Militaire - La réorganisation des Divisions américaines - La mort du Maréchal Paulus
La réorganisation des divisions américaines
Le Haut Commandement américain a établi un plan de réorganisation des divisions de l’armée de terre dans un triple but :
1° Répondre à la fois aux besoins des opérations de guerre conventionnelle et à ceux des opérations atomiques, d’où le maintien dans les divisions d’armes classiques et le renforcement de ces grandes unités par des armes atomiques (obusiers de 208 et fusées Honest John).
2° Faciliter la défense dans toutes les directions en remplaçant l’ordre ternaire actuel par l’ordre quaternaire ou quinquennaire. Ce dernier permet de disposer d’une réserve au centre du dispositif.
3° Limiter la vulnérabilité des unités en réduisant leurs effectifs. C’est ainsi que le régiment et le bataillon d’infanterie sont supprimés et remplacés par le « combat group » de 1 200 hommes. Les économies réalisées sur l’ensemble des 19 divisions américaines rendraient possible la constitution de groupements nouveaux dotés d’armes atomiques. Ce plan intéresserait tous les types de divisions de l’armée de terre : DI-DB-DAP (infanterie, blindée et aéroportée).
Déjà, l’une des trois divisions aéroportées américaines, la 101e, est réorganisée sur ce nouveau type, dit « pentomique » ; elle a fait l’objet de nombreuses expériences. Elle comprend :
• 1 bataillon de commandement ;
• 5 « combat groups » de chacun :
– 1 compagnie de commandement,
– 3 compagnies de fusiliers,
– 1 batterie de mortiers lourds ;
• 1 artillerie divisionnaire à 5 batteries d’obusiers de 105 et 1 de fusées Honest John (762 mm) ;
• 1 bataillon du génie ;
• 1 bataillon de transmissions ;
• 1 groupe des services (1 bataillon de réparations, 1 compagnie de transport, 1 compagnie médicale).
Son effectif est de 11 300 h au lieu de 17 200 et son transport n’exige plus que 600 avions au lieu de 1 000. La nouvelle DI est du type quinquennaire avec :
– 5 « combat groups » ;
– 1 bataillon de chars à 5 escadrons de combat ;
– 1 bataillon d’obusiers à 5 batteries de tir ;
– 1 bataillon mixte d’artillerie à 5 batteries dont 1 de fusées Honest John ;
– 1 bataillon du génie ;
– 1 bataillon des transmissions ;
– 1 commandement des services.
La DB ne comporterait que peu de modifications : la composition du bataillon d’obusiers de 155 serait modifiée pour le doter d’une batterie d’Honest John.
Cette réforme de l’armée de terre s’accompagne de décisions importantes du secrétaire d’État à la Défense. Dans un mémorandum, M. Wilson a précisé les missions des trois armées : terre, air, mer, et la répartition entre elles des engins guidés.
Les responsabilités de l’US Army sont limitées géographiquement sur les champs de bataille à une profondeur de 200 miles (825 km environ). Au-delà de cette limite commence la zone de l’US Air Force, même en ce qui concerne l’appui tactique.
Les matériels d’aviation de l’armée de terre ne doivent pas dépasser à vide le poids de 5 000 livres, sauf pour les hélicoptères. Ils sont prévus pour intervenir dans une zone dite zone de combat (d’une profondeur de 100 km de part et d’autre de la ligne de contact avec l’ennemi) ainsi que pour assurer des missions particulières, telles que liaisons, observations d’artillerie, reconnaissances rapprochées, évacuations de blessés.
M. Wilson a également apporté des précisions dans le domaine des engins balistiques.
L’armée de terre doit restreindre ses études à des projectiles guidés ou balistiques d’une portée de 200 miles au plus, portée qui correspond à la profondeur du champ de bataille où s’exerce son action, compte tenu de la distance à laquelle seront déployées, en arrière du front, les unités d’engins et qui est évaluée à 100 miles.
Cette décision laisse à l’armée de l’air les études des engins balistiques de moyenne et longue portée.
Ainsi semble terminée la querelle qui a opposé l’an dernier l’armée de terre et la marine à l’aviation et qui a été évoquée lors des débats sur les budgets militaires. Cependant, ces directives, qui favorisent l’aviation, ont provoqué une réelle amertume dans les milieux de l’armée de terre.
L’examen du prochain budget nous dira si l’armée de terre, qui compte de nombreux défenseurs au Congrès, a définitivement renoncé à défendre son point de vue.
La mort du maréchal Paulus
Le 2 février 1957, s’éteignait à Dresde, à l’âge de 66 ans, le maréchal allemand Paulus.
Curieuse coïncidence : 14 ans plus tôt, le 2 février 1943, le maréchal capitulait à Stalingrad, événement qui mettait fin en Russie à la légende de l’invincibilité du militarisme prussien.
Fils d’un petit fonctionnaire, Paulus débuta dans l’armée en 1910. Il fit la guerre 1914-1918 dans l’infanterie. En 1939-1940 il participa aux campagnes de Pologne et de France, comme chef d’état-major de l’armée Reichenau. Puis, en 1941, il commanda une armée blindée sur le front russe, enfin, la 6e armée à Stalingrad. Obéissant strictement aux ordres d’Hitler, il se laissa encercler le 22 novembre 1942 et refusa de tenter une percée pour rejoindre les forces allemandes. Il comptait sur l’armée Manstein chargée d’opérer la jonction.
Il fut promu maréchal 46 heures avant sa reddition : le 31 janvier 1943.
Son allocution à la radio de Moscou, le 8 août 1944, lui a donné une certaine célébrité. En fait, son rôle en captivité a été exagéré : seuls des éléments de son armée ont fait quelques cours politiques dans les camps de prisonniers allemands en Russie. D’ailleurs, Paulus jouissait de peu de sympathie parmi les anciens combattants de Stalingrad qui lui reprochaient de les avoir sacrifiés aux ordres d’Hitler. Sa décision s’explique par certaines sanctions à l’égard de grands chefs allemands qui avaient abandonné le terrain conquis. C’est ainsi que le général Hoppner, commandant un corps d’armée blindé devant Moscou en 1941, qui, pour échapper à l’encerclement battit en retraite, fut placé en non-activité avec interdiction de porter l’uniforme.
Paulus rentra en Allemagne orientale en octobre 1953 après avoir déclaré : « Je suis venu en URSS en ennemi, je la quitte en ami ».
En rapatriant Paulus, le gouvernement de l’Allemagne orientale et sans doute le gouvernement soviétique comptaient sur son influence auprès des anciens combattants et surtout auprès des anciens officiers pour les mettre en garde contre le réarmement allemand et la Communauté européenne de défense (CED), et pour les encourager à adopter une politique neutraliste.
Le maréchal fit de nombreuses conférences en Allemagne orientale, où il exposait des thèses neutralistes, anticolonialistes et se prononçait contre le NATO et la politique militariste d’Adenauer.
La mort de Paulus fut annoncée par un communiqué du Front national de la RDA qui voit en lui « le chef militaire connu qui, à travers le passé sombre de l’histoire allemande marqué par le nom de Stalingrad, a reconnu l’avenir pacifique du peuple allemand »… « le patriote libéré des chaînes du passé qui ne veut pas que sa patrie soit un champ de manœuvres et de bataille des puissances impérialistes et du militarisme allemand ».
« En fait, Paulus ne fut ni un symbole, ni un drapeau, mais un homme dépassé par les événements, responsable de l’agonie d’une armée. » ♦