La faillite de la stratégie atomique
Ce livre demande à être lu attentivement, pour plusieurs raisons. La première est l’intérêt même du sujet ; la deuxième est l’abondance des questions traitées par l’auteur, et qui vont des considérations de haute politique à des observations techniques sur les armements ; la troisième enfin, qui est en partie une conséquence de la deuxième, est le manque d’unité de l’ouvrage, qui n’est pas suffisamment « centré » sur son objet principal, et qui demande par suite au lecteur un effort d’adaptation aux différents sujets traités.
L’idée principale est que la stratégie atomique de l’Otan, reposant sur une croyance exagérée dans la valeur propre de la technique, est infiniment trop rigide pour s’adapter aux formes réelles de la menace provenant du bloc communiste. En faisant reposer sa défense sur les représailles atomiques – idée acceptable lorsque les Soviets ne disposaient pas de l’armement nucléaire – l’Otan se prive des moyens de s’opposer, autrement que par le spectre de la catastrophe universelle, aux attaques souples dont elle est l’objet. Elle devient ainsi « un pacte de suicide ». Le suicide ne peut être une solution constructive. Aussi l’auteur exprime-t-il l’idée que « nous succomberons à la paralysie atomique » si nous n’avons pas l’esprit, le courage et la force « de revenir en arrière afin de retrouver le sentier perdu ». Ce sentier est celui des armements traditionnels, suffisamment développés pour que le fameux « bouclier européen » soit autre chose qu’un mot. Il est paradoxal, pense l’auteur, que les Alliés, disposant au total d’hommes plus nombreux et d’un potentiel matériel plus puissant, ne puissent opposer aux Soviets que quelques divisions, alors qu’ils pourraient aisément contrebalancer la force classique de leurs adversaires éventuels. L’armement atomique est une sorte de « ligne Maginot » de style moderne, aussi rigide que celle-ci, aussi incomplète aussi, puisque la défense européenne peut être, et est en fait, facilement tournée par l’Afrique du Nord, plate-forme d’où l’action anti-occidentale peut aisément s’étendre à l’Afrique noire et à l’Atlantique.
Ce résumé de l’idée principale de l’auteur donne une idée insuffisante des différents problèmes que celui-ci aborde ; ces problèmes se rattachent plus ou moins directement à cette idée. Il est dommage que le lien ne soit pas plus clairement exprimé. L’argumentation – à laquelle il semble difficile de ne pas souscrire – manque cependant, dans son exposé, de l’unité qui lui aurait donné encore plus de force.
Ferdinand Otto Miksche est un penseur et un écrivain militaire assez connu pour que les opinions qu’il exprime, même si l’on regrette qu’il le fasse d’une façon un peu décousue, soient prises en considération. Ses précédents ouvrages ont montré sa perspicacité et la justesse de ses vues. Celui-ci, même s’il n’avait pas été précédé de plusieurs autres, s’imposerait.
Un livre sur lequel il est bon de réfléchir, et dans lequel il est urgent de prendre des idées, pour passer au plus vite à des réalisations. ♦