Les armées font face à des défis opérationnels et organiques complexes dont les solutions n’appartiennent pas au seul registre militaire. Cette institution, comme la société civile, gagnerait à favoriser le service temporaire d’officiers auprès de partenaires privés ou de l’administration civile afin de favoriser la connaissance mutuelle et de gagner en efficacité. Or, les militaires ne représentent aujourd’hui qu’une frange marginale des effectifs totaux des agents publics. Des statuts trop différenciés dans leurs modalités, notamment, restent un frein aux échanges. Sous contrainte d’effectif, les armées doivent conduire une politique de gestion volontariste pour satisfaire cette ambition d’interaction. Cette démarche impose de définir un modèle de ressources humaines strictement adapté aux besoins militaires, permettant alors de viser une plus grande ouverture.
Pour un service des officiers hors les murs
Les discours parfois tenus par quelques grands chefs militaires sur le nombre excessif de colonels que compteraient les armées peuvent interpeller. Ces dernières font en effet face à des opérations de plus en plus complexes et peinent à rayonner à bon niveau dans la société civile, tâches dans lesquelles les colonels sont indispensables. Ces officiers supérieurs ont en outre tendance à se faire évincer de certains domaines techniques dans lesquels ils disposent pourtant des compétences requises. Enfin, fait accablant et paradoxal, nombre de colonels ou équivalents ont dû être arrêtés ces dernières années pour cause de surmenage.
La raison d’être d’un militaire reste l’engagement opérationnel, mais la question du bon emploi des officiers supérieurs se pose, dans un cadre marqué à la fois par la remontée en puissance des moyens militaires en réponse aux attentes de la Nation et par le contexte concurrentiel dans lequel évoluent les armées au sein de la société française en termes de recrutement et de fidélisation.
Ce constat, habituellement limité au ministère des Armées (1), mérite d’être élargi. La variété et la complexité croissante des engagements opérationnels nécessitent d’accroître les compétences et de tirer bénéfice des perspectives croisées d’une approche plus globale. Les problématiques de sécurité intérieure et extérieure s’interpénètrent. La prégnance du politique dans les opérations et les contributions interministérielles sont notables. Elles illustrent le bien-fondé de penser au-delà du cercle strictement militaire. En s’appuyant sur une approche statutaire complémentaire de celle limitée à l’évaluation des besoins, un emploi élargi des officiers permettrait de tirer des bénéfices et des plus-values, tant pour la société que pour les armées.
Ce plaidoyer pour un retour à une approche plus ouverte de l’emploi des officiers entend être une contribution à la réflexion générale des armées sur leurs ressources humaines, après la période actuelle de centrage sur « le cœur de métier » des officiers d’une armée devenue professionnelle. Il souligne dans un premier temps les bénéfices à tirer de rapprochements entre le monde militaire et la société civile. Il précise ensuite la place des militaires dans l’appareil d’État et les adaptations statutaires nécessaires pour limiter les exceptions aux seules dispositions liées à la singularité militaire. Il termine en suggérant de poursuivre l’adaptation du modèle des Ressources humaines (RH) en suivant les besoins réels des armées, ce qui lui donnera non seulement la souplesse nécessaire pour répondre aux enjeux visibles mais aussi l’attractivité indispensable à la satisfaction des besoins.
Des expériences croisées au bénéfice des armées, de la Nation et de l’État
Des engagements opérationnels dépassant le seul cadre des armées
Les engagements militaires actuels, pour être de faible intensité, se caractérisent par des changements d’amplitude des conflits. Ils s’étendent sur de nombreuses années, se comptant souvent en décennies. Cette durée nécessite d’organiser la soutenabilité des opérations et de mobiliser au-delà des seules forces militaires. Par ailleurs, les opérations s’intensifient avec le développement de stratégies d’affirmation de puissance dans de nouveaux espaces de conflictualité. Les théâtres d’opération s’avèrent de plus en plus étendus, nécessitant de relever le niveau d’ambition de nos forces. Enfin, les affrontements appartiennent moins que jamais au seul registre militaire, les actions étant également conduites dans les champs de l’information, de l’idéologie, ou encore du financement.
La stabilisation des zones de crises nécessite l’implication d’acteurs extérieurs au ministère des Armées, avec lesquels les militaires doivent collaborer. Outre une coopération apprivoisée avec les diplomates, la réussite de la mission Barkhane dépendra de la mise en œuvre d’un volet de développement que la force militaire doit accompagner et appuyer. La participation des militaires dans l’opération Sentinelle et leur implication sur le territoire national depuis les attentats de 2015 représentent autant d’enjeux de coordination avec les forces de sécurité intérieure et avec les autorités préfectorales. Les soldats doivent appréhender les problématiques spécifiques au territoire national dont le cadre légal, très différent de celui d’un théâtre d’opération, n’est pas des moindres.
Aucune opération militaire ne peut faire l’impasse d’une réflexion sur la perception différente qu’en ont les militaires et les politiques. Il s’agit de « dépasser la perception qui conduit à des visions caricaturées les uns des autres et à des incompréhensions préjudiciables au succès des interventions » (2). Toute coopération interministérielle sur un théâtre d’opération entraîne une nécessaire coordination des chaînes hiérarchiques respectives et des acteurs publics concernés. Appréhender les organisations et les problématiques particulières et connaître les circuits de décision de chacun de ces acteurs contribue directement à l’efficacité opérationnelle. C’est dans cette optique que quelques officiers sont employés au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères ou encore au ministère de l’Intérieur.
Enfin, le développement de technologies de pointe ne dépend plus seulement de l’État comme ce fut le cas par le passé. Le secteur de la défense a, de tout temps, été très ouvert à l’innovation et le ministère des Armées est un des rares à investir dans la recherche et le développement. L’utilisation de nouvelles technologies à des fins militaires constitue un fort levier de développement de nouvelles techniques, voire de nouvelles doctrines. Nombre de ces technologies sont aujourd’hui développées de manière duale, c’est-à-dire permettant des applications militaires comme civiles.
Des ponts entre l’institution militaire et les secteurs industriels de recherche et de technologie existent déjà et se renforcent. C’est le sens des allers-retours consentis, et aujourd’hui même encouragés en début de carrière, dans les parcours des ingénieurs de l’armement entre la Direction générale de l’armement (DGA) et le secteur privé.
Ainsi, tant pour satisfaire des besoins opérationnels que de développement de nouvelles technologies, le service individuel de militaires hors du ministère des Armées apparait-il dès aujourd’hui comme un atout de fonctionnement. Pour autant, ces « mobilités externes » sont trop rares alors que de tels dispositifs pourraient également profiter aux organismes d’accueil.
Des compétences militaires complémentaires et utiles à la société civile
Les militaires, et particulièrement les officiers, placés au contact de la société civile contribuent à faire partager des compétences spécifiques et à faire rayonner des valeurs particulières. Comme a pu l’écrire Pierre Dabezies (3), lui-même ancien officier de carrière, il ne s’agit pas d’expliquer que le fonctionnement militaire constitue une solution à tous les problèmes de notre société. Il s’agit plutôt de souligner combien une expérience militaire, complémentaire de compétences techniques reconnues, peut apporter une contribution précieuse parmi une diversité d’approches, tant au sein d’institutions étatiques que d’organismes privés.
L’Armée de terre a récemment édité au profit du grand public un ouvrage consacré à l’exercice de l’autorité, concept qu’elle traduit dans les termes de commandement et de fraternité (4). Elle y proclame que « se rapprocher de la Nation, c’est aussi tenter parfois d’en être l’inspiratrice » (5). Elle considère qu’elle peut « proposer sa philosophie de l’autorité, au-delà de ses propres rangs, à tous ceux qui ont la responsabilité de commander aujourd’hui : chefs d’entreprise et managers, éducateurs et professeurs, personnel d’encadrement professionnel, leaders politiques et bien d’autres. [Cette philosophie peut] utilement servir à l’enseignement de l’autorité dans les établissements publics ou privés de formation de cadres, de tous niveaux et de toutes générations » (6). L’orientation prise pour l’emploi de cadres militaires expérimentés en formation des encadrants du futur service national universel est une confirmation de cette dimension des armées s’il en était besoin.
L’officier est par essence, pour employer un terme générique, un manageur. Même si l’armée moderne est de haute technologie, le facteur humain reste primordial dans l’action militaire car celle-ci, on l’a vu, est par essence collective. C’est la raison pour laquelle la formation au commandement et la capacité à développer les forces morales restent au cœur des préoccupations des chefs militaires. Ces aspects sont déclinés tant dans la vision du Chef d’état-major des armées (Céma) (7) que dans les principes de commandement de l’Armée de terre (8). Tout officier est formé pour commander des hommes, quand bien même son emploi serait plus technique et non pas orienté vers le commandement direct. Le chef militaire est ainsi reconnu comme un individu qui maîtrise les ressorts du management. Dans une société française confrontée à la défiance de ses élites, alors que le management est régulièrement qualifié d’inadapté, cet aspect du parcours professionnel des cadres est aujourd’hui utilement exploité au moment de la reconversion.
L’officier est aussi un planificateur et un organisateur. Chef du temps de guerre, il l’est également en temps de paix, régulièrement chargé de diriger la préparation des futures opérations. Il doit souvent conduire d’indispensables transformations pour répondre à l’impératif permanent d’adaptation. Formé à la planification et à la nécessité de donner du sens à l’action, il sait concevoir une transformation, l’organiser et l’expliquer, la conduire et l’accompagner. Il est somme toute un planificateur professionnel dont l’expertise pourrait être exploitée dans les centres ministériels de crise. Si une circulaire récente (9) du Premier ministre définit une organisation des centres de crise et pose des balises méthodologiques pour tous les ministères, l’emploi des acteurs de ces centres, servant le plus souvent en renfort, nécessite des actions de formation permanentes et l’utilisation de méthodes de travail éprouvées.
L’officier est un expert des rapports de force. Sa formation et son expérience opérationnelle le poussent naturellement à s’impliquer dans les problématiques de défense. Il aborde le sujet à la fois dans le contexte de contraintes locales, toujours spécifiques, mais aussi en se projetant dans le temps et dans l’espace. Il s’ouvre naturellement à une approche plus large le conduisant à s’interroger sur les problèmes de société et à se projeter dans l’avenir en restant attentif aux lignes de force des évolutions d’une situation. Quel que soit son environnement, il contribue à apporter une réflexion dans le domaine de la sécurité et de la défense, y compris dans le secteur privé. À cet égard, on note une évolution intéressante depuis les attentats de 2015 : l’embauche dans de grands groupes privés d’anciens officiers généraux de haut rang comme membres du comité exécutif de groupe s’est développée. Elle souligne non seulement le souhait de recruter des compétences mais également de disposer d’une « conscience sécuritaire », liée au contexte terroriste, visant à rassurer les conseils d’administration (10).
L’officier est porteur de valeurs qu’il a mises en application tout au long de son parcours professionnel. Pour se préparer à l’engagement opérationnel, pour préparer ses subordonnés à l’action militaire, pour accepter le risque de donner la mort et de la recevoir, le chef militaire a été amené à réfléchir et à construire une éthique propre s’appuyant sur une déontologie de valeurs. Ces éléments peuvent être porteurs de sens dans des structures civiles qui en sont parfois dépourvues.
Enfin, l’expérience opérationnelle et l’entraînement contribuent à développer les forces morales des individus et la conscience de la nécessité d’une résilience collective. Forgé par un parcours professionnel alternant des postes « sur le terrain » et des emplois d’administration centrale par une mobilité imposée, l’officier a la capacité de rapprocher les problématiques de haut niveau des réalités du terrain. Son expérience et sa légitimité ont été forgées car il a été confronté à différents niveaux de responsabilité, à la complexité de l’environnement et de la nature humaine. Il a dû développer un savoir être permettant de s’imposer par son état d’esprit, son intelligence de situation ou ses compétences. Il peut donc en faire bénéficier son organisme d’appartenance, qu’il soit militaire, ou plus largement institutionnel, voire privé, dans une société dont la capacité de résilience est interrogée.
Ainsi, au-delà de compétences techniques acquises au long d’un parcours professionnel déroulé au sein du ministère des Armées, les contributions que les militaires, en général, et les officiers, en particulier, peuvent apporter au gré d’affectations ponctuelles dans des organismes extérieurs pourraient être davantage valorisées.
Le nécessaire développement du travail en réseau
L’appréhension des sujets de préparation de l’avenir relève des responsabilités du haut commandement militaire. Le ministère des Armées n’est certes pas le seul, mais un de ceux qui pratiquent le plus couramment la prospective. Or, la complexité des perspectives technologiques et opérationnelles qui se posent aux armées, telle que vue précédemment, n’autorise plus à travailler au sein du seul monde de la défense. Elle nécessite davantage de transversalité tant les problématiques sont interconnectées. À l’avenir plus qu’aujourd’hui, les solutions aux questions militaires n’appartiendront pas au seul ministère des Armées. Les exemples des nouveaux terrains de conflictualité tels que le cyberespace et l’espace exo-atmosphérique montrent la nécessité de proposer de nouveaux modes d’organisation. Pour autant, les solutions ne satisferont les armées que si elles ne contreviennent pas à l’identité militaire, dans sa singularité comme dans ses besoins opérationnels spécifiques.
Il appartient donc aux militaires de disposer d’une capacité à peser sur les décisions interministérielles en matière d’innovation. Tout ne sera pas traité au sein du ministère ; encore faut-il que les armées disposent de relais au sein des différentes institutions. Ainsi, une plus grande implication des militaires dans la concertation préalable aurait peut-être permis une meilleure gestion du dossier de la directive (11) de l’Union européenne relative à la limitation du temps de travail applicable à tous les salariés y compris les militaires. La Constitution de la Ve République et le statut général des militaires imposent pourtant une disponibilité en tout temps et en tous lieux à ces derniers.
Les armées doivent donc apprendre à davantage travailler en réseau, bien au-delà de leur périmètre ministériel. Ce mode de fonctionnement est aujourd’hui appliqué de manière assez limitée et paraît même contraire aux penchants naturels des armées. Le célèbre triptyque « un chef, une mission, des moyens » reste remarquablement adapté à l’engagement opérationnel. Son application par les armées dans un champ plus large souligne bien l’habitude de traitement en propriétaire des sujets à gérer. Elle tend à concentrer les moyens en interne au détriment de relais hors du ministère.
Or, le travail en réseau est un mode de fonctionnement courant des corps de l’encadrement supérieur de l’État et en particulier du corps des administrateurs civils. Ce dernier est par essence interministériel, et la mobilité entre ministères est partie intégrante du parcours de carrière de ses membres. En outre, la majorité d’entre eux est issue de l’École nationale d’administration (ENA), qui fait fonction de creuset naturel et favorise l’établissement de réseaux de travail.
Afin de tirer bénéfice des croisements de compétences évoquées, il devient crucial pour les armées de s’organiser et de mettre en œuvre un mode de fonctionnement qui leur permette de davantage interagir avec le reste de la fonction publique. Les officiers servant en « mobilité externe » pourraient ainsi être davantage pilotés et mis à profit par les armées. Au surplus, ces officiers détachés dans d’autres ministères le sont le plus souvent aux frais de celui d’origine puisqu’ils restent soldés par les armées, contrairement aux règles normales de mobilité externe de la fonction publique.
La place des militaires dans l’appareil d’État
La fonction militaire, une très faible proportion de la population des agents publics
La fonction publique relève de dispositions communes précisées dans une loi déjà ancienne portant droits et obligations des fonctionnaires (12). En raison de dispositions légales et réglementaires distinctes, elle est scindée en trois groupes distincts : fonction publique d’État, fonction publique territoriale et fonction publique hospitalière. En marge de ces dispositions, n’étant pas incluse dans la fonction publique, la fonction militaire relève du statut général des militaires. L’étude des effectifs illustre la baisse relative du poids des militaires au sein de l’appareil d’État. Détaillée en annexe, cette évolution révèle que la fonction militaire ne représente plus, en 2015, que 4 % des effectifs publics, soit trois fois moins qu’en 1980. Si l’on peut raisonnablement estimer que cette proportion est aujourd’hui stabilisée en raison de la fin des déflations d’effectifs militaires comme de la fin de la hausse des effectifs publics civils, il convient de réaliser que la fonction militaire ne représente plus qu’une très faible part du personnel employé par l’État.
Au-delà de cet aspect quantitatif, un récent décret (13) a pour objet, d’une part, de confier à la Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) le rôle de direction des ressources humaines de l’État, et, d’autre part, de renforcer les attributions dans chaque ministère du responsable ministériel des RH. À l’exception de spécificités admises comme intrinsèquement liées à la singularité du métier militaire, il est prévu par la loi que les principes d’évolution de la fonction militaire répondent aux mêmes canons que ceux de la fonction publique. Conformément à l’article L.4132-1 du Code de la défense « Toute mesure de portée générale affectant la rémunération des fonctionnaires civils de l’État est, sous réserve des mesures d’adaptation nécessaires, appliquée avec effet simultané aux militaires » (14). Dès lors, l’incompréhension générée par l’éventail de plus de 150 primes du régime de rémunération du personnel militaire est à mettre en regard avec la rationalisation opérée lors du passage au régime indemnitaire des catégories civiles (15).
Distinguer fonction militaire et fonction publique est, certes, une réalité légale et réglementaire, mais la pratique tend à montrer que des modes de gestion faisant exception ne sont bien compris que lorsqu’ils sont bornés aux obligations spécifiques de ceux qui portent les armes. Il convient donc de préciser ce que recouvre la singularité militaire.
Limiter la singularité militaire au strict besoin
Concept très ancien, la singularité militaire a été explicitée dans la Vision stratégique du Céma publiée en 2018 (16). Un système spécifique de gestion des RH lui a toujours été lié. L’engagement au combat demeure la finalité des armées : le soldat peut avoir à donner la mort ou à la recevoir, non pas fortuitement dans le cadre de sa mission, mais volontairement pour l’accomplir. De cette réalité intangible découle la spécificité militaire qui s’articule autour de l’individu, de son action dans le milieu qui est le sien et du déroulement d’un cursus professionnel adapté.
Pour autant, le soldat est avant tout un citoyen issu de la société civile qui ne fait donc pas exception aux caractéristiques de la population : diversité des origines sociales et culturelles, variété des niveaux académiques, etc. Les valeurs que le militaire incarne et qui le guident dans l’action ne sont pas innées, mais acquises et développées au sein de l’institution. Les armées intègrent, éduquent, forment et instruisent. Si elles sont capables de s’adapter et de répondre à des défis variés, c’est que l’ouverture d’esprit, le leadership, l’exemplarité fondent une pédagogie dont la finalité reste l’action au service de la collectivité.
Quel que soit le milieu d’engagement, la force collective s’avère toujours d’une efficacité supérieure à celle de l’action individuelle. Le soldat de l’Armée de terre n’agit jamais seul. Le marin ne peut concevoir son action hors du cadre de l’équipage et sans le soutien à terre. Le pilote de l’Armée de l’air n’est rien sans les équipes au sol dans leur diversité. Le succès se fonde sur la force du groupe, sur sa cohésion et sur un juste partage du risque. Les armées constituent une chaîne marquée par le principe de subsidiarité : les opérations sont aujourd’hui menées aux plus bas échelons dans des contextes de plus en plus interarmées, multinationaux et interconnectés, mais toujours aussi exigeants sur les plans physique, moral et éthique. Les combats requièrent de la part du soldat la prise d’initiative, encouragée et valorisée au quotidien dès les premiers grades, et une autonomie réelle qui se conçoit non comme une indépendance, mais comme une responsabilité exercée au sein d’un collectif.
Pour répondre à ces besoins, le système des RH des armées valorise les acquis professionnels et l’expérience. Il se traduit par une forte promotion interne et par la possibilité d’accès à des responsabilités supérieures offerte tout au long de la carrière, ce qui contribue directement à l’épanouissement individuel et à l’attractivité des parcours. D’une manière générale, une première partie de carrière incompressible dans les unités opérationnelles est érigée en principe. Pour les officiers, elle est un apprentissage de la réalité opérationnelle du terrain qui constitue un socle de références. Elle représente surtout une expérience unique de partage avec un encadrement de niveau élémentaire : elle est une prise de conscience de la valeur de chaque soldat, d’une compréhension partagée que rien n’est possible sans le plus modeste, et finalement d’une reconnaissance du rôle indispensable du plus petit dans le groupe. C’est assurément la richesse et la plus grande spécificité sociale des officiers qu’un haut fonctionnaire ne partagera que rarement faute de pouvoir connaître cette expérience. C’est peut-être la raison de décisions moins technocratiques lorsque l’officier occupe des responsabilités plus élevées. Cela alimente la légitimité des chefs militaires et concourt certainement à l’image favorable des armées au sein de la nation.
La singularité militaire doit être préservée à l’heure où la DGAFP affiche une logique de simplification de la gestion des individus par l’harmonisation des pratiques. Cette démarche est spécialement marquée dans les postes d’encadrement supérieur, pour lesquels des expériences variées au sein de différents ministères sont particulièrement valorisées. Il convient donc de prendre conscience du regard porté par la DGAFP sur le système de ressources humaines militaires : si elle s’en inspire parfois (17), il est surtout pour elle source d’incompréhensions lorsqu’il diverge sans raison des pratiques publiques.
La nécessité d’identifier la catégorie des cadres supérieurs et dirigeants
Dans la fonction publique, aucune définition juridique ou usuelle de l’encadrement supérieur ne fait consensus. Les corps et cadres d’emplois sont répartis en « trois catégories désignées, dans l’ordre hiérarchique décroissant, par les lettres A, B et C » (18). Le statut général des fonctionnaires fixe quant à lui deux critères de répartition : le niveau de recrutement et le niveau des missions. Malgré la pratique, il n’existe en fait aucune distinction réglementaire entre les « simples » postes de catégorie « A » de ceux d’une catégorie de cadres supérieurs et dirigeants qualifiés de « A+».
Les évolutions récentes issues de la mise en œuvre du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (19) ont complexifié la distinction entre les catégories « A+ » et « A ». Elles ont rendu obsolètes certaines définitions communément admises. Ainsi, l’échelonnement indiciaire culminant en « hors échelle » n’est plus une spécificité des corps dits « A+ ». Par ailleurs, le niveau de recrutement dans les corps ne paraît pas plus pertinent puisque, s’agissant du concours externe, certains corps « A+ » et « A » exigent le même niveau de diplôme. Enfin, le niveau des missions apparaît également comme peu adapté puisque celui-ci n’est pas toujours clairement défini et que son appréciation varie entre l’administration centrale et l’administration déconcentrée.
La DGAFP réfléchit depuis plusieurs années à officialiser la distinction entre les catégories « A+ » et « A ». Elle ambitionne de mettre en place une politique de gestion cohérente de l’encadrement supérieur des trois versants de la fonction publique afin de construire des parcours de carrière spécifiques pour les cadres supérieurs, plus individualisés et facilitant la mobilité. Il s’agit bien in fine de renforcer l’attractivité de ces parcours.
Cette évolution de la fonction publique civile doit être vue comme une opportunité pour la fonction militaire. En effet, les armées ne peuvent rester en marge de ces réformes qui s’imposeront à elles à court ou moyen terme. Elles doivent décider une évolution des pratiques permettant à des cadres supérieurs et dirigeants d’émerger de leurs rangs. Or, les travaux d’homologie des grades militaires avec les niveaux de responsabilité exercés dans un cadre civil n’ont jamais abouti. Tracer une claire distinction entre les emplois relevant de la catégorie « A+ » et ceux relevant de la catégorie « A » s’est avéré laborieux dans un référentiel peu adapté. Ces tensions illustrent en fait l’existence d’un problème plus technique que véritablement de fond lié à l’existence de mêmes corps statutaires pour satisfaire des emplois équivalents « A » et « A+ ».
Ainsi, d’un point de vue technique, la fonction militaire apparaît aujourd’hui extrêmement minoritaire par rapport à la fonction publique. Sans gommer la singularité de l’exercice du métier des armes et sans viser une harmonisation des modes de gestion, il appartient à la fonction militaire d’adopter des modes de fonctionnement lui permettant d’être mieux comprise par la DGAFP et de s’adapter à des modalités appliquées par l’ensemble de la fonction publique. Faisant exception dans le seul registre de sa singularité, elle pourrait être plus justement représentée au sein des élites de l’État, alors qu’elle court aujourd’hui le risque de se voir délaissée et alors totalement déclassée.
Des adaptations RH à consentir
Des règles communes à trouver dans la recherche d’une saine concurrence
Le statut général des militaires permet de disposer de personnel répondant aux besoins spécifiques des forces armées. Il limite certains droits civiques et exige certaines aptitudes telles que la capacité physique et la faculté à l’autonomie indispensables à l’efficacité d’une armée d’emploi. Il prévoit en contrepartie des compensations afin d’assurer une juste équité de traitement entre les personnels au service de l’État. Il s’agit d’assurer la pérennité de recrutement et de maintien en fonction des militaires. Le statut général des militaires regroupe ainsi des dispositions légales et réglementaires. La DRH du ministère des Armées (DRH-MA) et les services gestionnaires (DRH d’armées) fixent en complément les règles politiques de gestion du personnel. Les armées, rompues à un flux important de gestion en raison de la nature même de leur ressource, ont ainsi développé des systèmes RH satisfaisant globalement les besoins en appliquant des règles équitables et compréhensibles. Si la question de la solde (20) et les problématiques de recrutement et de fidélisation restent des enjeux réels, les armées sont régulièrement primées pour leurs politiques RH (21). Dans les propos du candidat à l’élection présidentielle Emmanuel Macron (22) en 2017, elles ont même paru servir de modèle dans une volonté de réformer la fonction publique en faisant davantage appel à du personnel contractuel.
Pour autant, la gestion du personnel militaire diffère de manière sensible de celle du reste de la fonction publique et de la catégorie des fonctionnaires d’État en particulier. Comme évoqué précédemment, aucun des divers travaux d’homologie de grades conduits récemment par la DRH-MA n’a pu aboutir, ce qui empêche de distinguer spontanément des équivalences. La seule comparaison entre corps civils et militaires arrêtée récemment est celle des corps « A+ ». Elle est définie pour les armées à partir du grade de lieutenant-colonel (et équivalent) tout en fixant une classe fonctionnelle d’emplois du grade de commandant (et équivalent) (23). Par ailleurs, un des principes de gestion RH des futurs chefs militaires, lié à la spécificité du métier, est de débuter à bas niveau de responsabilité afin de détenir une expérience concrète réelle. Cela crée inévitablement des différences en fin de parcours, alors que les carrières militaires sont déjà singulièrement plus courtes que celles des hauts fonctionnaires civils.
Pour la population des militaires de carrière, il apparaît nécessaire d’appliquer des règles compatibles avec celle des fonctionnaires civils avec lesquels les militaires ont la prétention de se mesurer. S’agissant des officiers, la comparaison n’a réellement de sens que pour les grades d’officier supérieur. Les officiers subalternes sont en effet essentiellement employés dans des fonctions opérationnelles, souvent peu comparables avec l’exercice des responsabilités initiales dans les autres corps des fonctions publiques. Même dans les domaines techniques, c’est le contexte d’emploi en situation dégradée qui suggère la nécessité de disposer du statut militaire. Pour la catégorie des officiers supérieurs, il s’agit donc principalement d’établir des comparaisons avec le corps des administrateurs civils.
Le Référentiel interministériel des métiers de l’État (RIME) identifie des compétences applicables à tous les agents selon leur profil, leur formation, leur expérience. Tiré de ce RIME, le Référentiel interministériel des compétences managériales des cadres dirigeants de l’État (24) est mis à jour par la « mission cadres dirigeants » qui dépend du Secrétariat général du gouvernement. Assurément les compétences qui y sont décrites font partie des savoir-faire et savoir être globalement maîtrisés par les officiers des armées, qui font preuve d’une employabilité plus large que le seul domaine d’emploi des forces.
Les armées ont ainsi les moyens de se lancer dans une stratégie de présence accrue en interministériel et plus largement au sein de la Nation dans le but de faire valoir leurs intérêts comme leurs savoir-faire. Elles ont intérêt à un élargissement des possibilités offertes dans les parcours de leurs officiers. Elles doivent aussi s’ouvrir à la compétition et se montrer plus offensives. Cette ouverture serait une source de motivation des officiers dont une partie importante quitte le service actif en cours de carrière et un bénéfice au profit des armées elles-mêmes. Afin de jouer pleinement ce jeu, une nécessaire souplesse reste toutefois à rechercher dans la gestion des ressources humaines militaires, comme l’acceptation d’une certaine réciprocité.
Une souplesse à rechercher dans la gestion RH militaire
De nombreux dispositifs de transfert vers la fonction publique ou le secteur privé existent au titre de la reconversion. Il s’agit d’aide à la reconversion dans des secteurs pour lesquels le personnel militaire ne dispose pas toujours des compétences immédiatement transposables, de transfert vers la fonction publique, ou encore d’emplois d’officiers généraux en deuxième section. Ces dispositifs sont plus ou moins adaptés aux profils et aux attentes des candidats. Leur mise en œuvre s’envisage dans une logique de non-retour dans l’institution militaire. La Promotion afférente au grade supérieur (PAGS) (25) a même été conçue pour que l’individu en ayant bénéficié ne puisse même pas servir comme réserviste. Qui envisagerait en effet qu’un cadre incité au départ et ayant bénéficié d’un pécule (26) en 2013 ou 2014 – en pleine phase de réduction des effectifs – soit à nouveau recruté à la fin des années 2010 – c’est-à-dire en phase de remontée en puissance alors que les armées affichent de forts besoins en personnel expérimenté – sans avoir à rembourser son pécule ? C’est précisément de davantage de flexibilité RH dont les armées ont besoin. Cette souplesse doit bénéficier à la richesse des parcours comme facteur d’attractivité comme à la diversité des profils et des expériences au profit de l’institution. Dans le fond, un pécule d’aide au départ est-il si différent d’une prime de licenciement accordée à un salarié dans le cadre d’un plan de restructuration d’entreprise, dont une partie des personnels licenciés se fait connaître préalablement pour son volontariat au départ ? Lorsque l’entreprise embauche de nouveau, regarde-t-elle si le personnel recruté a bénéficié d’une prime de départ ailleurs ? Les enjeux RH actuels justifient que les armées définissent les bons outils répondant à leurs besoins.
Le statut général des militaires n’émet aucune objection à davantage de souplesse de gestion, incluant notamment des allers-retours entre statut militaire et fonction publique ou secteur privé. L’exemple des ingénieurs de l’armement ou du contrôle général des armées démontre que ces pratiques sont faisables. Les possibilités statutaires de détachement dans un corps ou dans un cadre d’emploi civil, d’affectation temporaire, de mise à disposition ou de disponibilité sont variées. Ces solutions pourraient être davantage utilisées par les services gestionnaires, pour permettre de construire des parcours professionnels « sur mesure » pour certains profils, en fonction des besoins de l’institution comme des appétences des individus. Pour les officiers identifiés dans le vivier des futurs cadres de haut niveau, bénéficier d’une mobilité externe leur permettrait de se confronter au plus tôt à des méthodes de travail différentes, d’approfondir leurs connaissances sur les rouages de l’État et les cercles de décision et de gagner en légitimité par une meilleure connaissance des administrations.
Cette souplesse proposée nécessite toutefois de poser quelques limites. En effet, il importe de préserver le principe d’un état militaire imposant des sujétions fortes (esprit de sacrifice, disponibilité, mobilité imposée, restriction des droits civiques, etc.) mais justement compensées (indemnité pour charge militaire, dispositif de retraite adapté, etc.). En fonction des choix faits en matière de maintien de l’état militaire, par exemple à des fins de rappel éventuel ou de transfert statutaire – n’empêchant nullement un retour sous état militaire ultérieur – , les conséquences et contreparties doivent être arrêtées en toute cohérence. La préservation de l’état militaire doit par ailleurs permettre d’éviter une « uberisation » de la fonction militaire, se traduisant par un recours au travail à la tâche. Le statut militaire ne serait alors utilisé que comme protection des individus lorsqu’ils sont employés en opération, avec le risque de dévoiement des principes de réactivité et de capacité de mobilisation en urgence d’une force.
En complément et à titre de réciprocité, une meilleure complémentarité avec les agents civils au sein du ministère des Armées doit être acceptée. Plutôt que de se voir imposer des transferts non souhaités, les armées doivent identifier leur juste besoin en ressources humaines civiles et militaires.
Le modèle RH militaire doit poursuivre son adaptation
Le dispositif RH actuel des armées s’appuie sur une politique RH du ministère à horizon 2025 (27). Les propositions formulées plus haut dans ce document s’inscrivent parfaitement dans le premier axe de cette politique dont l’objet est de « préserver la place du militaire dans la société et son positionnement dans la haute fonction publique » (28). Chaque armée a développé un outil permettant de satisfaire ses besoins propres comme ceux des organismes interarmées auxquels elle contribue. Ces dispositifs prennent des formes variées en fonction des différentes directions des ressources humaines. Les moyens nécessaires sont ensuite calibrés au travers de « modèles » validés par des outils de simulation permettant une projection dans le temps. Ces modèles constituent une référence commune qui permet de répondre en conduite aux besoins en effectifs, de façon durable et adaptée : personnel souhaité en nombre, en statuts et en grades ; taux d’entrées équilibrés dans les recrutements ; ratios liés à la promotion, à la durée des services viables ; quantification des départs voulus, aidés, subis, etc.
Ambitionner une présence accrue des militaires hors du ministère des Armées impose de s’interroger sur la pertinence de la qualification militaire des emplois internes au ministère. La caractérisation des postes réservés aux militaires doit pouvoir être justifiée par l’existence de contraintes opérationnelles nécessitant l’emploi de personnel apte à porter les armes, ou encore de contraintes liées au modèle RH spécifique des armées. Le système de flux préserve une ressource jeune indispensable aux armées tout en s’appuyant sur des cadres de toutes catégories ayant vocation à constituer l’ossature des organismes. Les armées ne pourront donc pas faire l’impasse d’une analyse fonctionnelle détaillée afin de justifier leurs besoins et d’adapter leurs hauts de pyramide. Elles devront s’interroger sur les attendus de chaque grade avant d’en déduire des prérequis et in fine un besoin consolidé.
Une évolution du modèle des armées n’est pas impossible à conduire. En situation de forte concurrence avec la Police pour son recrutement, la Gendarmerie a revu son modèle (29). Elle a réussi cette manœuvre en conduisant une comparaison avec la police pour déterminer quel devait être le niveau de responsabilités tenu par chacun de ses grades. Elle a ensuite conduit une analyse fonctionnelle de son organisation pour déterminer la pyramide officiers qui correspondait à ses besoins.
Une évolution du modèle des armées apparaît au surplus soutenable. L’Armée de terre a conduit une étude comparative afin de regarder si d’autres modèles induiraient nécessairement des coûts supplémentaires en termes de masse salariale. Elle a évalué son coût dans les cas où la répartition en effectifs serait similaire à celle des modèles de la Gendarmerie, de la fonction publique et de l’Army (30). Quoique réalisée de manière purement théorique, sans prendre en compte ses spécificités en organisation et sans s’assurer de la soutenabilité RH, cette comparaison montre qu’un changement de modèle n’engendre pas nécessairement de surcoûts salariaux, du fait du très faible différentiel de rémunération entre les grades militaires.
Il appartient donc aux armées de se positionner sur leurs besoins réels afin de les faire reconnaître en interministériel. Une approche globale de l’ensemble du modèle est possible tout en distinguant un ministère employeur de ressources (qu’il solde et finance donc) d’un ministère générant une ressource de qualité qui serait employée en partie hors du ministère des Armées. L’élaboration de parcours duaux ou atypiques vise bien à contribuer directement à améliorer le positionnement des militaires au sein de la fonction publique, ainsi qu’à renforcer leur visibilité et leur poids dans la société en général. La mise en place de tels parcours doit constituer un levier RH supplémentaire dans les domaines de l’attractivité du métier d’officier.
* * *
Ce plaidoyer pour une adaptation du modèle RH des armées insiste sur les bénéfices à tirer d’un emploi d’officiers hors du ministère, des ponts devant aujourd’hui être établis entre les différentes institutions. Les armées disposent d’une ressource de qualité et ont le choix d’exporter leurs talents et leurs savoir-faire. Elles ont les moyens de positionner des officiers expérimentés au-delà de leur seul périmètre au profit d’échanges fructueux avec d’autres acteurs de la société française, qu’ils soient privés ou étatiques. Il convient toutefois de continuer à adapter le modèle RH des armées vers un système correspondant à leurs besoins, à refondre au besoin certaines organisations, en s’interrogeant sur les attendus de chaque grade au regard de son rôle et sa place dans l’organisation. Cela nécessite de disposer d’une gestion RH toujours plus souple et individualisée et de valoriser les expériences hors du ministère des Armées.
Cette évolution n’a pas la prétention d’être la seule modalité d’adaptation RH, car il existe bien d’autres outils à faire évoluer dans les relations entre les ministères ou encore dans l’utilisation de la réserve. Sans doute faudra-t-il alors faire évoluer des modes de fonctionnement en s’appuyant davantage sur des contacts externes et non pas seulement sur une force de frappe interne, en institutionnalisant le travail en réseau à partir des états-majors centraux auprès d’officiers choisis et bien placés.
L’annonce du président de la République sur la suppression de l’École nationale de l’administration, et l’érection en exemple de l’École de Guerre par des hommes politiques, journalistes et experts (31) qui s’est ensuivie, soulignent la volonté de traiter la crise de légitimité des élites tout en capitalisant sur les apports possibles de l’institution militaire à la société française. Cette actualité démontre combien les armées ne doivent pas se recroqueviller sur elles-mêmes.
(1) Ce document n’omet pas les corps sous statut militaire (dont gendarmes) ni les missions particulières dévolues aux militaires servant en dehors du ministère des Armées (sapeurs-pompiers de Paris, marins-pompiers, affaires maritimes, sécurité civile, Service militaire adapté) mais il se concentre sur les militaires des armées.
(2) Le Flem Jean Gaël (lieutenant-colonel) et Oliva Bertrand (chef de bataillon), Un sentiment d’inachevé, réflexion sur l’efficacité des opérations, Éditions de l’École de guerre, 2018, p. 122.
(3) Dabezies Pierre, « Armée (pouvoir et société) », Encyclopaedia Universalis, 2002.
(4) Armée de terre, Commandement et fraternité, l’exercice de l’autorité dans l’Armée de terre, Economica, 2016, 141 pages.
(5) Ibid.
(6) Ibid.
(7) Général Lecointre François, Vision stratégique « pour une singularité positive », EMA, 21 septembre 2018, 9 pages (www.defense.gouv.fr/).
(8) Armée de terre, L’Alliance du sens et de la force : l’exercice du métier des armes dans l’Armée de terre, 2018, 44 pages (www.defense.gouv.fr/terre/livre-vert).
(9) Circulaire n° 6095/SG du 1er juillet 2019 relative à l’organisation gouvernementale pour la gestion des crises majeures.
(10) Entretiens privés avec d’anciens officiers généraux.
(11) Directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail ou directive « temps de travail » (https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:32003L0088).
(12) Loi 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires (www.legifrance.gouv.fr/).
(13) Décret du 22 décembre 2016 relatif au renforcement des politiques RH (www.legifrance.gouv.fr/).
(14) Exemple des revalorisations indiciaires (valeur du point d’indice) ou encore du protocole Parcours professionnel, carrière, rémunération (PPCR).
(15) Le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 portant création d’un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (RIFSEEP) a pour objet de rationaliser et simplifier le paysage indemnitaire (www.legifrance.gouv.fr/).
(16) Général Lecointre François, op. cit.
(17) Cas du recours en nombre à du personnel sous contrat.
(18) Loi 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, op. cit.
(19) Le protocole Parcours professionnels, carrières et rémunérations, dit protocole PPCR, ne prévoyait pas de revalorisation de l’encadrement supérieur « A+ ».
(20) Le système de solde Louvois (LOgiciel Unique à VOcation Interarmées de la Solde) reste un échec majeur.
(21) En 2012, le vice-amiral d’escadre Lajous était consacré « DRH de l’année » par l’association nationale des DRH. L’Armée de terre est régulièrement primée pour ses campagnes de recrutement, etc.
(22) Ces orientations pourraient être confirmées dans le projet de loi de modernisation de la fonction publique proposé au Parlement en 2019.
(23) Note n° 3214 du 28 juin 2016 relative à la transposition du protocole de la fonction publique aux personnels militaires – situation des officiers, signée de la directrice de cabinet du Premier ministre.
(24) Version mars 2019 (www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2019/03/referentiel_2019_vf.pdf).
(25) Loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019 (www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000028338825).
(26) Exemple du Pécule modulable d’incitation au départ (PMID), tel que décrit dans la LPM 2013-2019.
(27) Note n° 7913/DEF du 8 septembre 2014 relative à la politique des ressources humaines du ministère de la Défense à l'horizon 2025.
(28) Ibid.
(29) Une mue profonde a été conduite à la suite de la signature, le 11 avril 2016, du protocole Cazeneuve. Celui-ci entérine la revalorisation des carrières, des compétences et des métiers de la Police et de la Gendarmerie nationale. Concrètement, cette réforme se traduit par une explosion des effectifs d’officiers généraux (de 78 en 2016 à 160 en 2022) et une très forte augmentation des effectifs de colonel (464 en 2016, 600 en 2022). En contrepartie, le nombre d’officiers dans les autres grades diminue avec une baisse du nombre de lieutenants-colonels (-10 %) et une très forte baisse des effectifs des commandants (- 22 %).
(30) Armée de terre britannique.
(31) Corbier Marie-Christine, « Ce qui pourrait remplacer l’ENA », Les Échos, 18 avril 2019.