Union française - Le discours du président de la République à Marseille - L'assassinat de M. Jacques Lemaigre-Dubreuil à Casablanca - Nomination de M. Gilbert Grandval en remplacement de M. Lacoste - Les projets de réforme en Algérie - Fixation des débats sur la ratification des conventions franco-tunisiennes à l'Assemblée nationale - La situation politique au Vietnam
Le 25 juin 1955, le président de la République, M. René Coty, prononçait à Marseille un très important discours consacré aux affaires d’outre-mer. Nous relèverons les phrases suivantes qui expriment la fermeté de l’attitude de la France : « Le but est clair. On veut nous affoler et nous décourager. Cela nous dicte notre premier commandement : le sang-froid, qui seul permet la constance et la fermeté dans l’action. Les exagérations, les outrances et surtout la violence, l’abominable violence, ne peuvent que desservir les causes qu’elles prétendent défendre. » Après avoir longuement évoqué la vocation missionnaire de la France, le président de la République a conclu en ces termes : « Non ! les pays que la France a civilisés et fécondés, elle ne les abandonnera pas à un fanatisme impérialiste qui les mènerait à la pire des régressions, à une ségrégation raciale et confessionnelle étrangement anachronique en un temps où les peuples, de plus en plus conscients de leur interdépendance, ne peuvent aller vers la paix et la sécurité, la liberté et la prospérité, qu’en élargissant et en organisant leur solidarité. »
Afrique du Nord
Maroc
L’assassinat de M. Jacques Lemaigre-Dubreuil [NDLR 2023 : homme d’affaires en faveur de l’autonomie du Maroc] à Casablanca a de nouveau attiré l’attention sur le contre-terrorisme au Maroc. Le Gouvernement a immédiatement envoyé sur place M. Roger Wybot, directeur de la Sûreté territoriale. Si la mission de M. Wybot n’a pu aboutir immédiatement à l’arrestation des coupables, elle a néanmoins permis de mettre à jour certaines responsabilités dans des actes antérieurs de contre-terrorisme et douze arrestations ont été opérées, dont sept policiers. Le Gouvernement a, d’autre part, fait connaître son intention de procéder à des mutations dans le personnel administratif de la Résidence, certains fonctionnaires opposant une résistance passive à la politique gouvernementale. M. Francis Lacoste, auquel il n’est par ailleurs fait aucun reproche, abandonne son poste de Résident général de France au Maroc ; il est remplacé par M. Gilbert Grandval, ex-chef de la mission diplomatique française en Sarre. M. Grandval a déjà fait des déclarations empreintes de fermeté, disant notamment : « Il faut que le représentant de la République se fasse respecter. En le faisant, il fait respecter la France. »
Le chef du Gouvernement, M. Edgar Faure, a défini devant l’Assemblée nationale une politique marocaine caractérisée par l’abolition progressive de l’administration directe et la formation d’institutions modernes, et il l’a justifiée par deux considérations : le retour à l’esprit du protectorat et l’évolution des peuples musulmans. Parlant du problème dynastique marocain, M. Edgar Faure a d’autre part déclaré, au cours d’une conférence de presse, que cette question était essentiellement et exclusivement marocaine.
Fin juin de grandes manœuvres interarmes ont eu lieu au Maroc groupant près de 20 000 hommes.
Algérie
Les accrochages entre les forces de l’ordre et les rebelles ont continué dans le Constantinois, la Kabylie et l’Aurès. La 2e Division d’infanterie motorisée a quitté la région de Nancy pour l’Algérie ; cinq demi-contingents de disponibles, soit 8 000 à 10 000 h ont été rappelés.
D’importantes opérations de police ont eu lieu dans les villes principales où plusieurs milliers de personnes ont été interpellées ; 350 arrestations environ ont été opérées. Ces mesures semblent avoir jeté le désarroi dans l’organisation des rebelles, si l’on en croit les consignes du Front de libération nationale (FLN) qui déclarent : « Jusqu’au 30 juin inclus, ordre est donné à tous les dirigeants et militants de cesser toute activité. Aucune réunion, aucun contact personnel ne devront être pris ou organisés. »
Le comité de coordination gouvernemental a retenu le principe de mesures économiques d’urgence à prendre en Algérie, notamment la détaxation du prix de certains produits de première nécessité et l’autorisation pour le Gouverneur général d’engager les crédits nécessaires pour résoudre certains problèmes économiques et sociaux. Dans son rapport au Conseil économique, M. Delavignette a souligné que l’Algérie justifiait un effort d’investissement plus élevé par sa position clé au seuil des territoires africains dont elle commande l’accès.
M. Soustelle, Gouverneur général de l’Algérie, a présenté au Gouvernement un mémorandum sur les problèmes algériens ; il lui a demandé de définir nettement et rapidement une politique de réformes.
Tunisie
Après la fièvre joyeuse qui pendant trois jours a marqué le retour de M. Habib Bourguiba à Tunis [NDLR 2023 : le 1er juin 1955 après sa détention en France], le calme est revenu dans la capitale de la Régence et n’a pas cessé de régner dans tout le pays.
Le Gouvernement est résolu à faire ratifier les conventions franco-tunisiennes avant les vacances d’été parlementaires, et il semble, que, malgré leurs tentatives pour susciter une opposition à l’Assemblée nationale, les milieux français de Tunisie soient déjà résignés et s’attendent à cette ratification, dont les débats auront lieu les 7 et 8 juillet 1955.
Afrique noire
L’Assemblée de l’Union française a examiné une proposition de résolution tendant à demander à l’Assemblée nationale de procéder à la révision du titre VIII de la Constitution ; les tendances fédéralistes se sont nettement fait jour à cette occasion.
M. Bayrou, secrétaire d’État à la France d’Outre-mer a évoqué, devant le Grand Conseil de l’Afrique équatoriale française (AEF), les réformes essentielles et urgentes qui ont pour objectif la modernisation de l’Afrique rurale, l’application de la loi municipale, et la création de conseils de région. Envisageant les réformes de structure intéressant l’ensemble de l’Afrique française, le Secrétaire d’État s’est prononcé pour une coordination à tendance fédérale se traduisant par une très large décentralisation qui devrait renforcer les pouvoirs des assemblées locales, tendre vers une auto-administration progressive, et, simultanément, fixer une fois pour toutes les pouvoirs réservés à l’État, sans contestation possible pour l’avenir.
États associés d’Indochine
Vietnam
Le conseil de famille impériale, réuni à Hué, a prononcé la déchéance de l’empereur Bao-Daï, qui a immédiatement riposté en déclarant que ce conseil n’avait plus d’existence légale.
Les forces hoa-hao se trouvaient au début du mois encerclées par les troupes gouvernementales dont l’aviation est entrée en action. Cinq bataillons se sont ralliés à l’armée nationale que le président Ngo-dinh-Diem a félicité pour ses succès.
Le chef du gouvernement vietnamien a déclaré qu’une assemblée élue déterminerait le régime vietnamien et les conditions des élections de 1956. M. Nguyen-Huu-Chau, ministre délégué à la Présidence du conseil, s’est rendu à Paris et à Londres pour discuter de l’organisation de ces élections.
Le Conseil des ministres a désigné M. Henri Hoppenot pour succéder au général Ély comme Commissaire général de France en Indochine. ♦