Cet article vise à proposer une première analyse de la guerre hybride maritime, en identifiant ses spécificités à travers l’étude du milieu dans lequel elle se déroule et de trois cas intervenus au cours de l’année 2019. Il cherche également à proposer des pistes de réflexion pour aider les marines occidentales à la contrer plus efficacement. Enfin, l’article entend aussi répondre à la question de savoir si les pays occidentaux peuvent, à leur tour, tirer parti de l’utilisation des tactiques et/ou des stratégies de guerre hybride maritime face à leurs compétiteurs.
La guerre hybride maritime : quelle réponse pour les marines occidentales ?
« On a beaucoup écrit sur l’émergence de la guerre hybride à niveau global, notamment lors de l’invasion russe de l’Ukraine et de l’annexion de la Crimée. Jusqu’à présent, ce constat s’est largement limité à la guerre terrestre, aussi bien du point de vue pratique que théorique. Cela est sur le point de changer, et nous verrons l’émergence d’une guerre hybride maritime au cours des prochaines décennies, peut-être plus tôt (1) ».
Les multiples attaques non attribuées menées contre le trafic pétrolier dans le golfe Persique en 2019 (2) rendent presque prophétiques les propos tenus par l’ancien commandant en chef des forces de l’Otan en Europe (SACEUR) en 2016, et laissent penser que l’utilisation des tactiques et des méthodes de guerre hybride, jusqu’à présent limitée au milieu terrestre, est en train de s’étendre également au milieu maritime. Pour autant, le sujet reste peu exploré. À quelques exceptions près, les études sur la guerre hybride se sont cantonnées, pour l’instant, à évoquer des exemples historiques de la guerre en mer qui partagent avec elle certaines caractéristiques communes : la guerre de course, la guerre sous-marine, etc. Il manque donc une analyse plus détaillée des spécificités propres de la guerre hybride maritime, qui puisse contribuer à une prise de conscience de sa réalité, de sa portée et de sa capacité de nuisance pour les pays occi dentaux. Cet article constitue une première tentative pour essayer de répondre à ce besoin.
La « guerre hybride » : origine du concept, définition et caractéristiques
L’origine du concept : le général Valéri Guérassimov
Même si l’on peut certainement identifier des exemples d’utilisation de tactiques proto-hybrides à différents moments de l’histoire, il y a un consensus généralisé pour considérer que le concept moderne de guerre hybride est la réponse trouvée par la Russie pour compenser l’écrasante supériorité militaire conventionnelle et économique acquise par les États-Unis dans les décennies qui ont suivi la fin de la guerre froide (3). Dans un contexte défavorable, Vladimir Poutine et ses généraux ont rapidement compris que pour combler l’écart capacitaire conventionnel existant avec le géant américain, il leur fallait développer des tactiques alternatives avec un rapport coût-efficacité optimal, leur permettant d’éviter un affrontement direct tout en influençant l’environnement opérationnel avant (ou, le plus souvent, au lieu) de mener des opérations militaires.
On peut trouver un premier signe de la transition doctrinale de la Russie vers l’utilisation de la guerre hybride dans l’article écrit en 2013 (4) par le chef d’état-major des forces armées russes, le général Valéri Guérassimov. Celui-ci décrivait sa vision des stratégies militaires futures, en dessinant un portrait assez précis des actions qui allaient se dérouler peu après en Crimée et dans l’Est de l’Ukraine. La spécialiste de la Russie, Molly K. McKew (5) soutient que Guérassimov a ainsi créé « […] une toute nouvelle théorie de la guerre moderne, qui ressemble plutôt au piratage de la société de l’ennemi qu’à une attaque frontale » (6). Les principes de cette théorie ont été ensuite repris par d’autres acteurs pour les appliquer selon leurs propres intérêts, à tel point qu’on peut parler aujourd’hui d’une certaine généralisation de son utilisation, notamment chez les pays compétiteurs du monde occidental (Iran, Chine, etc.).
Définition
La guerre hybride trouve sa véritable raison d’être dans la « zone grise » qui sépare les situations classiques de « guerre » et de « paix » (7). Elle met notamment l’accent sur la manipulation du domaine de l’information pour exploiter les vulnérabilités identifiées dans les opinions publiques des démocraties occidentales, jouant avec l’ambiguïté et l’absence de revendication d’actions conçues pour rester toujours sous le seuil de réponse de l’adversaire (8).
En nous appuyant sur la définition des « menaces et méthodes hybrides » proposée par l’Alliance atlantique (9), et aux effets de cette étude, nous considérerons la guerre hybride comme : « L’utilisation combinée, simultanée et non revendiquée de moyens militaires et non-militaires, secrets ou déclarés, incluant la désinformation, les attaques cyber, les mesures de pression économiques et le déploiement de groupes armés irréguliers ou de forces régulières, pour semer le doute parmi les populations des pays ciblés, dans le but d’atteindre des effets de niveau stratégique ou politique ».
Caractéristiques
La définition de guerre hybride proposée ci-dessus a la vertu de mettre en avant ses caractéristiques essentielles, dont nous retiendrons quatre éléments :
• L’ambiguïté et la non-revendication : Il est primordial que les actions hybrides puissent permettre à leur utilisateur de rester toujours sous le seuil de réponse de l’adversaire. L’ambiguïté des actions, l’absence d’une revendication et la quasi-impossibilité de les attribuer d’une façon manifeste et sans équivoque à un acteur bien identifié, sont des éléments clés de leur succès. De ce point de vue, on peut considérer que l’incapacité de l’adversaire à arriver à une attribution sans faille de l’ensemble des actions hybrides menées à son encontre demeure la clé de leur efficacité.
• L’hétérogénéité des actions et moyens utilisées : Le général Guérassimov soutient que pour arriver à un résultat final satisfaisant, les moyens non-militaires doivent être employés dans une proportion de quatre à un par rapport aux capacités militaires traditionnelles (10). Des actions hostiles sont alors conçues en utilisant un catalogue élargi de moyens englobant « la combinaison d’armes létales et non-létales, d’armes chimiques, biologiques, radiologiques et de matières nucléaires (CBRN), ainsi que des actions terroristes, d’espionnage ou criminels, appuyées par des campagnes de désinformation et d’actes menés par des organisations économiques légales » (11). Les moyens cyber sont peut-être ceux qui s’adaptent de manière la plus aboutie aux besoins de la guerre hybride. Leurs caractéristiques en matière de furtivité, leur pouvoir asymétrique, leur portée globale et leur rapport coût-efficacité rendent extrêmement difficile l’attribution des actions hybrides cyber, démultipliant leurs effets et renforçant leur efficacité.
• La recherche d’effets d’ordre stratégique ou politique : La mise en œuvre d’une campagne de guerre hybride vise toujours à atteindre un (ou plusieurs) objectifs de nature stratégique ou politique ; normalement, un gain d’influence ou de légitimité internationales, voire territorial, comme le montre l’action russe en Crimée. Comme le rappelle le major Valery McGuire de l’US Marine Corps (12), il s’agit de réussir à « donner forme à l’environnement stratégique » pour remettre en question l’ordre international établi.
• Le rôle majeur joué par la population : La population est la cible privilégiée de toute stratégie de guerre hybride, dont l’objectif est de l’influencer afin de « créer un climat de trouble et d’agitation permanente dans les pays adversaires » (13). Le cas des élections présidentielles américaines de 2016 demeure un exemple paradigmatique. Il n’est pas sûr que la Russie soit parvenue à pirater les serveurs électoraux des États-Unis, mais elle a certainement réussi à le faire croire à une majorité de la population américaine. Elle a réussi aussi à semer des doutes sur la légitimité du système électoral américain par le biais d’une campagne de désinformation ciblée, la diffusion sur les réseaux sociaux de fausses informations et de documents obtenus par des moyens cyber, en forgeant des alliances de facto avec certains groupes américains. Pour reprendre encore une fois les mots de Molly K. McKew, ces élections sont « un exemple parfait de comment amener le combat sur le territoire ennemi sans avoir besoin de recourir à des moyens physiques » (14).
Le milieu maritime
La mer, considérée dans sa triple dimension physique, légale et économique, présente une série de caractéristiques propres qui imposent un certain nombre de spécificités dans l’utilisation des tactiques de la guerre hybride.
L’immensité et la fluidité de la mer
La mer se caractérise surtout par son immensité, occupant 71 % du globe terrestre. Même aujourd’hui, et malgré la généralisation de l’utilisation de systèmes de géopositionnement tels l’AIS ou le LRIT (15), qui permettent l’identification et le suivi des navires en haute mer, cette immensité rend extrêmement difficile la surveillance des espaces maritimes et la localisation d’un objet quelconque sur sa surface, y compris dans le cas de bâtiments de la taille d’un gros navire marchand, telle le démontre l’affaire du cargo « fantôme » Alta (16).
À cette immensité s’ajoute une absence presque absolue d’installations humaines permanentes. De ce fait, la mer constitue un « désert d’eau » dépourvu de population, ce qui permet à l’amiral Christophe Prazuck, chef d’état-major de la Marine, d’affirmer que « loin des yeux des hommes, la haute mer est depuis toujours le théâtre d’une certaine forme d’impunité » (17).
La conséquence la plus immédiate de cette immensité et de l’absence de population, est l’incertitude accrue des actions qui y sont menées, à tel point qu’on peut dire, à juste titre, que « la guerre sur mer reste placée sous le signe d’une incertitude maximale » (18). Cette incertitude agit comme un amplificateur de l’efficacité des actions de guerre hybride, dont l’impossibilité d’attribution certaine constitue la qualité première.
La complexité du droit maritime international
La mer est un espace profondément conflictuel caractérisé par l’ambiguïté de son statut juridique, puisqu’elle peut aussi bien être considérée comme appartenant à tous (res communis) ou à personne (res nullius) (19). Tel que le constatait le professeur Hervé Coutau-Bégarie, « auparavant simple théâtre des conflits, la mer est devenue [aujourd’hui] l’objet des conflits » (20).
Ses origines
Largement tributaire de son origine coutumière, l’actuel droit maritime constitue l’une des branches les plus anciennes du droit international public. Il s’est longtemps limité au principe de la « liberté des mers », apparu au XVIIe siècle (21) et intimement lié à celui de la « liberté de commerce ». Selon le principe de la « liberté des mers », la mer et les océans sont ouverts à tous et n’appartiennent à personne, à l’exception d’une étroite bande mesurée à partir du rivage, où l’État côtier exerce une pleine souveraineté.
Le droit maritime civil
Le progrès des techniques militaires, de la pêche hauturière et des exploitations minières et pétrolières offshore, ainsi que les risques croissants sur l’environnement qui découlent des activités humaines, ont entraîné une multiplication progressive des revendications territoriales sur les mers, voire des restrictions unilatérales des droits de navigation et de pêche. Cette situation a conduit la communauté internationale à nuancer le principe de la « liberté des mers », en développant un régime légal commun pour résoudre les conflits entre les États.
Le résultat de cette évolution fut la Convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982 (CNUDM) (22) devenue ainsi la clé de voûte du droit international de la mer contemporain. La CNUDM est complétée par une longue liste de traités internationaux, dont un nombre non négligeable de traités régionaux, qui régissent des domaines spécifiques (23). Ces traités, notamment la CNUDM, définissent les différents espaces maritimes : eaux intérieures, mer territoriale, zone contiguë, Zone économique exclusive (ZEE), plateau continental, haute mer, détroits internationaux et États archipels, ainsi que les droits et les devoirs reconnus aux États riverains (24).
Le droit des conflits armés
Par rapport au droit applicable aux conflits armés en mer, on peut dénombrer trois différentes catégories de normes (25) : les traités internationaux, le droit coutumier et le droit interne des États. Compte tenu de son importance, on doit aussi souligner l’existence du « Manuel de San Remo sur le droit international applicable aux conflits armés en mer », de 1995 : une codification légalement reconnue mais non contraignante du droit international coutumier applicable aux conflits armés en mer, lequel est, pour sa part, contraignant.
Les conséquences du point de vue de la guerre hybride
Ce résumé permet de constater la grande complexité du cadre légal dans lequel se déroulent les activités civiles et militaires en mer. Qui plus est, dans les procès soumis à l’arbitrage des tribunaux internationaux, chaque partie doit très souvent prouver l’existence même des normes internationales sur lesquelles elle prétend baser ses prétentions, notamment lorsqu’il s’agit de normes d’origine coutumière.
Cette complexité sert parfaitement les besoins de la guerre hybride et nourrit ses tactiques, en venant contribuer à l’ambiguïté, l’incertitude et l’absence de revendication.
Le paradoxe des espaces maritimes : un espace sans présence humaine et cependant essentiel pour l’économie mondiale
La maritimisation croissante de l’économie mondiale a transformé la mer en un enjeu majeur pour tous les États. Aujourd’hui, entre 80 et 90 % des échanges commerciaux ont lieu par voie maritime (26), les câbles sous-marins assurent plus de 90 % du trafic numérique planétaire (27), et un tiers du flux mondial de brut est assuré par des pétroliers (28).
De ce fait, l’interruption du trafic commercial dans l’un des goulets maritimes d’étranglement – le détroit de Gibraltar, le canal de Suez ou le détroit de Malacca, pour ne citer que quelques exemples – pourrait avoir des conséquences économiques catastrophiques. Les attaques non-attribuées intervenues sur deux pétroliers dans le détroit d’Ormuz le 13 juin 2019, eurent ainsi pour effet immédiat une flambée de 4 % du cours du pétrole, et une augmentation de 10 % des primes d’assurance pour les navires transitant les eaux du Moyen-Orient (29).
Paradoxalement, malgré l’importance et l’intensité des activités économiques qui s’y déroulent et la concentration d’agglomérations urbaines dans les régions côtières, la mer reste un espace presque vide et privé d’installations humaines permanentes.
L’importance économique de la mer et l’absence d’une population humaine permanente caractérisent donc les effets atteignables par l’action hybride en milieu maritime : ceux-ci seront toujours plus significatifs sur l’économie de l’adversaire que sur son opinion publique.
Analyse de l’utilisation de tactiques hybrides en milieu maritime
Il est maintenant pertinent d’étudier comment se manifeste en pratique la guerre hybride maritime en analysant à la lumière du droit international trois cas intervenus au cours de l’année 2019. Nous pourrons ainsi identifier, les singularités de la guerre hybride maritime, et le cas échéant, des pistes à creuser pour permettre aux pays occidentaux de contrer son utilisation de façon plus efficace.
Attaques contre le trafic maritime dans le détroit d’Ormuz
Le 5 mai 2019, le gouvernement des Émirats arabes unis (EAU) rendait public une attaque contre le trafic commercial dans le mouillage de Fujairah (30). Trois pétroliers et un cargo y avaient été attaqués : le norvégien Andreas Victory, les saoudiens Amjad et Al Marzoqah, et l’A. Michel des EAU. Tous les quatre ont subi des dommages dus à l’explosion d’engins explosifs sous-marins placés sur leurs coques, vraisemblablement des mines-ventouses. Les attaques ont été coordonnées avec une précision nécessitant un entraînement militaire, ce qui a mené de nombreux analystes à pointer du doigt la responsabilité des Gardiens de la révolution iraniens (pasdarans) (31). L’attaque de l’oléoduc qui relie les gisements pétroliers saoudiens situés dans l’est du pays au port de Jeddah, survenue quelques jours plus tard et revendiquée par les rebelles houthis, soutenus par l’Iran, n’a fait que renforcer ces suspicions. Néanmoins, il a été impossible de prouver officiellement l’implication iranienne.
Un second incident eut lieu le 13 juin 2019 dans le golfe d’Oman, encore une fois au large de Fujairah (32). Les pétroliers Front Altair, battant pavillon des îles Marshall, et Kokuka Courageous de nationalité panaméenne, ont subi des explosions produisant des dommages d’une telle ampleur que leurs équipages ont été contraints de les abandonner. Un porte-parole de la compagnie Bernhard Schulte, l’opérateur du Kokuka Courageous, a déclaré dans un communiqué que le navire avait été « endommagé à la suite d’une attaque présumée », et que sa coque avait été « percée au-dessus de la ligne de flottaison du côté tribord » (33). Les expertises effectuées postérieurement laissent penser que les explosions ont été, là aussi, occasionnées par des mines-ventouses, accrochées sur les coques des deux bâtiments par des petites embarcations de surface opérant sous le couvert de la nuit (34).
Cette fois-ci non plus, les attaques n’ont pas été revendiquées, même si l’US Navy a publié une photo jugée peu convaincante, montrant une supposée vedette de la Garde révolutionnaire iranienne en train d’enlever des débris encore accrochés à la coque de l’un des navires, dans le but d’effacer les indices de sa responsabilité (35).
Analyse juridique (36)
L’analyse de ces attaques hybrides en mer montre à quel point la détermination du cadre juridique applicable est complexe. L’emploi clandestin d’armes sous-marines entraînant des dommages sur des navires civils, franchit clairement la limite qui sépare une simple interférence d’un véritable recours à la force, comme le définit la Charte des Nations unies (CNU) (37). Si la mise en place de tels engins explosifs à bord d’un navire est effectuée par des individus ne dépendant pas d’un État, les faits rentreraient dans le cadre d’application de la Convention SUA de 1988, et de son protocole de 2005 (38). Par contre, si cette utilisation d’armes sous-marines en temps de paix pouvait être attribuée à un État, elle serait incompatible avec la CNU et la CNUDM (39). Dans ce cas, l’incident pourrait relever de la compétence du Conseil de sécurité des Nations unies ou d’autres organisations internationales, telles l’Otan ou l’UE.
Brouillage des systèmes de positionnement GPS
Dans le courant de l’année 2019, une campagne agressive de brouillage du signal GPS a eu lieu aux abords d’une vingtaine de localités côtières chinoises. Les ports les plus affectés sont ceux de Shanghai, Fuzhou, Qingdao, Quanzhou, Dalian et Tianjin (40).
En étudiant les données disponibles, l’analyste Bjorn Bergman, de l’organisation Skytruth (41), est parvenu à corréler l’origine de ces brouillages avec les positions géographiques d’installations pétrolières et d’agences gouvernementales chinoises. Les brouillages les plus nombreux ont eu lieu aux abords de Dalian, port situé près de la frontière avec la Corée du Nord. Les dates et les heures des brouillages, les sanctions américaines à l’achat de pétrole iranien alors en vigueur, et les observations fournies par d’autres sources avérant la réception de pétrole iranien par la Chine, suggèrent qu’au moins une partie de ces incidents pourraient être liés à une campagne pour occulter ces transactions.
Par ailleurs, l’occurrence de brouillages GPS « d’origine inconnue » ne se borne pas aux côtes chinoises. L’US Coast Guard met à jour régulièrement sur son site Web (42) une liste des interférences qui lui sont communiquées, avec une évaluation sommaire de leur origine. En analysant cette liste, on constate que la plupart de ces interférences ont lieu aux abords de ports ou d’installations égyptiennes, chinoises ou libyennes.
Analyse juridique
Le droit international de la mer ne traite pas explicitement du brouillage intentionnel d’un système GPS ou, d’une façon plus générale, des cyberattaques affectant les systèmes de navigation d’un navire. Néanmoins, la manipulation intentionnelle des systèmes de navigation d’un navire civil et les éventuels dommages produits constituent une violation de la CNUDM, qui doit être analysée en fonction de la position exacte du navire au moment de l’attaque :
– si le navire est situé en haute mer ou dans une ZEE, la cyberattaque menée par un État agresseur viole la « liberté de navigation » de l’État du pavillon (43) ;
– dans les eaux territoriales, le droit de passage inoffensif entre en jeu, tout comme la souveraineté de l’État côtier (44).
Outre le droit de la mer, dans le Manuel de Tallinn 2.0 (45), les experts ont identifié l’existence d’une règle de droit international coutumier interdisant les cyber-attaques qui violent la souveraineté d’un autre État (46). Une cyberattaque constituerait donc une violation du droit international coutumier, étant donné qu’en empêchant l’État du pavillon d’exercer sa juridiction exclusive et son contrôle sur la navigation du navire, l’acte a violé sa souveraineté.
Conclusions et caractéristiques de la guerre hybride maritime
À partir de l’analyse de ces trois cas, nous pouvons conclure que les tactiques de la guerre hybride maritime partagent avec leurs équivalentes terrestres les caractéristiques générales de : 1) ambiguïté et non-revendication ; 2) hétérogénéité des moyens et techniques employés (mines-ventouses, brouillage du signal GPS …) ; 3) recherche d’effets d’ordre stratégique ou politique (déstabilisation régionale, contournement des sanctions internationales…) ; et, dans une moindre mesure, 4) de ciblage des opinions publiques des pays adversaires ou de l’opinion publique internationale. L’effet mitigé sur les opinions publiques, conséquence du vide des espaces maritimes, reste néanmoins compensé par des effets majeurs du point de vue économique (flambée des cours du pétrole et des primes d’assurance).
On peut néanmoins noter un certain nombre de spécificités propres à la guerre hybride maritime, qui découlent de notre analyse et de la nature propre du milieu dans lequel elle se déroule :
• La complexité et l’ambiguïté du cadre légal international : La très grande complexité du cadre légal qui règle les relations, les droits et les devoirs des pays riverains en temps de « paix » et de « guerre » et, surtout, les spécificités propres du droit maritime international, ajoutent davantage d’incertitude et d’ambiguïté aux actions de guerre hybride menées en milieu maritime. Tel que le rappelle le capitaine de vaisseau finlandais (Ret) Jukka Savolainen « les normes légales sont ambiguës : parfois, deux parties peuvent s’appuyer sur les mêmes normes de la CNUDM pour soutenir des positions opposées » (47).
• L’importance des conséquences économiques des attaques et le moindre effet sur les opinions publiques : La mer étant un espace vide, dépourvu d’installations humaines permanentes, les effets des tactiques hybrides maritimes sur les perceptions de la population restent très mitigés par comparaison à ceux obtenus en milieu terrestre. Par contre, leurs conséquences économiques dépassent largement celles des actions terrestres. Encore une fois, l’exemple de la flambée du cours du pétrole et des primes d’assurance dans la foulée des attaques du détroit d’Ormuz de juin 2019 est emblématique. Se manifeste ainsi l’une des principales différences entre guerre hybride terrestre et guerre hybride maritime. Tandis que la première vise à obtenir un objectif stratégique ou politique en agissant sur les perceptions de la population de l’adversaire, dans la seconde ces effets restent plus mitigés, mais compensés par une déstabilisation accrue des assises économiques du pays visé.
• La difficulté accrue d’attribution : L’incertitude et l’ambiguïté propres au milieu maritime démultiplient les effets des actions hybrides menées en mer, rendant extrêmement difficile leur attribution avec le degré de certitude nécessaire pour justifier une riposte militaire – voire simplement une réponse ferme – de la part de celui qui s’est fait agresser. Qui plus est, s’ajoute le phénomène de dilution propre à l’immensité des espaces maritimes, qui renforce l’impunité de l’agresseur (48) et lui facilite l’obtention des effets recherchés avec un risque de rétorsion minime.
• La multiplicité des acteurs : Compte tenu de la complexité du cadre juridique dans lequel se déroulent les activités humaines en mer, une action de guerre hybride maritime peut affecter une multiplicité d’acteurs de différentes nationalités. Dans le cas de l’attaque contre le pétrolier Kokuka Courageous, on constate que l’incident eut lieu dans les eaux internationales, sur un navire battant pavillon panaméen, mais dont le propriétaire était une compagnie japonaise (Kokuka Sangyo), l’opérateur allemand (Bernhard Schulte Shipmanagement) et l’équipage composé de vingt-et-une personnes de nationalités différentes. Cette hétérogénéité des acteurs, très caractéristique du transport maritime, ne fait qu’ajouter encore plus de complexité à toute action hybride en mer.
Se défendre dans le cadre de la guerre hybride maritime
Maîtriser le cadre légal
La très grande complexité des normes légales encadrant les activités humaines en mer, dont nous n’avons présenté qu’un aperçu très schématique, fait de leur maîtrise un atout essentiel pour contrecarrer de façon efficace toute action hybride hostile.
Dans le cas français, la disponibilité d’une équipe d’experts à disposition du Céma ou du SCOPS (49), maîtrisant le droit maritime et familiarisée avec les possibles scénarios d’emploi de la guerre hybride maritime, peut s’avérer décisive pour garantir le soutien des partenaires internationaux et, le cas échéant, conforter la légitimité d’une riposte. Dans cette perspective, l’organisation de séminaires associant des experts civils et militaires, chargés d’analyser d’un point de vue légal les événements de guerre hybride maritime, et de développer de nouveaux scénarios, peut se montrer extrêmement utile pour bâtir une doctrine de réponse commune (50) des Nations occidentales.
Développer les moyens de renseignement pour lutter contre l’ambiguïté et répondre au besoin d’attribution
L’ambiguïté et, surtout, l’impossibilité d’arriver à une attribution certaine des actions menées par l’adversaire, restent au cœur de l’efficacité de toute stratégie de guerre hybride. Il est difficile d’organiser une résistance efficace contre un ennemi que l’on ne peut pas voir, ou dont on n’est même pas sûr qu’il soit là. Malgré cela, et comme l’analyse Molly K. MacKew, « les manigances à l’ombre, à la manière Guérassimov, les rendent en même temps intrinsèquement fragiles. Les tactiques hybrides commencent à échouer lorsque la lumière est faite sur la façon dont elles fonctionnent et quand les objectifs ciblés deviennent connus » (51). En effet, l’incapacité d’arriver à une attribution sans faille des actions de guerre hybride étant leur clé de voûte, c’est précisément là où il faut concentrer les efforts pour contrer son utilisation.
De fait, la disponibilité de moyens permettant d’attribuer avec certitude les actions hybrides contribuera, de manière décisive, à les rendre inefficaces. Les capacités de renseignement permettant une autonomie d’appréciation élargie dans le domaine maritime sont donc essentielles : drones, moyens d’analyse de méga données (Big Data), satellites de renseignement (RIM et ROEM (52)) ou même, si nous nous projetons à plus long terme, des moyens plus innovants, comme le dirigeable Stratobus proposé par Thales Alenia Space (53).
Renforcer la résilience des acteurs du trafic maritime
Compte tenu de la multiplicité des acteurs qui interviennent dans le transport maritime (54), il est nécessaire d’augmenter leur résilience face aux actions hybrides.
Pour cela, on pourrait associer ces acteurs à des exercices de défense conçus pour renforcer leur capacité collective de réponse coordonnée face à une attaque hybride. Il s’agirait donc d’introduire des scénarios de guerre hybride maritime dans des exercices tels que MARSEC (Maritime Security Exercise), organisé annuellement par l’Armada espagnole pour améliorer la riposte coordonnée des autorités et des acteurs maritimes face à des incidents de sécurité (pollution, terrorisme, immigration et trafics illégaux, etc.).
Renforcer les capacités cyber
Les moyens cyber sont probablement ceux qui sont les mieux adaptés à la guerre hybride. C’est particulièrement vrai lorsque celle-ci se déroule en mer, compte tenu de la dépendance accrue du trafic maritime vis-à-vis des systèmes de géopositionnement (GPS, Galileo, etc.) et, plus généralement, des systèmes SIC (Systèmes d’information et de communications) (55).
Dans ce contexte, le renforcement des capacités cyber de LID et de LIO (56) dans le domaine maritime, ainsi que le développement d’une doctrine d’emploi adaptée, deviennent des éléments clés pour augmenter la résilience du monde occidental face aux attaques hybrides en mer. Tandis que les capacités LIO doivent rester nécessairement du ressort de l’État, le développement de capacités LID dans l’ensemble de la communauté maritime, aussi bien civile que militaire, permettrait d’augmenter leur résilience. Pour cela, dans le cas français, la combinaison des efforts du Commandement de Cyberdéfense et de l’ANSSI (57) ne peut qu’être encouragée.
Améliorer la capacité de communication stratégique
Même si c’est moins prioritaire dans le domaine maritime, la guerre hybride cible systématiquement la population, manipulant ses perceptions pour créer – selon les propres mots de Guérassimov – « un climat de trouble et d’agitation permanente ». Pour pallier cet effet, il est primordial d’obtenir une suprématie dans le domaine de l’information, de façon à être en mesure de faire parvenir à la population ciblée un message conçu pour contrecarrer celui de l’adversaire. Pour ce faire, il est indispensable de disposer d’une doctrine de communication stratégique épurée – axée sur la fiabilité et la clarté du message à passer – ainsi que des moyens conséquents pour la mettre en œuvre.
Adapter les seuils de réponse
Toutes les mesures précédentes, visant à augmenter la résilience occidentale face à l’utilisation des tactiques de guerre hybride maritime doivent être accompagnées d’une adaptation graduée des seuils de réponse.
Les actions hybrides visent toujours à rester sous le seuil de réponse de l’adversaire. Une adaptation, et même une certaine indéfinition de ce seuil, constituent la clé de voûte pour compléter la « défense contre la guerre hybride maritime » que nous avons théorisée, en complexifiant les calculs de probabilité « gain-risque » de l’adversaire. Pour cela, il faut faire peser sur lui la menace crédible d’une riposte ferme, d’une telle ampleur que les dommages qui seraient subis surpasseraient largement le gain.
Dans cette perspective, dans le cas français, il serait souhaitable que le chef de l’État affirme publiquement sa volonté de réagir fermement face à l’utilisation de tactiques de guerre hybride lorsque celles-ci peuvent nuire aux « intérêts » de la France, à partir du moment où ces actions sont attribuées avec un niveau de certitude « suffisant ». Ce type de déclarations pourrait s’avérer très utile pour dissuader un potentiel adversaire.
Les pays occidentaux peuvent-ils tirer parti de l’utilisation des tactiques de guerre hybride maritime ?
D’un point de vue théorique, rien n’empêche que les pays occidentaux puissent faire appel, pour défendre leurs intérêts, aux mêmes tactiques hybrides décrites précédemment (58). Cependant, force est de constater que l’exigence propre à nos États de droit d’un respect rigoureux de la légalité nationale et internationale, ainsi que le rôle central joué par les opinions publiques dans nos sociétés, restreignent énormément les possibles cas de figure et augmentent d’une façon disproportionnée les risques associés à son utilisation.
L’emploi de la guerre hybride maritime par le monde occidental resterait donc limité à certains cas. Seule l’importance des enjeux, une décision politique ad hoc et une étude approfondie sur la légalité des actions envisagées justifieraient le risque d’ordre stratégique associé à l’éventualité de se voir attribuer par l’adversaire les actions qu’on envisage mener. Ces cas resteront toujours exceptionnels. On peut néanmoins penser à une possible utilisation de moyens cyber pour discréditer auprès de l’opinion publique internationale les actions d’une puissance essayant d’imposer de facto son contrôle sur certains espaces maritimes, en violation de la légalité internationale et aux dépens des intérêts légitimes d’autres États.
* * *
Les événements intervenus dans le courant de l’année 2019 en différents points du globe, notamment dans le golfe Persique, témoignent de l’essor des tactiques de la guerre hybride en mer. Elle partage les mêmes caractéristiques essentielles de son équivalent terrestre, notamment l’hétérogénéité des moyens utilisés et la non-revendication de ses actions. Cependant, la guerre hybride maritime présente un certain nombre de traits que lui sont propres. Parmi eux, et découlant des spécificités du milieu maritime, on peut mettre en exergue notamment 1) la très grande complexité et l’ambiguïté du cadre juridique dans lequel elle se déroule ; 2) une importance moindre des populations comme cibles ultimes de ses actions, largement compensée par une démultiplication des effets sur le plan économique ; 3) la difficulté accrue d’attribution des actions hybrides en mer ; et, finalement, 4) l’hétérogénéité et la multiplicité des acteurs du transport maritime international.
Face à ce phénomène, on peut constater que les limitations propres à l’État de droit freinent le recours aux tactiques de guerre hybride maritime pour les pays occidentaux. Néanmoins, on peut proposer un certain nombre d’axes d’effort pour conforter notre capacité collective de défense face à son utilisation par un éventuel adversaire : 1) création d’équipes d’experts légaux familiarisées avec les scénarios de guerre hybride maritime ; 2) renforcement des capacités permettant une attribution certaine des actions hybrides en mer ; 3) développement des capacités maritimes cyber LID et LIO ; 4) renforcement des capacités de communication stratégique ; 5) organisation d’exercices pour conforter la résilience de l’ensemble des acteurs participant au transport maritime face aux menaces hybrides ; et, finalement, 6) adaptation des seuils de réponse pour complexifier et brouiller les calculs de l’adversaire en matière de probabilité « gain-risque ».
Éléments de bibliographie
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Wikipédia, « Le droit de la mer » (https://fr.wikipedia.org/wiki/Droit_de_la_mer). ♦
(1) Stavridis James (amiral, US Navy), « Maritime Hybrid Warfare is Coming », Proceedings vol. 142 n° 1 366, décembre 2016
(www.usni.org/).
(2) Attaques contre quatre pétroliers mouillés aux abords de Fujairah (Émirats arabes unis), survenues le 5 mai 2019, et contre deux autres pétroliers qui transitaient le détroit d’Ormuz, le 13 juin de la même année.
(3) En 2018, le PIB des États-Unis était 13 fois supérieur à celui de la Russie (21 345 milliards de dollars vs 1 610 Md$), et ses dépenses militaires multiplièrent par 10 celles de la Fédération russe (648 798 millions de $ vs 61 387 M$). Sources : Fonds monétaire international (FMI) et SIPRI.
(4) Guérassimov Valéri, « The Value of Science is in the Foresight: New Challenges Demand Rethinking the Forms and Methods of Carrying out Combat Operations », Voyenno-Promyshlennyy Kurier (VPK), 26 février 2013 (https://jmc.msu.edu/50th/download/21-conflict.pdf).
(5) Diplômée du London School of Economics, elle possède un mastère en études russes et post -soviétiques et parle couramment le français et le russe. C’est l’une des collaboratrices habituelles du magazine en ligne Politico.
(6) McKew Molly K., « The Gerasimov Doctrine », Politico, septembre-octobre 2017 (www.politico.com/).
(7) Selon l’amiral Christophe Prazuck, cette « zone grise » peut se définir comme celle située en deçà d’un double seuil : celui de l’agression et celui de l’attribution. Cf. son article : « En deçà de la guerre, au-delà de la paix : les zones grises », Revue Défense Nationale n° 828, mars 2020, p. 30.
(8) McGuire Valerie (major, US Marine Corp), « Hybrid Warfare helps Russia Level the Playing Field », Proceedings vol. 144 n° 1 386, août 2018. Lors de l’entretien publié dans le magazine Der Spiegel en 2016, la juriste allemande Melanie Amann affirmait que la stratégie de guerre hybride développée par la Russie vise à mener une « guerre sans déclaration formelle, règles ou frontières. Le belligérant est anonyme, il ne s’identifie pas et il agit souvent d’une façon invisible. Plutôt qu’avec des armes, la lutte est menée avec des mots. Internet est le champ de bataille les plus important » Cf. Amann Melanie et al., « The Hybrid War: Russia’s Propaganda Campaign Against Germany », Der Spiegel, 5 février 2016 (www.spiegel.de/international/europe/putin-wages-hybrid-war-on-germany-and-west-a-1075483.html#).
(9) Otan, « NATO’s response to hybrid threats », 8 août 2019 (www.nato.int/cps/en/natohq/topics_156338.htm).
(10) McGuire Valerie, op. cit.
(11) Otan, BI-SC Input to a new NATO capstone concept for the military contribution to countering hybrid threats (document 1500/CPPCAM/FCR/10-270038 5000 FXX 0100/TT-6051/Ser: NU0040), 25 août 2010 (www.act.nato.int/).
(12) McGuire Valerie, op. cit.
(13) McKew Molly K., op. cit.
(14) Ibid.
(15) Respectivement : Automatic Identification System et Long-range Identification and Tracking.
(16) Ce cargo tanzanien fut abandonné par son équipage en octobre 2018 suite à la panne de son système de propulsion. Le navire est resté à la dérive en haute mer, oublié du monde, pendant presque 18 mois, jusqu’à ce qu’il s’échoue sur les côtes d’Irlande, près de Cork, en février 2020. Cf. « Tempête Dennis : Un cargo fantôme s’échoue en Irlande », 20 minutes, 17 février 2020 ( www.20minutes.fr/). Cet exemple justifie la phrase du romancier britannique Nicholas Monsarrat selon laquelle, « l’océan est la meilleure cachette du monde ».
(17) Prazuck Christophe (amiral), op. cit., p. 30.
(18) Motte Martin, La mesure de la force : traité de stratégie de l’École de Guerre, Tallandier, 2018, p. 220.
(19) Idem, p. 214.
(20) Couteau-Bégarie Hervé, La puissance maritime soviétique, Ifri-Economica, 1983, p. 10.
(21) Groot (de) Hugo, Mare liberum, 1609.
(22) Entrée en vigueur le 16 novembre 1994, 168 pays ont déjà signé ou ratifié la CNUDM. Parmi les États ne l’ayant pas ratifié se trouvaient les États-Unis, Israël, la Syrie, la Turquie ou le Venezuela.
(23) Convention internationale sur la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS) de 1972 ; Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires (MARPOL) de 1973, complétée par le protocole de 1978 et ses deux amendements ; Règlement international pour prévenir les abordages en mer, de 1972 ; etc.
(24) Avec une intensité décroissante, au fur et à mesure qu’on s’éloigne de la côte.
(25) Ministère de la Défense d’Espagne, Manuel de droit de la mer, vol. II, 2016, p. 19-23.
(26) EU Maritime Strategy—Responding Together to Global Challenges—A Guide for Stakeholders, 8 pages (https://ec.europa.eu/).
(27) « Internet : des câbles sous-marins pour faire transiter les données », France Info, 5 mai 2020 (https://francetvinfo.fr/).
(28) « Le transport du pétrole par voie maritime », Planètes énergies, 22 août 2014 (www.planete-energies.com/).
(29) Saul Jonathan, « Ship insurance costs soar after Middle East tanker attacks », Reuters, 14 juin 2019 (www.reuters.com/).
(30) UKMTO Dubai (United Kingdom Maritime Trade Organisation), Weekly Report 12 au 18 mai 2019 (www.ukmto.org/) ; Fujairah (EAU) est l’un des centres névralgiques mondiaux de bunkering (transfert de combustible par pompage entre navires mis bord à bord), aux abords duquel près de 100 bâtiments en moyenne se trouvent mouillés à tout moment.
(31) Wiese Bockmann Michelle, « Shipping security tightens as investigations probe Iran links to tanker attacks », Lloyd’s List Maritime Intelligence, 14 mai 2019 (https://lloydslist.maritimeintelligence.informa.com/).
(32) UKMTO Dubai (United Kingdom Maritime Trade Organisation), Weekly Report, 16 au 22 juin 2019.
(33) « Bernhard Shulte says its tanker Kokuka Courageous damaged after ‘suspected attack’», Reuters, 13 juin 2019 (https://in.reuters.com/).
(34) Garamone Jim, « Shanahan Authorizes 1,000 Additional Troops to Defend Against Middle East Threats », US Department of Defense, 19 juin 2019 (www.defense.gov/) ; « Selva Details Iranian Oil Attacks, Need for International Efforts », US DoD, 19 juin 2019 (www.defense.gov/).
(35) Navcent, « Unexploded Limpet Mine Removed from M/T Kokuka Courageous in the Gulf of Oman » (www.centcom.mil/).
(36) Lohela Tiia et Schatz Valentin (dir.), Handbook on Maritime Hybrid Threats - 10 Scenarios and Legal Scans, The European Hybrid Centre of Excellence for Countering Hybrid Threats Working Paper, 22 novembre 2019, p. 21 (www.hybridcoe.fi/wp-content/uploads/2019/11/NEW_Handbook-on-maritime-threats_RGB.pdf).
(37) Art. 2., § 4 : « Les Membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations unies » (www.un.org/fr/sections/un-charter/chapter-i/index.html)
(38) Convention pour la répression d’actes illicites [Suppression of Unlawful Acts] contre la sécurité de la navigation maritime, Rome, 1988 et Protocole pour la répression d’actes illicites contre la sécurité des plateformes fixes situées sur le plateau continental, 2005 (www.imo.org/fr/About/Conventions/ListOfConventions/Pages/SUA-Treaties.aspx).
(39) 1) L’interdiction du recours à la force contenue dans l’article 2 § 4 de la CNU ; 2) l’obligation d’utiliser la haute mer/ ZEE uniquement à des fins pacifiques – tel qu’établie dans les articles 88 et 301 de la CNU en relation avec l’article 58 § 2 de la CNUDM – ; et 3) la liberté de navigation dans la haute mer/ZEE reconnue dans les articles 87.1 et 58.1 de la CNUDM.
(40) Goward Dana A., « Patterns of GPS spoofing in chinese ports », The Maritime Executive, 19 décembre 2019 (www.maritime-executive.com/editorials/patterns-of-gps-spoofing-at-chinese-ports).
(41) Organisation à but non lucratif qui utilise des images satellite et données obtenues de sources ouvertes pour identifier et surveiller des menaces pour l’environnement, notamment celles liées à l’activité de l’industrie pétrolière offshore et au développement urbain (www.skytruth.org).
(42) US Coast Guard NAVCEN, GPS Problem Reports Status (https://navcen.uscg.gov/?Do=GPSReportStatus).
(43) Articles 87.1 a) ou 58.1 de la CNUDM.
(44) Articles 17 et 2.1 de la CNUDM, respectivement.
(45) Ce Manuel est un compendium du droit international applicable aux opérations cyber. Il constitue une mise à jour de la version 1.0 élaboré entre 2009 et 2013 par un groupe d’experts venus de plusieurs pays de l’Otan. Il aborde les problématiques liées à la souveraineté des États, à la responsabilité Étatique, au droit diplomatique et consulaire, mais aussi au droit aérien, au droit de la mer, de l’Espace, etc. Néanmoins, l’ouvrage en lui-même n’a aucune valeur juridique ni force contraignante.
(46) Règle n° 4.
(47) Avant-propos du Handbook on Maritime Hybrid Threats, op. cit., p. 5.
(48) Prazuck Christophe, op. cit., p. 30.
(49) Céma : Chef d’état-major des armées ; SCOPS : sous-chef de l’état-major opérations de l’EMA.
(50) Par exemple, l’atelier « The Workshop on Hybrid Scenarios in the Baltic Sea », organisée en Finlande, entre les 28 et 29 mai 2019 par l’European CoE on Hybrid warfare.
(51) McKew Molly K., op. cit.
(52) Respectivement : Renseignement d’images et Renseignement d’origine électromagnétique.
(53) Lagneau Laurent, « Le ministère des Armées s’intéresse au Stratobus, le dirigeable autonome de Thales Alenia Space », Zone militaire-Opex360, 9 janvier 2020 (www.opex360.com/).
(54) Marine nationale, ministère des Affaires étrangères, Secrétariat général de la mer, armateurs, compagnies d’assurances…
(55) Par exemple, les systèmes AIS ou LRIT qui équipent la totalité des navires océaniques.
(56) Lutte informatique défensive (LID) et Lutte informatique offensive (LIO).
(57) L’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information est de fait l’autorité nationale sur le sujet.
(58) En menant des actions non revendiquées pour réussir à atteindre un objectif de nature politico-stratégique.