Introduction
Mondialisation et besoin de proximité, réseaux sociaux et solitude, société de consommation et quête de sens… Dans un monde qui a plus changé au cours des cent dernières années que pendant le dernier millénaire, quelles sont les raisons qui vous ont conduits à vous engager ? La défense de la Nation, de sa population, de son territoire constituait hier la principale motivation de vos aînés. Il y a encore quelques années, certains pouvaient la considérer désuète. Les attentats de 2015 et plus récemment l’invasion de l’Ukraine par la Russie sont malheureusement venus nous rappeler que la sécurité et la paix ne sont pas éternellement acquises.
S’il est difficile de prédire aujourd’hui pour quelles causes il vous sera demandé de vous battre en 2030 ou 2040, tous les observateurs s’accordent pour reconnaître que le monde est devenu plus instable, plus imprévisible et plus dangereux. Le durcissement du contexte se traduit sous de multiples formes : inscription dans la durée sur le continent européen d’une guerre conventionnelle de haute intensité, multiplication des foyers de crises régionales qui perdurent, les unes ne chassant pas les autres. Il est également marqué par l’aggravation et l’extension des menaces qui s’additionnent, mais ne s’annulent pas. Futurs chefs, vous devez vous préparer à des affrontements plus difficiles que vos prédécesseurs.
Approfondir votre connaissance du ministère des Armées, aiguiser votre sens critique, apprendre à vous connaître figurent parmi les objectifs du séminaire. Pendant cette semaine parisienne vous allez être en contact direct avec les élus, les autorités civiles et militaires du ministère mais aussi les officiers qui vous précèdent de quelques années. Profitez de cette occasion unique de leur présence à vos côtés.
Les messages du ministre et du Chef d’état-major des armées (Céma), les rencontres avec les représentants des Commissions de la défense et des forces armées de notre Parlement, et les échanges avec les officiers ayant une expérience récente en opérations vous permettront de mieux comprendre comment fonctionnent nos institutions et de faire le lien entre les objectifs politiques et les effets militaires.
Le temps est à l’incertitude et à la complexité. Les périodes de paix, de crise et de guerre ont cédé la place à la compétition, à la contestation et à l’affrontement. La transition d’un état à un autre est plus floue et réversible. L’amiral Bernard Rogel, ancien Chef d’état-major de la Marine (CEMM) et Chef de l’état-major particulier du président de la République (CEMP), vous fera part de ses réflexions sur les évolutions du monde et de la société au cours des années pendant lesquelles il a servi la France.
L’éducation est au centre de nombreuses préoccupations : apprentissage des savoirs élémentaires, préparation aux métiers de demain, développement de l’esprit de défense… sans oublier les questions de l’égalité des chances ou de la citoyenneté. Le professeur Luc Ferry, philosophe et ancien ministre de l’Éducation nationale, s’interrogera avec vous sur les liens entre l’éducation et la cohésion nationale.
Si la guerre froide a semblé geler les relations internationales pendant près de 40 ans, l’avènement de l’hégémonie américaine à l’aube des années 1990 a pu laisser penser à la fin de l’histoire. Les vingt dernières années ont apporté leurs lots de « surprises » : attentats de 2001 aux États-Unis, crise financière de 2008 et pandémie en 2020, invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022, remise en cause de l’action de la France en Afrique… Toutes ne furent pas stratégiques au sens où elles avaient été imaginées par les stratèges mais toutes ont eu des conséquences « stratégiques » sur l’état du monde. Nous vous proposerons cette année de mieux comprendre le continent africain et de réfléchir sur les évolutions possibles de nos relations avec lui.
La lecture des événements est rendue plus complexe par la multiplication des sources d’information et l’accélération du temps. Télévision, radio, Internet, réseaux sociaux, vous êtes désormais abreuvés en permanence par une multitude de faits réels ou travestis. Victimes de la course à l’audience, l’analyse et la raison cèdent désormais la place à la synthèse, fût-elle réductrice, et à l’émotion. Votre discernement est aujourd’hui mis à rude épreuve. La bataille des perceptions a été illustrée à de multiples reprises sur nos théâtres d’opérations, elle l’est également depuis le début du conflit qui oppose la Russie et l’Ukraine, et plus récemment lors de l’attaque terroriste contre Israël. Dans ce domaine, la Vision stratégique du Céma de « gagner la guerre avant la guerre » dès le stade de la contestation constitue dès maintenant un défi quotidien. La table ronde dédiée à la « bataille de l’infosphère » vous sensibilisera avec des sujets que vous devrez maîtriser pour garantir le succès de vos missions.
Après les milieux terrestre, naval et aérien, les oppositions se manifestent désormais dans l’espace extra-atmosphérique et le cyberespace. L’absence de frontière, la difficulté de désigner un agresseur autorisent toutes les audaces. La création des commandements de la cyberdéfense et de l’Espace témoigne, s’il en était besoin, de l’avènement de ces nouveaux champs de conflictualité dans les guerres d’aujourd’hui. La présentation du commandant de l’Espace vous permettra de mieux comprendre les enjeux de son domaine, la nature transverse de ses missions mais également les métiers et les perspectives de carrière qui s’offriront à certains d’entre vous.
La numérisation et la miniaturisation ont marqué l’évolution des systèmes d’armes au XXe siècle sans remettre profondément en cause ni la nature des équipements, ni les terrains d’affrontement qu’ils soient terrestre, naval ou aérien. Le développement continu des moyens de calculs, les progrès réalisés dans des domaines tels que ceux des nanotechnologies, de la biologie ou de l’Intelligence artificielle (IA) permettent d’entrevoir de nouvelles applications militaires : systèmes de drones, armes à énergie dirigée, augmentation des capacités du soldat. La conférence du Délégué général pour l’armement (DGA) vous apportera un éclairage sur la conception de nos futurs systèmes de défense et l’importance pour notre souveraineté du maintien d’une Base industrielle et technologique de défense (BITD) nationale.
Le statut du militaire doit être expliqué et défendu. Il n’est pas figé et doit évoluer afin de suivre les mutations de la société : liberté d’expression des militaires, participation à la vie de la nation, travail des conjoints, rémunération… opérations en coalition, exercices multinationaux, programmes de défense en coopération… Toutes ces activités reposent sur un socle juridique qui les encadre et protège les protagonistes. Le ministère des Armées reste le principal investisseur de l’État, son budget doit être expliqué et défendu tout au long de l’année, et plus particulièrement lors de la préparation des lois de programmation militaire (LPM) et des lois de finance. L’intervention du Secrétaire général pour l’administration (SGA) lèvera le voile sur ces domaines indispensables au soutien de vos activités mais aussi à votre moral et à celui de vos familles.
Vos dernières années de lycéens et vos premières années dans l’enseignement supérieur ont été marquées par une crise sanitaire d’une ampleur inédite qui a renforcé l’utilisation des communications numériques et plus particulièrement des réseaux sociaux. Vous avez pu en mesurer tous les bienfaits, mais aussi toutes les limites. Aujourd’hui, vous n’êtes plus tout à fait les étudiants que vous étiez il y a encore quelques mois lorsque vous vous êtes engagés. Unis par la volonté de servir et de défendre votre pays, chacun de vos milieux ou domaines d’expertises a commencé à vous forger. Profitez de cette semaine pour aller à la rencontre des autres écoles.
Mieux se connaître pour mieux se comprendre. J’espère que 2024 restera synonyme du Sigem, lieu d’échanges et d’ouverture avec vos camarades des autres armées, directions et services.
Bonne semaine à tous ♦