Les contrats d’armement sont sources permanentes de conflits entre les industriels producteurs et l’État client. Une plus grande immixtion du juge est à prévoir, d’autant plus que les contentieux vont se développer du fait de la compression des dépenses militaires, de la restructuration de l’industrie française de la défense et de la diversification internationale des contractants de l’État.
Vers une juridictionnalisation des conflits liés aux contrats d’armement en France ?
Creating a legal link in France between conflict and arms contracts
Arms sales, and their contracts, are a permanent source of conflict between the industries that produce and the state, which is the customer. The legal system is sure to get more involved, particularly given the reduction in military spending, the restructuring of French defence industry and the international diversification of suppliers to the state.
On peut affirmer qu’il n’y a pas de tradition française de régulation juridictionnelle des différends pouvant intervenir entre État et industriels autour des contrats d’armement. En effet, hormis d’exceptionnelles décisions (1), il est possible de relever l’absence de recours habituel au juge pour trancher d’éventuels conflits sur le sujet. L’idée peut être justifiée, notamment, à partir de l’examen des rapports rendus par la Commission consultative du secret de la défense nationale, instituée par la loi du 8 juillet 1998. Ces rapports (2), synthétisant les avis rendus par la Commission, d’une part entre 1998 et 2004 et, d’autre part entre 2007 et 2010, indiquent qu’aucun contentieux contractuel concernant un contrat d’armement lié au secret de la défense nationale n’a été engagé (3).
L’exceptionnelle saisine du juge s’explique par le mode de résolution traditionnel des conflits entre pouvoirs publics et industriels de défense. En effet, plutôt qu’une régulation juridictionnelle, c’est une régulation administrative qui règle les désaccords occasionnés par les contrats d’armement. On l’a dit, « le contentieux entre l’État et ses cocontractants est rarement, pour ainsi dire jamais, porté devant le juge administratif, ni même devant les comités de règlement amiable des différends ; ce qui est une particularité des marchés de la défense par rapport aux contrats administratifs passés dans le domaine civil, qu’il s’agisse de marchés de fournitures ou de marchés de travaux. Les quelques affaires dont le Conseil d’État a à connaître relèvent du contentieux pour excès de pouvoir, c’est-à-dire de la contestation par leurs destinataires de la légalité des actes réglementaires du ministère de la Défense (4) ». Ainsi, ce sont les arrangements bilatéraux entre l’État et les industriels qui régulent les conflits. Les négociations entre parties, prenant en compte les intérêts militaires, mais aussi politiques, économiques et sociaux d’un contrat d’armement, d’où des effets et concessions réciproques, font office de mode alternatif de règlement des litiges.
La présente réflexion vise à démontrer qu’une « juridictionnalisation » des différends est possible, d’où un probable accroissement du recours au juge, en particulier le juge administratif du plein contentieux compétent pour juger de la responsabilité contractuelle de la puissance publique. On pourra le justifier en évoquant la vraisemblable permanence des conflits autour des contrats d’armement, qui peuvent donner lieu à une plus grande immixtion du juge.
Il reste 83 % de l'article à lire