Incendie sur le porte-avions Amiral Kouznetsov
Fire on the russian aircraft carrier Admiral Kouznetsov
Fire on the russian aircraft carrier Admiral Kouznetsov
L’incendie survenu le 12 décembre sur le chantier de l’unique porte-avions russe, l’Amiral Kouznetsov, illustre malheureusement le mauvais état de la marine de Moscou, plus encore de sa construction navale, et la difficulté récurrente pour l’amirauté à développer une force aéronavale crédible. « On effectuait le remplacement de l’équipement électrique à bord du bateau. Lors d’une soudure, une étincelle est tombée dans une cale où se trouvait du carburant », a expliqué le président de l’entreprise publique russe United Shipbuilding Corporation (USC) en charge du chantier. Il y aurait une dizaine de blessés dont un grave.
Ce porte-avions à propulsion conventionnelle a été mis sur cale en 1982 dans un chantier ukrainien. À défaut de catapultes dont les Soviétiques ne maîtrisaient pas la technologie, il fut doté d’une rampe à la proue de type Sky jump autorisant un décollage des avions embarqués à une vitesse moins élevée mais limitant le rayon d’action opérationnel. La construction du navire fut directement impactée par la chute de l’URSS. Son lancement est intervenu en 1990 et il ne fut mis en service qu’en 1995. Sa mise au point fut laborieuse avec des obsolescences initiales jamais réellement effacées.
Le navire est stationné à Mourmansk en mer de Barents et ses déploiements opérationnels ont été limités. Le plus spectaculaire est intervenu à l’automne 2016 avec une projection en Méditerranée orientale après un transit en Manche très observé en particulier à cause de l’impressionnant panache de fumée lié à sa motorisation. Durant cette mission, il a perdu 2 appareils – les pilotes étant sains et saufs –, traduisant la faible capacité opérationnelle du navire. Le 1er – un MiG-29 – faute de carburant après avoir été mis en attente suite à un problème de brin d’arrêt et le second – un Su-33 – après la rupture d’un brin d’arrêt. Son groupe aérien est constitué de MiG-29 et de Su-33 navalisés et de différents hélicoptères Kamov.
En 2017, il avait été décidé de le moderniser d’autant plus que les projets de nouveaux porte-avions se limitaient à des maquettes ou à des vues d’artistes. Le 30 octobre 2018, alors qu’il était à sec dans un dock flottant à Mourmansk, son pont d’envol a été gravement endommagé par une grue quand le dock a coulé suite à une panne électrique. La question s’était alors posée sur la poursuite de cette rénovation concernant la propulsion, les radars et les systèmes de protection.
L’incendie d’hier va relancer le débat sur l’opportunité d’un tel chantier, d’autant que ce type d’incident n’est pas rare en Russie. L’image politique est désastreuse pour la marine qui a connu cet été la perte d’un sous-marin expérimental avec 14 officiers. Il est toutefois difficilement concevable pour la Russie de Poutine de ne pas posséder de porte-avions, même à la faible efficacité opérationnelle.
Les difficultés du Kouznetsov contrastent par ailleurs avec son sister-ship, l’ex-Varyag, racheté par les Chinois et qui a été entièrement rénové et navigue sous le nom de Liaoning, permettant à la marine chinoise de faire l’apprentissage avec succès de l’outil aéronaval embarqué.
Publié le 13 décembre 2019
Jérôme Pellistrandi