Editorial
Éditorial
Le mois prochain commencera une nouvelle législature, la 14e de la Ve République. La dimension européenne des politiques publiques de la France sera plus que jamais au cœur des choix du prochain quinquennat et cela vaudra aussi pour la politique de défense et de sécurité.
On va fêter ce 27 mai, peu après le Sommet de Chicago de l’Otan, le 60e anniversaire du Traité de la CED. Cette Communauté européenne de défense fut, en 1952, le premier avatar d’une « Europe de la défense » aujourd’hui enlisée du fait de dénis militaires, de budgets limités, de contradictions politiques et de scepticisme stratégique. Si depuis 60 ans l’Europe a consolidé une réelle communauté de destin et d’intérêt, constatons qu’aucun projet européen de sécurité et de défense n’a pu s’établir sur ce continent turbulent et couturé de cicatrices militaires. Hasardons quelques pistes pour expliquer cette lacune surprenante.
Placés depuis 1945 sous protection stratégique américaine, sommés de dénationaliser leurs défenses dans l’Alliance atlantique, les pays de l’Europe occidentale ont délégué leur défense à l’Otan. À la disparition de l’URSS, ils ont érigé leur communauté économique en union politique en 1991 à Maastricht, à un moment où l’urgence des crises reléguait la défense collective à l’arrière-plan. C’est à cette nécessité qu’ils se sont attelés avec l’objectif militaire global qu’ils se sont assigné à Helsinki en 1999. Quant aux pays européens libérés de la tutelle soviétique, ils ont réalisé en près de dix ans leur rêve d’intégrer l’Otan. Il n’y avait donc guère de place dans l’Union européenne pour une politique de défense commune, qui paraissait d’autant plus anachronique que les ennemis d’hier étaient les partenaires d’aujourd’hui et qu’on pouvait faire l’économie d’une politique de défense, dès lors que la sécurité de l’UE étant de facto garantie par la réassurance militaire de l’Alliance atlantique.
Seule la France, forte d’une posture stratégique propre acquise pendant la guerre froide, poussait au développement d’une capacité militaire autonome de l’Union européenne, qu’elle fût l’UEO, bras armé de l’UE, l’IESD, pilier européen de l’Otan, ou la gestion européenne des crises esquissée dès le Sommet de Saint-Malo en 1998. Mais, sortie de l’Otan militaire en 1965, la France la réintégrait en 2009 et rentrait à son tour dans le rang atlantique. Depuis pragmatisme et diversion sont la règle. Le projet s’est estompé.
Qualifiée bien légèrement d’« Europe de la défense », cette dynamique hier vertueuse est aujourd’hui au point mort. Et de fait, il n’y a plus ni besoin militaire avéré, ni espace politique structuré, ni projet opérationnel rêvé pour une structure militaire européenne introuvable. Alors pour entretenir cette hypothétique perspective, il reste les procédures managériales de partage de coûts et de risques, de mutualisation des intérêts industriels et la gestion de partenariats complexes et contradictoires avec les voisins américains et russes. À moins qu’une véritable ambition ou une forte nécessité européennes se fassent jour. ♦