Feux verts pour le Marché commun
Les six rouages du Marché Commun (1), assemblés depuis un an par les mécaniciens les plus experts de l’Europe occidentale, se sont discrètement ébranlés le 1er janvier 1959. Mouvement lent, mais progressif, définitif, irréversible. Cette révolution semble avoir été ressentie avec plus d’acuité par les pays tiers que par les participants eux-mêmes. Si elle n’a guère bouleversé la vie quotidienne des 165 millions d’Européens en puissance, elle a, par contre, passionné les onze partenaires de l’O.E.C.E. — les non-Six — qui espéraient que les premiers jours de l’année 1959 deviendraient les derniers du Marché Commun. Il est vrai que les engrenages avaient été si rigoureusement ajustés que le dérèglement d’un seul élément national eût suffi à briser le fragile ressort de l’Europe.
Espoirs des Onze et appréhensions des Six étaient fondés sur la vulnérabilité de la France dont on était loin d’être assuré qu’elle fût en état de prendre le départ, de franchir les premiers obstacles, de soutenir le train de ses co-équipiers.
Si imperceptible que fût l’animation européenne, elle suffit cependant à fournir l’étincelle du moteur français. Ayant dévalué sa monnaie, supprimé nombre de subventions, libéré des échanges à 90 % vis-à-vis de l’O.E.C.E. (2), la France respecta les engagements du Traité, sans invoquer ni délais de grâce ni clause de sauvegarde. Elle tint à assumer la responsabilité de la plus grande aventure économique de tous les temps en devenant un membre à part entière de la Communauté Européenne. Mutation qui restituait d’un seul coup à la nation sa faculté d’initiative, son équilibre, son audace. La France venait de s’élever à la puissance de se gouverner elle-même.
Il reste 89 % de l'article à lire
Plan de l'article