
Paradoxalement, si la guerre en Ukraine a fait émerger l’importance des drones dans toutes ses formes, allant de l’engin d’observation à la munition Kamikaze, l’emploi des drones n’est pas une nouveauté et l’Armée de terre est engagée depuis plusieurs années dans un processus de montée en puissance autour du drone.
C’est ce que retrace ce livre écrit par un officier de l’Armée de terre, le colonel Le Viavant, chef de corps du 61e Régiment d’artillerie, déployé sur l’ancienne base aérienne de Chaumont-Semoutiers (Haute-Marne). Le 61e RA est, à ce titre, porteur d’une très grande expertise sur l’emploi des drones de reconnaissance, et ce avec une expérience de plus de soixante ans. Au départ, il s’agissait d’engins dérivés des engins cibles et qui portaient des appareils photographiques. Aujourd’hui, le 61e RA met en œuvre aussi bien des microdrones tenant dans la paume de la main que le nouvel engin Patroller dérivé d’un motoplaneur et dont l’envergure atteint les 18 mètres.
Le récit du colonel Le Viavant porte sur l’engagement en Afghanistan où des petites équipes de « dronistes » se sont succédé pour apporter une aide désormais indispensable à l’engagement. Loin des images virtuelles en 3D et d’un univers de jeu vidéo, il s’agissait de recueillir le renseignement indispensable à chaque mouvement ou opération d’un élément tactique français et allié, quelle que soit la météo, dans la chaleur ou la poussière, voire dans le froid des montagnes, avec l’ardente nécessité de pouvoir identifier notamment les éventuels Taliban hostiles ou les populations civiles au milieu desquelles évoluaient les combattants qui harcelaient nos forces. À l’époque, l’auteur est capitaine et partage cette mission encore mal connue et dont l’intérêt pouvait interroger surtout au regard de la fragilité des engins utilisés. Toutefois, le principe tactique « qui tient les hauts, tient les bas » justifie pleinement l’emploi de ces « jumelles volantes ». D’autant plus que l’adversaire était maître de se fondre dans le paysage montagneux et de se dissimuler au regard de nos unités.
Ce récit est absolument passionnant et préfigure ce que l’on appelle aujourd’hui la « guerre des drones » dont l’Ukraine, mais aussi Gaza ou le sud-Liban en sont les champs d’opération. Il n’est plus envisageable désormais du moindre déploiement dans une zone hostile sans avoir recours aux drones pour acquérir le renseignement, identifier les menaces puis les traiter.
Et il est vrai que l’usage des drones dans nos forces a fait l’objet de nombreux débats et interrogations quant à leur efficacité opérationnelle. Les actuels programmes de munitions télé-opérées en cours de développement traduisent cette accélération et cette prise de conscience. Le livre de Pierre-Yves Le Viavant vient ici démontrer que l’Armée de terre s’est emparée du sujet et que plus de 10 ans après les faits relatés dans l’ouvrage, le drone est d’usage quotidien pour nos forces.
À cela s’ajoute la dimension humaine bien relatée par l’officier avec la tension qui règne au sein du groupe lorsqu’il est déployé en appui pour obtenir le renseignement mais aussi cette cohésion des soldats loin de leurs foyers mais totalement engagés dans cette mission déjà indispensable.
C’est la raison qui a vu l’association des écrivains combattants remettre son prix 2024 au colonel Le Viavant pour ce récit montrant un nouvel axe d’engagement pour l’Armée de terre tout en soulignant cette dimension humaine absolument indispensable pour réussir la mission.
Avec ce prix, c’est à la fois la reconnaissance pour un officier qui a pris le temps de la plume, mais aussi pour les soldats de son unité engagée en Afghanistan. Tout en montrant une Armée de terre en pleine mutation de ses moyens tout en étant fidèle à ses traditions combattantes.