En Palestine, juifs et musulmans ont pendant des siècles vécu ensemble avec harmonie. Lors du partage décidé par l’ONU dans sa résolution du 29 novembre 1947, votée entre autres par l’URSS en deux territoires distincts, l’un arabe, l’autre juif, Jérusalem devant constituer un corpus separatum, cette cohabitation s’arrêta brutalement. Il s’ensuivit une série de guerres israélo-arabes, 1948-1949, 1956, Six Jours en 1967, du Kippour en octobre 1973, sans parler des incursions israéliennes au Liban (1978, 1982, 2006) ou les différentes intifada, dont la première éclata en 1987. Si l’on fait remonter l’antagonisme judéo-arabe/palestinien aux révoltes de 1930 contre les conclusions de la Commission Peel, qui préconisait une ébauche de partage, on peut bien parler d’une guerre de Cent ans ! Juifs et arabes sont-ils condamnés à une guerre sans fin ?
Sous l’Empire ottoman (1516-1917), ils vivaient pacifiquement à l’intérieur du cadre défini par la charia. Vers la fin du XIXe siècle, ces traditions de vie commune disparaissent peu à peu avec l’arrivée des premiers colons sionistes, stimulés par les écrits de Théodore Herzl et les premières organisations sionistes. La période du mandat britannique (1918-1948), qui faisait suite à la déclaration Balfour qui accordait au mouvement juif la promesse de création d’« un foyer national » transforme les relations entre les deux communautés et sème les germes du conflit meurtrier qui déchire le pays.
En puisant dans les archives des minutes du tribunal islamique de Jérusalem, Amnon Cohen, professeur à l’Université hébraïque de Jérusalem, retrace l’histoire de la Palestine depuis la conquête du territoire par les Arabes musulmans au VIIe siècle jusqu’à la création de l’État d’Israël le 14 mai 1948 au musée de Tel Aviv, le commissaire britannique s’étant retiré dans la nuit précédente. Sans parti pris, il démontre qu’en prenant la voie du compromis au lieu de la confrontation, la coexistence entre juifs et arabes pourrait être rétablie. Mais le chemin en sera long et ardu, car les crispations des deux camps sont profondes et la conjoncture régionale n’incite guère à l’optimisme. La récente disparition de Shimon Pérès, un des rares hommes d’État, israélien, appartenant à la génération des pères fondateurs, qui croyait en la paix et la réconciliation des peuples israélien et palestinien, démontre, à l’envi, que peu d’hommes de sa stature et avec ses idées sont prêts à prendre sa nécessaire relève. Aussi les quatre siècles de coexistence harmonieuse entre Juifs et Arabes sous l’égide de l’empire ottoman doivent être considérés comme un âge d’or, malgré ses nombreuses ombres, qui n’est pas prêt de se reproduire.