses actions extérieures (principalement militaires), la défense de ses intérêts mais se réfère plutôt à ses valeurs, phénomène qui s’est accentué avec François Hollande. Une question bien actuelle puisqu’un ancien ambassadeur en Russie, Jean de Gliniasty vient d’y consacrer un petit opuscule. Défendre « nos valeurs », c’est gratifiant et noble mais est-ce bien réaliste dans ce monde de brutes ? Il en veut pour preuve la véritable impasse dans laquelle Hollande et Fabius se sont d’emblée enfermés dans la guerre civile syrienne en s’étant donné, presque comme seul but, le départ immédiat et inconditionnel de Bachar el-Assad (au pouvoir depuis 2000). Ce qui a empêché, en juin 2012, l’émergence d’une forme de gouvernement d’union nationale. D’où le paradoxe que débusque notre diplomate : au moment où nous doutions de nos valeurs à l’intérieur, nous avons fondé sur elles notre politique étrangère.
Les « valeurs » comme fondement de la politique étrangère française
Bien lointains apparaissent les temps où la France devait, pour Richelieu, « régler sa politique selon son intérêt seulement » ou durant la présidence du général de Gaulle tenir compte de « l’intérêt supérieur de la Nation ». Nos dirigeants actuels sont descendus de l’Aéropage ! Ce glissement progressif qui n’est pas uniquement sémantique leur paraît grave, car il dépouille une partie de ce que fut le fondement de la diplomatie que l’on a coutume d’appeler gaullo-mitterrandienne ou même chiraquienne. L’antépénultième président, Jacques Chirac, s’était en effet distingué par quelques actes forts comme la reprise des essais nucléaires en 1995 ou le non à l’ONU à la guerre en Irak en 2003. Toute politique étrangère oscille constamment entre le souci de préserver la sécurité du pays, qui, si elle n’est pas assurée, peut conduire à « l’abîme », pour reprendre le titre d’un ouvrage de Jean-Baptiste Duroselle à propos des années 1930. La recherche de la prospérité est nécessaire, car sans elle, le pays ne peut maintenir sa grandeur. On le ressent bien : en se refusant à mettre en avant la défense et la promotion de notre intérêt national, nos dirigeants ont renoncé à la quête de la puissance et l’influence de la France dans le monde. Bien entendu, c’est le décrochage économique de la France surtout vis-à-vis de l’Allemagne (aspect abordé dans d’autres contributions de l’ouvrage, notamment par Bernard Collomb, président d’honneur du groupe Lafarge ou Frédéric Monlouis Félicité, délégué général de l’Institut de l’entreprise) qui est à l’origine de cet état de fait que chacun à sa façon cherche à remédier. Pourtant, Bernard Collomb ne met l’accent que sur la perte de compétitivité de la France et l’accroissement de son déficit commercial, sans dire un mot sur la montée « insoutenable » des dépenses publiques, qui ont atteint 57 % du PIB (Produit intérieur brut). Ce qui représente 8,5 % de plus que le reste de la zone euro, soit 180 milliards d’euros de dépenses publiques annuelles supérieures à celles de nos principaux concurrents.
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