Les cartes sont présentes quotidiennement dans les journaux, les médias, pour décrire la genèse et le déroulement des conflits, l’impact des changements climatiques, les flux migratoires, les espaces économiques, comme le résultat des élections. Au point que l’on puisse dire qu’il n’y a pratiquement plus de géopolitique, de géoéconomie ou de géostratégie sans cartes. Si la Grande-Bretagne a ravi le Canada à la France au XVIIIe siècle, cela est dû en partie grâce à l’excellence des cartes de James Cook, le plus prestigieux des navigateurs de l’histoire.
Le mot carte a envahi notre langage, carte mentale, des relations, du génome… La carte invente le monde, compte rendu d’un riche colloque qui s’est tenu à Lille durant l’année universitaire 2015-2016, fait utilement le point sur la question. Toute carte révèle à la fois ce que cache le monde, mais surtout comment les différents acteurs se le représentent, y projettent leurs désirs et objectifs. Un conte chinois rend compte de leur effet magique. Un empereur avait demandé à ses cartographes de lui fournir une carte de son empire aussi exacte que possible. Toujours mécontent de leur taille qui pourtant était impressionnante, il en demandait de plus en plus grandes, et fut satisfait qu’au vu d’une carte dépassant les limites de son empire !
La carte est donc miroir du monde, et miroir des hommes. Elle est bien entendu objet de pouvoir. Depuis l’Antiquité, lorsque les Grecs pensaient le monde dans un cercle, forme parfaite et rassurante, la cartographie s’est enrichie de nombreux apports. Héritière du savoir antique, la cartographie arabe progresse par la multiplicité des thèmes abordés (politique, économique, climatique). Les informations fournies par les premiers navigateurs permettent la confection des premiers atlas (Mercator, XVIe siècle). L’utilisation des mathématiques aux XVIIe et XVIIIe siècles a permis des mesures plus précises. Carte, support de l’exploration et de la conquête des territoires, carte géologique, une recherche en profondeur, cosmographie, se représenter le ciel et l’univers que d’utilisations, de points de vue, de façons de décrire notre environnement immédiat et lointain. On trouvera dans ce livre, des éléments de topographie et de géométrie, de géologie, on se familiarise avec les techniques de projection, de génétique et de paléogénomique.
Au-delà de ces aspects mathématiques et géométriques, parfois trapus, on sort de la lecture de ces différentes contributions abondamment illustrées, comme il se doit, doté d’une perception nouvelle des territoires et de leurs différents enjeux. Les cartes ont un double pouvoir, celui de l’apparente synthèse d’une complexité visuelle et la force de paraître neutres : elles imposent un point de vue sans que le destinataire de l’image produite soit pleinement conscient du biais qu’on lui présente. Un autre défi qui s’est présenté très tôt aux cartographes est celui de la mobilité : comment sur un support par nature statique, rendre compte du mouvement, du temps et de l’espace. D’où les cartes isochrones qui permettent de voir jusqu’où on peut aller dans un temps imparti à partir d’un ou plusieurs lieux. Les cartes à trois dimensions, permettent de présenter un individu ou des groupes dans leur mouvement à travers le temps. Que de chefs de guerre eurent aimé d’en posséder, de précises et multiples. À ce titre d’exemple, mentionnons le fait qu’après sa victoire de Iéna, en 1806, Napoléon emprunta, pour se rendre à Potsdam au château de Sans-Souci afin d’y dormir dans le lit du grand Frédéric, l’exact tracé de l’actuelle autostrade reliant Nuremberg à Berlin. Aujourd’hui, le développement d’interfaces informatiques actives, celui des cartes animées, et l’automatisation des données, offrent des perspectives quasi illimitées. On est loin des cartes marines de Christophe Colomb en partance pour Cipango.