La Bundeswehr et le retour aux traditions
Ce n’est pas seulement en France, à l’occasion des événements d’Afrique du Nord, que se posent les problèmes d’une reconversion de l’armée. Les discussions au sein de l’Organisation Atlantique à propos de l’efficacité du système de défense existant en sont un suffisant exemple. Dans le cas de la nouvelle armée allemande, la question prend un aspect particulier parce qu’elle s’applique à une armée qui vient à peine de renaître, pour laquelle un calendrier de reconstitution a été minutieusement établi et dont les responsables voient chaque jour, à propos des projets adoptés et déjà mis en application, s’élever des objections dont ils ne contestent pas le bien-fondé. Les puissances occidentales peuvent difficilement se désintéresser d’un état critique qui affecte l’un des partenaires de la coalition atlantique.
Bien que la loi militaire ait été votée à Bonn, on ne saurait dire que la Bundeswehr, au point où elle en est, justifie les craintes de ceux qui avaient redouté la formation d’une Wehrmacht très semblable à l’ancienne, ou la satisfaction qu’avaient éprouvée à la fois certains Allemands impatients de recouvrer la forme la plus visible de leur souveraineté, et les étrangers qui attendaient de l’Allemagne fédérale qu’elle renforçât sans tarder la défense occidentale. Aux États-Unis particulièrement, où l’on était convaincu que les Allemands offriraient le spectacle d’une renaissance militaire aussi rapide que l’avait été le redressement économique, la surprise, et, pour mieux dire, la déception était évidente.
En dépit du nombre et du volume des dossiers et fichiers accumulés durant des années par l’Office Blank, la remilitarisation allemande s’effectue dans une atmosphère d’hésitation et d’incertitude qui crée sur tout le territoire fédéral un visible malaise. Le réarmement allemand, dit-on couramment, a été lancé sur une mauvaise voie. Le vote en première lecture de la loi sur le service obligatoire a été obtenu au Bundestag après un débat qui est loin de contribuer à rétablir l’optimisme. Plus que tout autre impatient de disposer d’une armée suffisante, atout diplomatique et politique plus que militaire, le chancelier Adenauer avait déjà déclaré, en réponse à des instances américaines, qu’il était impossible d’accélérer le réarmement sans mettre en péril les conditions psychologiques de celui-ci.
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