Pensée militaire - La désinformation (3e partie)
La désinformation a vécu son ère de gloire en Union soviétique. Pendant sept décennies l’URSS a fait de cette redoutable dynamique de tromperie un mode permanent de gouvernement (1). La manœuvre fallacieuse a cependant été dénoncée par des intellectuels engagés. De grands écrivains russes, censurés dans leur pays, ont osé révéler par le biais de livres au succès planétaire les mensonges du communisme. Parmi les plus percutants : Victor Kravchenko (J’ai choisi la liberté, 1947), Boris Pasternak (Docteur Jivago, 1957) et surtout Alexandre Soljenitsyne (Une journée d’Ivan Denissovitch, 1962, L’archipel du goulag, 1973).
En France, la prise de conscience de ce phénomène pernicieux de la communication a été plus longue. Ainsi, « il aura fallu plus de deux ans pour faire admettre à l’Académie le mot désinformation jusqu’à ce qu’une majorité soit convaincue qu’il était bien nécessaire et entré dans l’usage ». Cette lacune historique avait été soulignée par Maurice Druon dans un message rédigé le 14 décembre 1985 à l’occasion du 350e anniversaire de l’Académie française. Au pays des droits de l’homme, c’est Vladimir Volkoff (1932-2005) (2) qui a le mieux sensibilisé l’opinion en publiant une série de romans et d’essais saisissants sur cette méthode perfide de l’intoxication : Le montage (1981), La désinformation, arme de guerre (1986), Petite histoire de la désinformation (1999), Désinformation, flagrant délit (1999), La désinformation vue de l’Est (paru en 2007, deux ans après la mort de l’auteur)…
À l’instar des dissidents soviétiques, des sommités françaises, d’abord attirées par le mirage communiste, ont également porté à la connaissance du public les duperies de l’appareil soviétique. Après avoir été invité à Moscou pour constater les réalisations établies dans la patrie de Lénine depuis la révolution d’octobre, André Gide (1869-1951) a de la sorte dressé un réquisitoire implacable sur la machination dont il avait été victime. En faisant paraître Retour de l’URSS (1936) puis Retouches à mon retour de l’URSS (1937), le lauréat du prix Nobel de littérature en 1947 a rapporté l’une des plus grandes impostures de l’Histoire. Dans le monde du spectacle, le très populaire chanteur et acteur Yves Montand (1921-1991), qui clamait ses fortes convictions dans la doctrine marxiste-léniniste, a aussi opéré un revirement spectaculaire au retour d’une tournée dans les pays de l’Est et après le choc de l’écrasement du printemps de Prague par les chars de l’Armée rouge. Comme André Gide, l’étoile de la scène française reconnaissait qu’elle avait été abusée par l’image idyllique et mensongère de l’homo sovieticus qu’on lui avait présentée.
Il reste 69 % de l'article à lire