La composante nucléaire aéroportée française, incarnée dans les Forces aériennes stratégiques (FAS), est, depuis 1964, un pilier fondamental de l'expression de la puissance française. Elle est un élément central et fédérateur du développement de l'Armée de l'air.
Composante nucléaire aéroportée : une dynamique d'excellence
Une composante aéroportée définie au « juste besoin nucléaire »
Les forces aériennes nucléaires sont composées de ressources définies selon le principe de « stricte suffisance » et dimensionnées au « juste besoin nucléaire » : redéfini en 2008, il a conduit notamment au sein de l’Armée de l’air à la réduction de trois à deux escadrons de chasse nucléaires. Ces forces permettent d’infliger des dommages inacceptables à tout acteur qui s’en prendrait aux intérêts vitaux de la nation. Le caractère permanent de la dissuasion nucléaire française et les délais de réaction imposés nécessitent de conserver un volume de ressources dédiées (équipages, avions, soutien technique) et d’environnement (protection, accompagnement du raid) nécessaire à la réalisation de la mission. Ce contrat permanent de la dissuasion nucléaire engage ainsi l’ensemble de l’Armée de l’air et revêt la plus haute priorité.
La dynamique engendrée par la composante nucléaire aéroportée
La composante nucléaire aéroportée se caractérise par son aptitude à intervenir, en permanence, dans des délais très brefs. Pour ce faire, elle dispose d’atouts intrinsèques de premier plan. Elle offre une grande souplesse dans ses modes d’actions et une grande précision de frappe. Face à une possible atteinte à nos intérêts vitaux, cette diversification des modes d’action crédibilise au plus haut point la dissuasion nucléaire.
La réussite de la mission nucléaire requiert des savoir-faire opérationnels les plus exigeants. Compte tenu des implications internationales, des distances à parcourir, des menaces rencontrées et de la précision exigée des frappes, les compétences des équipages sont parmi les plus élevées.
La nécessaire rigueur et l’obligation de sûreté sont les fondements d’un « esprit de corps » qui sert de base à toute action des Forces aériennes stratégiques (FAS).
Depuis 1964, année de la première prise d’alerte nucléaire par un Mirage IV armé, la mission de dissuasion nucléaire a favorisé l’émergence non seulement de savoir-faire spécifiques opérationnels mais également techniques.
L’autonomie d’emploi, indispensable à la dissuasion, a nécessité le développement de moyens spécifiques, durcis et souvent innovants, pour garantir une efficacité opérationnelle totale. Ainsi, les contre-mesures électroniques mais aussi, le système de navigation, et la fonction de suivi de terrain automatique ont résulté d’études poussées qui ont crédibilisé la composante et garanti sa fiabilité opérationnelle. Ces capacités ont naturellement été déclinées au profit des moyens assurant les missions conventionnelles de l’Armée de l’air (suivi de terrain du Mirage 2000D, moyens de guerre électronique). Il en va de même des moyens de communications qui, eux aussi, ont une obligation de robustesse et de performance ; cela a profité également à l’amélioration du niveau de l’ensemble des communications aéronautiques.
La mission de dissuasion est également un catalyseur d’excellence des compétences industrielles et technologiques participant à la BITD (Base industrielle et technologique de défense). Certains programmes majeurs développés au profit des FAS (vecteur et effecteur) ont pu se décliner dans des systèmes duaux au profit de l’armée de l'air. Par ailleurs, compte tenu de la nature même des programmes engagés, certaines compétences ont dû rester strictement nationales. Ainsi, l’effort financier consacré à ces filières d’excellence a bénéficié ensuite à d’autres développements industriels d’ampleur. Sont plus particulièrement concernés les secteurs de la propulsion (maîtrise de la technologie statoréacteur), de l’aérodynamique (le domaine de vol allant des plus basses aux plus hautes altitudes), des environnements mécaniques et thermiques extrêmes des missiles supersoniques à longue portée, de la pénétration d’objectifs durcis et très défendus ou encore le durcissement des électroniques vis-à-vis d’agressions nucléaires.
Un pôle d’excellence nucléaire reconnu dont le caractère prioritaire doit toujours être préservé
Le processus de certification nucléaire de nos nouveaux systèmes nucléaires militaires (Rafale/missile ASMPA) s’est appuyé sur un savoir-faire unique et a été couronné de succès. La modernisation des forces aériennes stratégiques a mis en exergue, une fois encore, la maîtrise nucléaire du personnel de l’Armée de l’air et le maintien de ses compétences en la matière. Ce savoir-faire, en matière de mission nucléaire aéroportée, est assez rare et reconnu. Il convient de souligner que toute perte de compétence dans le domaine très spécifique du nucléaire porte immédiatement atteinte à la crédibilité de l’outil et nécessite des mesures de grande ampleur pour reconstruire ces savoir-faire. Un de nos alliés en a fait l’amère expérience lorsque, sous la pression des engagements extérieurs des vingt dernières années, ses unités délaissèrent la préparation opérationnelle à la mission nucléaire au profit de leur mission conventionnelle. L’Armée de l’air française affirme de son côté la préservation absolue de la priorité à la mission de la dissuasion nucléaire.
Des aptitudes indéniables aux missions conventionnelles dans la limite offerte par le contrat de dissuasion
Pour autant, les équipages des forces aériennes stratégiques ne sont pas strictement cantonnés dans la mission nucléaire. Si celle-ci demeure le fondement de la préparation opérationnelle, l’emploi des équipages dans une autre mission est facilitée par la polyvalence de l’avion et offre au chef militaire une diversification des capacités dans le domaine conventionnel. C’est aussi le cas pour la flotte d’avions ravitailleurs qui fournit tous les jours et sous toutes les latitudes un soutien aux avions de combat français voire alliés. Demain, avec la mise en service du MRTT (Multi Role Tanker Transport), cette capacité sera encore améliorée.
Les Forces aériennes stratégiques savent contribuer à la réalisation de contrats conventionnels de l’Armée de l’air en fournissant un vivier d’équipages d’une qualité rare participant à la mise en œuvre de la puissance aérienne en opérations. Cette utilisation de moyens humains et matériels dédiés à la mission de dissuasion nécessite un choix spécifique au regard de l’appréciation de la situation géopolitique du moment qui est faite par l’autorité politique. Elle ne peut être envisagée de manière systématique.
L’analyse des derniers conflits montre que, lorsque cela est possible et dans la limite offerte par le contrat de dissuasion, les forces aériennes stratégiques sont parfaitement adaptées pour participer, dès les premières heures et dans la durée, aux missions conventionnelles. Elles permettent ainsi à l’ensemble des acteurs de l’opération de bénéficier de leurs remarquables expertises tactiques et techniques acquises au travers de leur préparation initialement dévolue à la mission nucléaire. ♦