Union française - Sanglants évènements au Maroc - Les entretiens d'Aix-les-Bains - Tentatives d'insurrection dans le département de Constantine - Approbation par le Parlement des conventions franco-tunisiennes - La question des élections au Vietnam
Des événements tragiques ont marqué la vie politique du Maroc et de l’Algérie au cours des mois de juillet et d’août au lendemain même de l’approbation par l’Assemblée Nationale des conventions entre la France et la Tunisie.
Au Vietnam, l’intérêt se concentre sur les futures élections ; le gouvernement du Sud-Vietnam n’a pas encore défini nettement sa position à ce sujet.
Afrique du Nord
Maroc
La visite du nouveau résident général de France au Maroc, M. Granval, à Casablanca avait été très bien accueillie dans les quartiers arabes où il avait été acclamé aux cris de : « Vive Granval – Vive Mohammed ben Youssef ». Ces démonstrations significatives exprimaient l’espoir des nationalistes marocains de voir le nouveau résident inaugurer, en ce qui concerne la question du trône, une politique tranchant sur celle de ses prédécesseurs. Dès son arrivée, M. Granval prenait des mesures de clémence très larges vis-à-vis d’internés, d’interdits de séjour ou de refoulés marocains pour raisons politiques.
Certains milieux français du Maroc se sont inquiétés de ce qu’ils pensaient être une politique radicalement nouvelle et quand, le 14 juillet 1955 dans la nuit, un odieux attentat coûtait la vie à 6 Européens à Casablanca, la passion se déchaîna et des émeutes eurent lieu, fait d’abord des Européens, puis des Marocains ; au total on comptait en trois jours 60 morts et plus de 100 blessés. Le Résident général décrétait l’état de siège et faisait le 15 juillet 1955 la déclaration suivante : « Il faut qu’Européens et Marocains sachent que les coupables de l’attentat de Mers-Sultan ont un objectif précis, qui est de rendre impossible l’évolution politique que j’ai pour mission d’amorcer et qui, seule, peut permettre de faire renaître la confiance et de restaurer une véritable sécurité. Mais il faut aussi que du côté européen l’on comprenne que les graves exactions d’aujourd’hui font exactement le jeu des ennemis de la France et du Maroc et retardent le jour où chacun connaîtra de nouveau la joie de vivre dans le calme et la tranquillité. »
Le 21 juillet 1955, le Résident général se rendait à Marrakech et y était accueilli par des manifestations nationalistes suivies d’incidents sanglants qui auraient fait dix morts et une trentaine de blessés.
Des mesures d’expulsion étaient prises contre une quinzaine d’Européens, Français et étrangers, dont le docteur Causse, président du groupement « Présence française », accusé d’avoir une responsabilité personnelle certaine dans les événements de Casablanca et d’avoir cherché à porter une atteinte grave à l’autorité du Résident général en tentant une démarche inconsidérée auprès du Glaoui, pacha de Marrakech.
La situation était très tendue dans le protectorat, où les éléments adverses sentaient que le moment des décisions gouvernementales approchait. On craignait que l’anniversaire de la déposition de l’ex-sultan, le 20 août, soit le signal d’une nouvelle flambée d’agitation et de terrorisme, et le gouvernement avait fait connaître son plan : en premier lieu inviter le sultan Ben Arafa à constituer un gouvernement représentatif de toutes les tendances marocaines : en cas d’échec du sultan, convoquer les représentants de l’opinion marocaine à un dialogue avec un comité gouvernemental français. La première partie de ce plan n’était que de pure forme, mais les nationalistes marocains y virent une tentative pour maintenir le statu quo. Le 20 et le 21 août 1955, des tribus berbères déferlaient sur les quartiers européens d’Oued Zem et de Khénifra et s’y livraient à d’épouvantables massacres : près d’une centaine d’Européens, parmi lesquels des femmes et des enfants, trouvaient une mort horrible au cours de ces journées dont le souvenir n’est pas près de s’effacer. La répression se devait d’être particulièrement sévère et on chiffre à plus de 700 le nombre des émeutiers tués au cours des opérations du maintien de l’ordre.
Le gouvernement français décida que l’urgence des conversations avec les représentants marocains était rendue plus grande encore par ces tragiques événements, et le comité des cinq prit contact avec les délégations marocaines, le 22 août 1955 à Aix-les-Bains, et poursuivit ses entretiens jusqu’au 27. La position du gouvernement ne semble pas encore nette quant à la solution à adopter : il apparaît que des tendances diverses s’opposent en son sein même. On peut cependant dès maintenant annoncer comme inéluctables le départ du sultan Ben Arafa, et la constitution d’un gouvernement représentatif marocain. Mais il subsiste un redoutable écueil : la plupart des nationalistes marocains réclament au minimum la « caution » de l’ex-sultan, à défaut de son retour, pour la constitution de ce gouvernement ; le chef du gouvernement français acceptera-t-il cette exigence et pourra-t-il la faire accepter à tous ses ministres ?
Algérie
Les opérations contre les rebelles se sont poursuivies en Algérie, et le Gouverneur général, M. Jacques Soustelle, pouvait, en juillet, informer le gouvernement que l’action militaire et de sécurité avait réussi à désorganiser de nombreux réseaux de rébellion. Il notait également qu’on observait depuis peu un net revirement en faveur de la France et que de nombreux volontaires musulmans se présentaient pour s’enrôler dans la police locale.
Les événements n’ont hélas pas répondu à cet optimisme. Les rebelles, choisissant précisément la date du 20 août 1955, où tous les yeux étaient tournés vers le Maroc, ont déclenché dans le département de Constantine une action terroriste d’ensemble dont les centres principaux ont été Philippeville, Constantine et Oued-Zenatti ; à Philippeville seulement, soixante-sept victimes européennes ont été dénombrées. La riposte des forces armées fut immédiate grâce à l’état d’alerte et l’ordre fut rétabli très rapidement.
Les enquêtes menées dès le lendemain de cette nouvelle tentative d’insurrection ont permis d’établir que les rebelles avaient contraint les habitants de certains douars à les accompagner, et les avaient souvent lancés à l’attaque en s’abritant derrière eux.
Tunisie
L’Assemblée nationale a voté par 538 voix contre 44 et 29 abstentions le projet de loi autorisant le président de la République René Coty à ratifier les conventions entre la France et la Tunisie. L’importance de cette majorité conférera un poids encore plus grand à ces conventions tant auprès de l’opinion française et tunisienne que de l’opinion mondiale.
L’agitation sociale, qui paraît gagner du terrain, inquiète actuellement le gouvernement tunisien.
États associés d’Indochine
Vietnam
Les combats se poursuivent entre l’armée nationale et les Hoa-Hao. Le 20 juillet 1955, de violentes manifestations ont eu lieu à Saïgon, au cours desquelles les hôtels où se trouvaient les membres de la Commission internationale de contrôle ont été mis à sac. La foule a montré de manière presque hystérique son hostilité aux Accords de Genève et à la France.
C’est à partir du 20 juillet que devraient s’ouvrir des consultations entre les autorités des deux zones pour préparer les élections de 1956. Il semble que le président Diem tirera argument des combats engagés contre les sectes pour repousser cette échéance ; il sera probablement appuyé par le Gouvernement des États-Unis, tandis que la France et la Grande-Bretagne insisteront pour que les pourparlers s’engagent effectivement à la date indiquée. Le gouvernement de M. Diem n’a pas encore fait connaître officiellement sa position. ♦