Union française - L'affaire algérienne de l'ONU - Reprise des négociations franco-tunisiennes - La situation au Maroc - Infiltration d'éléments étrangers en Mauritanie
Afrique du Nord
Algérie
Le mouvement de grève déclenché par le Front de libération nationale (FLN) en fin janvier 1957 s’est lentement désagrégé au début de février, tandis que s’ouvrait devant la Commission politique de l’ONU le débat sur l’Algérie. M. Pineau, ministre des Affaires étrangères, se tint rigoureusement à la tactique décidée par le gouvernement français : d’une part ne pas refuser le débat, mais au contraire ouvrir très largement le dossier des réalisations françaises en Algérie dans tous les domaines, exposer les exactions, pillages et assassinats des rebelles, dénoncer les ingérences étrangères ; d’autre part dénier catégoriquement toute compétence à l’ONU dans une affaire purement interne. La franchise et la densité des exposés du ministre et des autres délégués français, parmi lesquels se trouvait M. Soustelle, atteignirent leur but : convaincre du bien-fondé de l’attitude française les nations qui, sans nous être hostiles, hésitaient sur la position à prendre en l’absence d’informations suffisantes. Nos adversaires irréductibles se trouvèrent, de ce fait, contraints à dévoiler leur jeu et se livrèrent à des attaques dont ils ne purent cacher la hargne et le caractère de dénigration systématique.
Le rejet, devant la Commission politique, de la motion afro-asiatique, qui nous était résolument hostile, constituait un premier succès pour la France. L’adoption de la motion latino-américaine aurait consolidé ce succès si une troisième motion, présentée par la Thaïlande, le Japon et les Philippines, n’avait pas été votée immédiatement après : cette dernière, en effet, sous-entendait, sans l’exprimer clairement, la compétence de l’Organisation mondiale. Enfin, devant l’Assemblée générale, une motion de synthèse réunissait l’unanimité sur un texte qui n’impliquait aucune condamnation de la France et se bornait à souhaiter un cessez-le-feu.
La menace d’une internationalisation de l’affaire algérienne, devant laquelle le gouvernement français avait d’ailleurs formellement déclaré qu’il ne s’inclinerait pas, a donc été écartée. Nos amis, et particulièrement les États-Unis, ont reconnu nos difficultés, nos efforts, notre volonté de poursuivre les réformes. Cependant l’exposition devant l’opinion publique internationale de nos problèmes internes et l’aide que nous avons demandée aux nations amies à l’occasion des votes à l’ONU implique de la part de la France l’engagement moral de parvenir rapidement à une solution en Algérie ; le gouvernement français et les partis politiques de la majorité en sont pleinement conscients ; des initiatives importantes sont donc à prévoir dans un très proche avenir.
Chez les rebelles, le vote de l’ONU a créé un certain désarroi que viennent encore d’augmenter les nombreuses arrestations de chefs du FLN opérées tant en France qu’en Algérie ; d’importants documents et 78 millions de francs ont été saisis au cours de ces arrestations. Il semble donc que le FLN, dans ces conditions, pourrait être amené à saisir l’offre de cessez-le-feu du gouvernement français et à jouer le jeu des élections libres dans les trois mois, en espérant obtenir la majorité.
Tunisie
M. Georges Gorce, nouvel ambassadeur de France en Tunisie, a présenté ses lettres de créance au bey le 5 février 1957.
Arrivé à Tunis le 14, M. Maurice Faure, secrétaire d’État aux Affaires étrangères, a procédé à des conversations avec M. Bourguiba. À la suite de son voyage, les négociations franco-tunisiennes, interrompues depuis octobre 1956, vont reprendre. Le gouvernement tunisien souhaite en particulier discuter de la présence des troupes françaises en Tunisie, mais il apparaît que le gouvernement français lui opposera la nécessité de régler ce problème dans le cadre plus large d’un accord de défense commune.
Maroc
Au cours de son voyage, le sultan du Maroc Sidi Mohammed a développé l’idée d’une association des pays méditerranéens qui resserrerait les liens entre la France, l’Espagne, l’Italie et le Maroc. Il a d’autre part signé à Madrid, le 11 février 1957, la convention diplomatique hispano-marocaine qui réserve transitoirement à l’Espagne la représentation diplomatique du Maroc dans tous les pays de langue espagnole, c’est-à-dire pratiquement dans toute l’Amérique du Sud. Le gouvernement français a protesté contre les termes de cette convention qui lui paraissent contraires à ceux de la convention diplomatique précédemment signée entre la France et le Maroc.
Allal el Fassi a poursuivi, au début du mois, sa tournée de propagande dans le Sud marocain en faveur du rattachement au Maroc d’une partie du Sahara ; de son côté, le gouvernement marocain a exprimé publiquement le désir de procéder avec la France à la délimitation des frontières et de lier à ce problème celui de la présence des forces françaises au Maroc.
Afrique noire
Mauritanie
Une bande de partisans de l’Armée de libération marocaine, qui s’était introduite, au début de janvier, dans la région nord d’Atar, a pu être repérée aussitôt par les forces françaises et en grande partie décimée ; 25 rebelles ont été tués et 42 faits prisonniers.
Le 14 février un nouvel engagement avait lieu au Nord de Fort-Trinquet, un groupe de 200 assaillants ayant attaqué une patrouille française de quarante hommes qui, malgré ses pertes, réussit à les mettre en fuite.
Des dispositions de protection ont été prises en accord entre les autorités militaires françaises au Maroc et celles de l’Afrique occidentale française (AOF). D’autre part les autorités espagnoles du Rio de Oro ont manifesté leur désir de coopérer à la poursuite des éléments infiltrés et à leur mise hors d’état de nuire.
Il faut voir dans ces incidents les résultats de la propagande de Si Allal el Fassi et de la présence dans le Sud marocain de bandes de l’Armée de libération qui restent en marge des forces royales marocaines et n’obéissent qu’à leurs propres chefs. Ces incidents pèsent sur les relations franco-marocaines ; une définition des frontières franco-marocaines et un démenti non équivoque du gouvernement marocain infligé à la propagande de Si Allal el Fassi pourront, seuls, clarifier la situation.
La loyauté des tribus maures vis-à-vis de la France a été démontrée de façon éclatante en ces deux occasions. ♦