Étoiles et Tempêtes
« Ce livre est celui d’une jeunesse entièrement consacrée à la haute montagne », dit l’auteur. Il y déploie en effet bien des vertus de la jeunesse et les prouesses qu’il raconte ont été accomplies en pleine adolescence. Mais c’est surtout le livre d’un homme animé d’un grand idéal : celui de se surpasser dans l’effort et le risque gratuits. Tel qu’il surgit de ce livre, Gaston Rebuffat est de ceux auxquels il faut laisser la parole. Mieux que quiconque il sait dire sa foi, sa volonté, les joies exaltantes que procurent la difficulté toujours vaincue, le danger considéré comme une nourriture quotidienne, mieux que personne il sait exprimer la poésie qui chante en lui et l’amour qu’il voue à la montagne, esprit de son esprit, chair de sa chair.
Certes, on peut grimper pour grimper, mais il me semble que là n’est pas notre vocation. Il ne nous suffit pas d’être spectateur ou machine à grimper. Il faut que nous soyons de la nuit, de la montagne, autrement qu’en témoin… En fin de journée, l’alpiniste cherche un replat, pose son sac, plante un piton et s’y attache… C’est le début d’une nuit d’inaction et d’insomnie. Tout racorni de froid, accroché par un piton comme un tableau contre le mur, nous ne vivons que dans l’attente du soleil. Le ciel est beau comme une robe du soir… Après l’effort dur et acrobatique de l’ascension (l’alpiniste) contemple, comme le poète, mais mieux que lui s’intègre à la vie de la montagne. L’homme qui bivouaque lie sa propre chair à la chair de la montagne… Les étoiles piquées dans le ciel scintillent : le montagnard peut les contempler, mais d’abord elles vivent et, aussi, lui appartiennent un peu : d’elles dépend son sort…
Et tandis que dans la vallée l’électricité les a définitivement évincés, là-haut les cristaux d’or sont un peu de sa chair qui tressaille. ♦