Union française - Coup de théâtre au Maroc - La situation militaire en Algérie - La campagne contre les conventions franco-tunisiennes - Le référendum au Sud-Vietnam
Afrique du Nord
Maroc
La délégation du sceau, faite par le sultan Ben Arafa à un membre de sa famille avant son départ pour Tanger, a créé pendant quelques jours une équivoque, car elle s’accordait mal avec la création d’un Conseil du trône. Ce Conseil n’en a pas moins été mis en place, avec non pas trois mais quatre représentants des différentes tendances marocaines. Si Bekkaï, ancien officier de l’armée française, en est le membre le plus important. Si Fatmi Ben Slimane a été désigné par le Conseil du trône pour former un gouvernement marocain et a accepté cette mission.
Il semblait que le futur président du Conseil marocain se heurterait à de grosses difficultés pour la formation de son gouvernement ; l’Istiqlal, en effet, refusait d’y participer et le Parti démocratique de l’indépendance montrait quelque réticence, malgré l’approbation donnée par Sidi Mohamed Ben Youssef à la composition du Conseil du trône. C’est alors que le pacha de Marrakech, El Glaoui, opérant un revirement total, se ralliait publiquement à l’ancien sultan. L’unanimité marocaine se faisait ainsi en faveur de la restauration de Sidi Mohammed Ben Youssef, et, conséquence logique, Ben Arafa annonçait au président de la République française qu’il avait décidé d’abdiquer. Les membres du Conseil du trône ont de leur côté présenté leur démission, estimant leur rôle terminé.
Les derniers obstacles au retour de l’ancien sultan ont donc disparu. Sidi Mohammed Ben Youssef a regagné la France par avion ; il a conféré avec M. Pinay, ministre des Affaires étrangères, le 1er novembre 1955. L’entretien a porté sur son retour au Maroc, sur la formation d’un gouvernement et sur les réformes propres à assurer la progression du Maroc dans l’interdépendance avec la France.
Algérie
Dans l’Oranais nos troupes sont parvenues à contrecarrer les intentions des rebelles qui cherchaient à soulever les tribus de la frontière algéro-marocaine et à constituer ainsi un front continu entre les deux pays. L’appel lancé du Caire par Si Allal El Fassi pour l’unité de la révolte du Maghreb explique cette tentative dont l’inspiration et la direction étrangère ne peuvent plus faire de doute.
Le bilan officiel des pertes en Algérie du 1er novembre 1954 au 30 septembre 1955 s’établit ainsi : forces de l’ordre 317 tués, 578 blessés, 28 disparus ; rebelles 2 176 tués, 227 blessés dénombrés, 3 090 prisonniers ; civils (européens et musulmans) 353 tués, 231 blessés, 158 disparus.
Tunisie
Malgré les efforts de M. Habib Bourguiba en vue d’un rapprochement, M. Salah Ben Youssef a entamé en octobre une violente campagne contre les conventions franco-tunisiennes. Le bureau politique du Néo Destour décidait, le 13 octobre 1955, de l’exclure du parti et prononçait par la suite de nombreuses autres exclusions contre certains de ses partisans.
M. Salah Ben Youssef a publiquement annoncé qu’il n’acceptait pas cette décision ; avec un succès non négligeable, il poursuit dans la Régence sa propagande en faveur de l’indépendance totale de la Tunisie. L’éclatement du Néo Destour est donc consommé ; selon un processus bien connu, M. Habib Bourguiba se voit dépassé par une fraction extrémiste de son propre parti, qui, jouant d’une démagogie facile aidée par un nationalisme encore vibrant, peut entraîner dans son sillage une certaine proportion du peuple tunisien.
Indochine
Vietnam
Le 7 octobre 1955, le président Diêm annonçait l’organisation d’un référendum pour le 23 octobre 1955. Le but de cette consultation était de permettre au peuple vietnamien de choisir entre Bao-Daï et Ngo-Dinh-Diêm. Sortant de la réserve dans laquelle il s’était enfermé depuis l’époque où les sectes opposées à Ngo-Dinh-Diêm avaient fait appel à lui, Bao-Daï se hâtait d’annoncer qu’il mettait fin à la mission qu’il avait confiée au Président du conseil vietnamien et annulait les pleins pouvoirs qu’il lui avait délégués.
La riposte venait trop tard et l’absence prolongée de l’empereur jouait contre lui. Fort de l’appui des réfugiés du Nord, maître de la situation à Saïgon et dans les grandes villes après avoir refoulé la dissidence Binh-Xuyên et Hoa-Hao dans un maquis de plus en plus désespéré, le président Diêm organisa le référendum sur des bases telles que son succès ne pouvait faire aucun doute.
En raison de la censure très sévère qui règne depuis plusieurs mois au Sud-Vietnam, peu de détails sont parvenus sur le déroulement de la consultation ; les résultats officiels ont fait apparaître une majorité écrasante en faveur de Ngo-Dinh-Diêm.
La République a donc été proclamée à Saïgon le 26 octobre 1955 en même temps qu’un acte constitutionnel provisoire décrétait Ngo-Dinh-Diêm président de la République ; il exercera en même temps les fonctions de chef de l’État et de chef du gouvernement.
Il apparaît que la France n’a pas l’intention de marchander la reconnaissance des résultats du référendum. Le Gouvernement français a pris acte de l’élection de M. Diêm comme chef de l’État vietnamien.
Une des premières décisions du gouvernement du nouveau Président a été de dénoncer les accords monétaires franco-vietnamiens du 30 décembre 1954. On peut s’attendre désormais à ce que le président Diêm, fort de son succès, s’oppose avec plus de fermeté encore à l’organisation des élections prévues en 1956 et qui devaient décider du sort du Vietnam dans son ensemble ; on assisterait alors à une cristallisation politique territoriale du genre de celle qui a suivi la fin de la guerre de Corée. ♦